mardi 30 novembre 2010

Cession de Tunisiana OTT : ce que l'Algérie aurait pu faire


Djezzy (OTA) et Tunisiana (OTT), sont deux opérateurs GSM créés par Orascom Telecom Holding SAE la même période en 2002.Les deux pays ont à faire face au projet de cession décidé par le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, de Weather Investment au groupe russo-norvégien VimpelCom et donc indirectement au changement d'actionnaire. Mais la comparaison s’arrête là quant aux réactions de l'Algérie et de la Tunisie.Pour mieux comprendre et comparer le sort et le devenir d’Orascom en Tunisie et Orascom en Algérie, nous avons sollicité Farid Bourennani, Docteur en Ingénierie Financière et Conseil International en opérations de "haut de bilan" et stratégies de développement pays relatives au secteur des télécoms et au secteur bancaire.

Alors qu’en Algérie le dossier Djezzy s’enlise, en Tunisie il semble que la cession de Tunisiana a été une affaire rondement menée par l’Etat. Comment cela s’est t-il déroulé ?

FB: Les faits essentiels sont que depuis de longue date Qtel via sa filiale Wataniya et Orascom étaient dans un processus de négociation pour se racheter les actions de l'autre car à 50/50 aucun des deux groupes ne pouvait consolider intégralement les comptes de Tunisiana dans les comptes de la maison mère. Je dois vous rappeler qu'Orascom a d'abord gagné seul la licence tunisienne, puis il a été a été contraint de s'associer en vendant 50% du capital de Tunisiana à Wataniya, qui deviendra par la suite la propriété de Quatar Telecom, car sa situation financière de l’époque ne lui permettait pas de supporter seul le coût de la licence et les investissements nécessaires au lancement de Tunisiana. Wataniya de son coté était à l’époque un opérateur public koweitien qui n’exerçait qu’au Koweït.n’avait donc aucune expérience à l’international avait saisi l'opportunité de s’associer avec un opérateur régional ayant acquis un savoir faire. Le savoir-faire de l’un et les capacités financières de l’autre ont permis un mariage de raison. C'est certainement grâce à ce fait majeur que Wataniya s'est par la suite intéressé aux nouvelles licences lancées par les Etats (Maldives, Palestine, Irak..) et c'est ainsi qu'il a postulé et gagné la 3ème licence algérienne fin 2003.

Sachant que le groupe Qtel, propriétaire de Nedjma en Algérie et de 50% de Tunisiana, à la suite du rachat de l’opérateur koweïtien Wataniya Telecom , le rachat par un consortium dirigé par Qtel des parts d'Orascom Telecom Holding est- il le résultat de l'exercice du droit de préemption. ? Et y a t'il comme cela est revendiqué en Algérie un droit de préemption en faveur de l'Etat tunisien ?

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Pas vraiment. Le projet de cession de Weather Investment à Vimpelcom sans pour autant faire naitre un quelconque droit de préemption en faveur des coactionnaires d'Orascom dans Tunisiana a été l'occasion pour l'Etat tunisien d'inciter à la concertation et de conseiller les parties de trouver une sortie à bon compte pour Orascom et de permettre l'entrée de co actionnaires tunisiens (Princess holding) aux cotés de Qtel (Wataniya). L'Etat tunisien a manifesté son droit de "préférence" pour une implication plus forte de Qtel dans Tunisiana en particulier et de l'Etat qatari dans l'économie tunisienne en général. Le plus gros du travail de l'Etat tunisien a consisté à séduire en faisant gentiment pression sur l'acheteur Qtel pour aller de l'avant en lui laissant présager un avenir prometteur pour le développement de Tunisiana.
L'Etat tunisien a, afin de permettre l'émergence et l'apprentissage d'un opérateur privé tunisien, saisi l'opportunité de convaincre Qtel d'accueillir en tant qu'associé un consortium privé tunisien (Zitouna Telecom partagé à 75/25 par Princess Holding et Hamdi Meddeb). Au final Qtel possédera 75% des actions et Zitouna Telecom 25%.
Pour conforter le nouveau Tunisiana, l'Etat mettra dans la corbeille et cela fait partie de son rôle pour accélérer le développement des TIC, l'attribution dès 2011 de la licence 4G afin d'élargir le fonds de commerce à l'internet très haut débit et l'internet mobile. L'Etat Tunisien après avoir longuement retardé l'entrée en bourse de Tunisiana à la bourse de Tunis donnera son feu vert fin 2011 pour 10 à 15% du capital.

Si l’on comprend bien l’Etat tunisien a privilégié la négociation pour assurer une participation tunisienne dans le capital via un groupe privé.

Il s'agit là comme vous le disiez d'une opération rondement menée où tous les acteurs trouvent leurs intérêts, (le vendeur, les acheteurs, l’Etat qui ne débourse rien, la bourse de Tunis) sans oublier l'entreprise Tunisiana qui n'est pas orpheline d'un opérateur technique de rang international et qui devient plus que jamais un véritable patrimoine économique pour l’Etat tunisien. Je suis en outre convaincu, comme cela a été pour Orascom en Egypte aux cotés de France Telecom et Wataniya au Koweit, Zitouna Telecom deviendra un opérateur mobile qui volera seul de ses propres ailes. Cette association es une phase d'apprentissage en vue d'acquérir un savoir faire.

Y a t-il autre chose à ajouter sur le dossier Orascom en Algérie cette fois- ci et qui n'a pas été déjà dit dans les différents articles attachés à ce sujet?

Il en est différemment dans le dossier Djezzy. au delà des observations que nous avons déjà évoquées dans de précédents articles et débat d’idées, si in fine l'Etat rachète les actions d’Orascom Telecom Holding, l'entreprise Djezzy se retrouvera sans actionnaire technique ayant un savoir faire à même d’assurer son exploitation avec efficience. Pour être plus explicite, Tunisiana avait deux actionnaires techniques OTH et Qtel, le départ de d'OTH n'affaiblit pas l'exploitation et la continuité managérial, technologique etc sera assurée par Qtel. Dans Djezzy, le savoir faire est détenu seul par OTH, son départ fragiliserait à tous point de vue l'entreprise. Ne pas perdre de vue ce qui semble n’être qu’un détail.

Source : VIVA L'ALGERIE au 30/11/2010

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