dimanche 24 octobre 2010

LA PORTABLEMANIA «Bipili»


Il vibre, sonne, frissonne, chante, bipe mais sait garder le silence lorsqu’on le lui demande. C’est vrai, il tient au creux d’une seule main, mais nous relie au monde entier. Lui, c’est le téléphone portable. En arabe classique, «el mahmoul».
Un petit bidule de rien du tout mais dont la fonction est grandiose : nous permettre de garder le contact avec le autres. Au regard de tous les services que ce cellulaire nous rend au quotidien, on est en droit de se demander comment on a pu s’en passer, il n’y a pas si longtemps de cela. Accro ! On en est devenus tous accros. Alerte maximale. Une pandémie s’est propagée. La portablemania. Ça ressemble à un film étrange. Tous ces bipèdes déambulant dans les rues d’Alger, un bidule scotché à l’oreille. Ils gesticulent, sourient, froncent les sourcils, éclatent de rire, s’énervent et parlent fort. «Win rak âmri ?», «Coupe, je te rappelle», «Si tu ne débarques pas ce vendredi avec ta mère pour demander ma main, je te plaque !», «Je veux mon fric tout de suite, sinon el youm matafrache !»... La vie privée des citoyens lambda est jetée en pâture dans la rue. Vie professionnelle, problèmes familiaux, disputes, tendres aveux... la pièce théâtrale se joue sur le macadam.

Sang chaud
Numéro un au hit-parade, les bagarres. Pourquoi diantre choisit-on le trottoir pour régler ses comptes en vociférant à en perdre la voix ? La colère gronde. Le ton monte. Rouge comme une pivoine, ce jeune trentenaire déverse tout son fiel aux abords du boulevard Amirouche. Les yeux à deux doigts de sortir de leur orbite, il éructe, postillonne et jure ses grands dieux en brandissant le poing «wallah, rani djaï. Je vais te casser la figure. Même le plus grand chirurgien ne pourra te réparer ta fatcha d’escroc... J’arrive !». Entré dans une sorte de cinquième dimension, le quidam ne remarque même pas les passants. Ils le dévisagent avec des yeux ronds comme des pastèques. «Il est complètement mahboul ce radjel !» lâche une sexagénaire en dodelinant la tête de droite à gauche «Allah yestar » !

Bipili
Le bipage. Sport national. Plus qu’une simple sonnerie, c’est un code, un langage. «Je bipe ma copine plusieurs fois par jour et même la nuit pour lui signifier que je pense très fort à elle», révèle Khaled (17 ans, lycéen). Quant à Anissa (32 ans, femme au foyer), elle a adopté un système pour préserver le plus longtemps son crédit : «Je bipe souvent mon mari, lorsque j’ai besoin de quelque chose. Il me rappelle aussitôt du bureau, aux frais de la princesse.»

Les sans-gêne
Combien de fois avons-nous été perturbés et agacés par la sonnerie intempestive du téléphone dans un endroit inapproprié : conférence, spectacle, cinéma, restaurant, hôpital... Des sonneries rap, raï, techno fusent dans des espaces publics censés être calmes. C’est connu, lorsqu’il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir !

Les frimeurs
«T’as vu, j’ai acheté le dernier portable à la mode. Ouais, j’ai même la connexion internet !» dixit les papiches qui adorent se balader avec ce petit «truc» collé à l’oreille ; jusqu’au moment fatidique où un petit malin sorti de nulle part arrache le lobe de la donzelle en même temps que le joujou dernier cri. Option : la frimeuse pourra toujours essayer de le racheter, en faisant un tour au marché des 3- Horloges de Bab-El-Oued ou à la d’lala d’El-Harrach. Seul problème, il faudrait négocier ferme pour en obtenir un bon prix.

SMS
Reste les adeptes des SMS. «Vingt SMS gratuits pour toute recharge de 500 DA !», martèle la pub. Alors, on en profite un max en utilisant le français kid qui fait hurler les profs enseignant la langue de Molière. «Slt, keske tu fé ? RDV 2M1 à 2h». Et si on est à court d’unités, prévoir un SMS de secours «Flexyli 100 DA stp !»

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