samedi 9 octobre 2010

Rachat de Djezzy : Des arguments juridiques aux mains de l’Algérie


L’Algérie va-t-elle réussir à racheter Djezzy aux Russes sans y laisser des plumes ? Si les relations importantes entre les deux Etats algérien et russe semblent plutôt privilégier l’option d’un accord politique, il est néanmoins important d’exposer les éléments juridiques régissant une telle situation.

D’abord, la fusion opérée entre le groupe égyptien OTH (détenteur de Djezzy) et le russe Vimpelcom est en totale conformité avec le droit international face auquel l’Algérie ne peut rien. «Les autorités algériennes ne peuvent, sous quel motif que ce soit, empêcher cette fusion», souligne un expert en droit international qui a requis l’anonymat, assurant que ce changement de propriétaire de Djezzy n’affecte aucunement sa «personne morale». Si la maison mère change de propriétaire, la personne morale détentrice de la licence octroyée par l’Etat algérien qui est Djezzy existe toujours. «La situation telle qu’elle se présente actuellement ne pose pas de problème de licence, puisque la personne morale demeure la même», explique-t-il encore.

Dans le cas contraire, Djezzy tomberait sous le coup de l’article 23 de la loi n°2000-03 du 5 août 2000 fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications, selon lequel «la cession des droits découlant de la licence ne peut intervenir qu’après accord de l’autorité concédante par la formalisation d’une nouvelle licence établie au profit du concessionnaire. Le concessionnaire est tenu au respect de l’ensemble des conditions de la licence». Cette règle est appuyée par l’article 19 du décret exécutif n°01-124 du 9 mai 2001 portant définition de la procédure applicable à l’adjudication par appel à la concurrence pour l’octroi des licences en matière de télécommunication, qui stipule que «tout projet de cession par le titulaire de la licence des droits découlant de la licence doit faire l’objet d’une demande auprès de l’Autorité de régulation».

Cependant, le changement d’actionnaires ne doit pas s’effectuer sans l’accord préalable des autorités algériennes. «Le non-respect de cette clause peut conduire l’Etat algérien à retirer la licence d’exploitation à Djezzy», souligne le même expert.
L’Etat algérien a-t-il donné son accord pour cette fusion ? Difficile de savoir tant la communication officielle reste chaotique sur le dossier. Si l’Etat est informé, la procédure réglementaire exige une demande du vendeur accompagnée d’un dossier comportant notamment l’ensemble des informations requises par le règlement de l’appel à la concurrence qui a donné lieu à l’attribution de la licence, complété par tout élément d’information demandé par l’Autorité de régulation.

Celle-ci dispose de 15 jours, à compter de la date de la demande, pour adresser au titulaire une liste d’informations complémentaires à fournir. L’Autorité de régulation rend sa décision dans le mois suivant la date de réception du dossier de demande dûment complété. Il s’agit soit de recommander l’acceptation du projet de cession – dans ce cas, la nouvelle licence dont le texte est élaboré par l’Autorité de régulation est attribuée au concessionnaire par décret exécutif – soit de refuser le projet de cession, auquel cas la décision de l’Autorité de régulation est motivée. Les raisons peuvent être politiques, sociales ou économiques.

Mais on n’en est pas là. L’Etat algérien a clairement fait valoir son droit de préemption, tel que spécifié dans la loi de finances complémentaire 2009 et encadré dans la loi de finances complémentaires de 2010. Comme le stipule la loi, «l’Etat ainsi que les entreprises publiques économiques disposent d’un droit de préemption sur toutes les cessions de participations des actionnaires étrangers au profit d’actionnaires étrangers. Le droit de préemption s’exerce conformément aux prescriptions du code de l’enregistrement. Ce droit de préemption peut être total ou partiel.» Les modalités d’application sont définies dans la LFC 2010.

«Les Russes disent être prêts à céder Djezzy à hauteur de 8 milliards de dollars. L’Etat algérien a certainement fixé un seuil maximal. Mais c’est aux experts de déterminer le prix du rachat», souligne un autre expert en droit des affaires qui se réfère à la LFC 2010. «Le recours aux experts est une pratique orthodoxe, employée notamment dans la politique des privatisations depuis des années. Cette pratique vient combler l’absence de mécanismes internes régissant le droit de préemption dans ce secteur», explique cet expert, qui souligne, par ailleurs, que dans l’immobilier, l’exercice du droit de préemption est clairement défini : l’Etat rachète le bien en rajoutant 10% au prix de vente.

Source : Journal El Watan du 09/10/2010

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