dimanche 14 novembre 2010

« L’affaire Djezzy », l’autre visage des IDE…


Qu’est-ce que nous retenons de tout cela ? C’est que nous ne savons pas nous vendre, ni vendre nos produits. L’affaire des cimenteries a levé le voile sur des appréciations financières qui étaient dévaluées et l’affaire Djezzy montre que nous pouvons monter de A à Z une entreprise en Algérie et lui donner de la valeur à l’étranger. Non seulement cela mais que des conglomérats et des entreprises internationales l’estiment et lui donnent un prix en… dollars. On ne savait pas faire cela. On pensait qu’il n’y avait que le pétrole et les matières premières qui puissent ramener de la devise. Nous avons appris que les entreprises ont aussi un prix. Et en dollars SVP

31 juillet 2001. C’est la journée de l’ouverture de la vente aux enchères de la deuxième licence GSM algérienne. L’ARPT, fraîchement mise en place, va gérer l’ouverture des plis. Entre-temps, Naguib Sawiris et son équipe sont dans un couloir -côté chambre- de l’hôtel El Aurassi en train de contrôler et de mettre en place les plis. A ce moment-là, personne ne connaissait le prix exact auquel la licence allait être cédée. Les études et les prospectives lui avaient été données, la licence devra coûter entre 710 et 740 millions de dollars, qu’il vérifiera avec un financier en l’invitant dans son jet privé quelque temps après la vente car la différence qui atteint presque 300 millions de dollars lui avait paru énorme. Mais le dernier mot lui revient. Au même moment, il pense au Boeing 737 qu’il voulait acheter. Après avoir préparé les plis et les avoir mis entre deux plaques de plomb de format A4, tout le monde se lève et prend la direction du palais du gouvernement. C’est la salle où se réunit habituellement le gouvernement qui est choisie pour cette première ouverture publique des plis. La salle est divisée en trois par des cordages. Une partie pour les officiels, une partie pour les soumissionnaires et une dernière partie pour la presse. Les soumissionnaires sont à côté de la presse, un simple cordage les sépare. Au centre de la table ovale, un micro-ordinateur et un rétroprojecteur. Les plis des soumissionnaires ayant été pris en charge par l’ARPT, commencent alors les explications sur l’ouverture de ces derniers. Arrive alors le moment fatidique de l’ouverture des enveloppes. Naguib Sawiris et son équipe sont à côté de nous, un simple cordage nous sépare. « 420 millions de dollars pour Orange », le visage de Sawiris devient pâle. Il regarde les plis. Il ne sait certainement pas qu’il n’y avait que deux soumissionnaires, pensant qu’il en y avait trois tel que prévu mais le consortium Téléfonica et Telecom Portugal n’a pas soumissionné. « 737 millions de dollars pour Orascom », lance la voix à la lecture de la soumission. Les membres de l’ARPT se retirent alors pour délibérer. Quelques instants après, les membres du conseil de l’ARPT reviennent et déclarent que, provisoirement, la deuxième licence GSM pour une durée de 15 ans, avec un paiement en deux fois, appartient à Orascom Télécom Algérie. A cet instant, Naguib Sawiris parle au téléphone, un smartphone Nokia, et on l’entendait dire : « Nous l’avons eue. Nous l’avons eue. » Un groupe est en train de rire, un autre de faire la tête et tout le monde se serre la main. En face de la table ovale, les banquiers sont tout sourire. La grande question que tous se posent : « Comment va-t-il payer ? » Il paiera et la deuxième licence GSM appartient alors à Orascom. Inconnu en 2001. Plébiscité aujourd’hui. Entre les deux dates, Orascom Telecom aura investi trois milliards de dollars y compris le prix de la licence, en contrepartie, 15 millions d’abonnés, un ARPU élevé et un retour sur investissement ultra-rapide.

Des abonnés et encore des abonnés…

C’est exactement le 7 novembre 2001 qu’Orascom lance la marque Djezzy sans avoir de réseau et, à fin décembre, Orascom lance les ventes de SIM dans sa première agence à la Safex. Bousculade et bagarres au menu. Et le 15 février 2002, Djezzy lance effectivement son réseau GSM en post-payé. Il faudra attendre août 2002 pour que la SIM prépayée sorte sur le marché. Le premier million est atteint en septembre 2003. Et après ce ne sera que des millions. « Nous sommes surpris et ne réalisons pas la croissance folle qui a caractérisé le marché algérien de la téléphonie mobile, encore moins d’avoir atteint 8 millions d’utilisateurs de notre réseau », dira Hassen Kabbani, l’ex-directeur général d’OTA lors du forum d’El Moudjahid en mai 2006. En parallèle, Mobilis, l’opérateur historique, et Nedjma, le détenteur de la troisième licence, affûtent leurs armes et veulent de grosses parts de marché. Trois opérateurs et c’est la grande bagarre. 2008 : crise financière mondiale. Affolement généralisé dans le monde, les gouvernements mettent la main à la poche pour aider les entreprises et essentiellement les banques et les établissements financiers à ne pas « couler ». C’est la plus grande crise financière du XXIe siècle. Pour les trois opérateurs télécoms en Algérie, c’est le branle-bas de combat : il faut réduire les dépenses. Pour OTH, c’est le moment des comptes et il change le directeur général d’OTA même si le chiffre d’affaires pour 2008 a été de 2,04 milliards de dollars (en hausse par rapport à 2007 qui s’évaluait à 1,755 milliard de dollars), selon son bilan financier annuel publié officiellement sur son site.

On n’a pas que du pétrole !

2009 aurait été l’année où le patron de Weather Investments cherchait de nouveaux investisseurs ou repreneurs car la crise est passée par-là. Entre-temps, OTA, pour 2009, ne fait qu’un chiffre d’affaires de 1,86 milliard de dollars, en baisse par rapport à 2008 mais qui représente plus de 50% des revenus de OTH. Connaissant bien ses marchés, le patron de OTH se tourne vers les français Bouygues et Vivendi qui refuseront net ses offres. Ils démentiront tous les deux et cela s’est fait bien avant le match Algérie - Egypte. Mais alors c’est qui l’italien Weather Investments ? Le premier juin 2005, 50% des actions de OTH SAE plus une action ont été transférées à Weather Investments SPA (société italienne), permettant à cette dernière d’accroître ses actifs afin de pouvoir contracter des financements bancaires de plusieurs milliards d’euros et ainsi acquérir la majorité du capital de l’opérateur italien Wind Italia. La société Wind Italia Spa a été valorisée à 12,2 milliards d’euros. En 2007, Weather Investments a également acquis l’opérateur fixe et mobile TIM Hellas (Grèce), rebaptisé depuis Wind Greece pour un montant de 3,4 milliards d’euros. En 2010, Weather Investments a lancé un nouvel opérateur au Canada, « Wind Mobile Canada ». « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’indirectement, environ 48% de OT Algérie est la propriété de Weather Investments Spa (société de droit italien). Ces mêmes 48% d’OTA avec les autres actifs détenus indirectement par Weather Investments Spa via le contrôle de OTH SAE ont été donnés en garantie aux banques internationales en contrepartie de concours financiers », nous dit Farid Bourenani, expert en finance internationale.

Nos entreprises ont un prix de vente

2010, c’est la valse des opérateurs télécoms mobiles. On parlera d’Etisalat ensuite de MTN et dernièrement de Vimpelcom et d’autres qui sont en embuscade. Jusqu’à aujourd’hui, Vimpelcom n’a pas encore absorbé Weather Investments et des tensions ont commencé à poindre avec son associé de toujours, Telenor, et plusieurs blocages apparaissent dans la concrétisation de ce deal. Tout d’abord, l’Algérie qui veut acheter OTA, lançant un avis d’appel d’offres restreint auprès des banques d’affaires et des sociétés d’expertise afin d’être accompagné dans le futur rachat de la filiale algérienne d’Orascom Telecom. Il a été émis par le ministère des Finances. La date de dépôt des offres est fixée pour le 24 octobre 2010. La Tunisie, elle aussi, qui ne voit pas d’un bon œil la présence de Russes dans le capital de Tunisiana, a adopté une autre démarche : faire entrer Tunisiana dans la Bourse de Tunis. Qu’est-ce que nous retenons de tout cela ? C’est que nous ne savons pas nous vendre, ni vendre nos produits. L’affaire des cimenteries a levé le voile sur des appréciations financières qui étaient dévaluées et l’affaire Djezzy montre que nous pouvons monter de A à Z une entreprise en Algérie et lui donner de la valeur à l’étranger. Non seulement cela mais que des conglomérats et des entreprises internationales l’estiment et lui donnent un prix en… dollars. On ne savait pas faire cela. On pensait qu’il n’y avait que le pétrole et les matières premières qui puissent ramener de la devise. Nous avons appris que les entreprises ont aussi un prix. Et en dollars SVP…

Source : ITMag au 14/11/2010

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