mardi 12 octobre 2010

Djezzy: un député appelle à sauver la crédibilité de l'Etat


Les commentaires alarmistes sur Djezzy qui fusent de tous les côtés, s'ils soulignent l'impéritie et l'incompétence crasse qui ont caractérisé la gestion du dossier de la téléphonie mobile depuis dix ans, n'en sont pas moins déplacés dans la mesure où ils accréditent, volontairement ou pas, une situation de fait accompli qui n'en est pas.

Au risque de mécontenter certains et d'en ravir d'autres, dans ce dossier rien n'est joué comme le confirmerait une simple revue des événements qui ont jalonné ce dossier, à l'aune de la réglementation en vigueur. Orascom a manifesté au départ sa volonté de se délester de sa filiale algérienne ; le gouvernement algérien à son tour a indiqué sa volonté d'exercer, comme il en a le droit, son droit de préemption et l'a fait savoir à au moins deux acquéreurs potentiels qui ont immédiatement mis un terme à leurs négociations avec le vendeur. En faisant fi de ce droit de préemption et en incluant Djezzy dans le périmètre de cession aux Russes, alors qu'elle avait l'obligation légale de l'en sortir, Orascom contrevient aux lois qui régissent le fonctionnement de sa filiale algérienne et s'expose ainsi aux sanctions les plus graves qui peuvent aller jusqu'à la révocation de licence et/ou à des sanctions pécuniaires, en sus de celles qui lui ont déjà été infligées pour fraude fiscale et violation du contrôle des changes. Que l'acquéreur russe ait choisi lui aussi, au moins officiellement, d'ignorer ce droit, renseigne sur la désinvolture et le côté flambeur de cet «investisseur», deux traits de caractère, certes courants au sein de l'oligarchie russe, mais qui n'en sont pas moins de mauvais augure pour un partenariat stabilisé. La précipitation avec laquelle cet «investisseur» a fait une proposition de revente à l'Etat d'un bien dont, on l'a vu, il n'est même pas le légitime propriétaire, au prix de 8 milliards de dollars, ramené après mure réflexion à 7,8 milliards ! (le souci de la précision prêterait à sourire, ne serait la gravité des choses) prouve bien que nous avons affaire là à une tentative d'escroquerie de haut vol. Il y a en effet toutes les raisons de penser que dans cette affaire, le Russe a accepté de «porter », au sens financier du terme, c'est-à-dire sans en assumer les risques économiques, les intérêts de l'Egyptien contre la cession par ce dernier de l'intégralité de Wind, la filiale italienne. Ce portage ne figure, bien entendu, pas dans la version officielle de l'accord mais dans une «side letter» (clause confidentielle) qui doit couvrir tous les cas de figure possibles : intéressement du Russe au pactole si la manœuvre réussit et inversement révision à la baisse du prix de cession si cette manœuvre diabolique venait à échouer. Face à cette situation, l'Etat n'est pas dénué de moyens de réaction autres que la nationalisation au prix fort, la solution de «laissez-faire » qui convient tellement aux fatalistes et aux incompétents, ou au prix faible au risque de passer pour chavézien. Il a d'abord le droit pour lui, ce qui n'est pas peu, surtout eu égard au comportement délictueux avéré de l'actionnaire «historique» de Djezzy et à la réputation sulfureuse du prétendant russe. En tant que puissance publique ensuite, il a le pouvoir de faire fondre le fonds de commerce de Djezzy (déjà sévèrement écorné par la désaffection systématique de la clientèle algérienne à la suite du match de football de triste mémoire du 14 novembre) comme neige au soleil avec les tracasseries qu'une administration tatillonne peut lui imposer en toute légalité. Il peut par exemple lancer, comme le prescrivent les règles de trac-fin, une enquête approfondie sur l'origine des fonds («know your customer» ou KYC en jargon d'initié); il peut également lancer un appel d'offres pour une quatrième ou même une cinquième licence quitte à faire une entorse au cahier des charges existant, le cas échéant, diluant d'autant les opérateurs actuels, etc. Cette affaire a pris des proportions qui dépassent le simple domaine financier ; de son traitement énergique dépend la sauvegarde du peu de crédibilité qui reste à l'Etat dans la conduite des affaires économiques.

Rafik Hassani, député RCD France.

Source : VIVA L'ALGERIE AU 12/10/2010

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