vendredi 29 octobre 2010

Un Orascom peut en cacher un autre


Après l’affaire Djezzy, l’empire de la famille Sawiris est dans le collimateur des autorités. Malgré tout, sa branche BTP, Orascom Construction Industries, s’accroche au marché local

Pendant des mois, le monde des affaires algérien n’a parlé que du conflit opposant le flamboyant Naguib Sawiris au gouvernement d’Ahmed Ouyahia au sujet de la revente de l’opérateur mobile Djezzy. Un conflit en cours de dénouement, sauf coup d’éclat des autorités, avec la cession au russe Vimpelcom de la maison mère égyptienne, Orascom Telecom, le 4 octobre.

Mais il est un autre Sawiris, plus discret, qui poursuit ses affaires à Alger. Nassef, le troisième fils d’Onsi Sawiris, est depuis cette année le PDG de l’ensemble de la branche BTP de l’empire familial, Orascom Construction Industries (OCI). Classé au 88e rang mondial des exportateurs du secteur, OCI a réalisé en 2009 un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros dans la construction. Le groupe bâtit des infrastructures, mais produit aussi des matériaux de construction et a, plus récemment, investi le secteur des engrais.

Pour le géant égyptien, l’Algérie est un marché vital. Début 2010, le pays pesait 19,7 % du carnet de commandes d’OCI dans les infrastructures, soit près de 1 milliard d’euros. Ce qui en fait le deuxième marché du groupe après l’Égypte (27,8 %). De quoi mobiliser les talents de diplomate de Nassef Sawiris, moins médiatique que son frère aîné Naguib, pour continuer à faire des affaires. Et ce malgré l’hostilité des autorités algériennes, due au cas Djezzy mais aussi à la vente par OCI de deux cimenteries, acquises en 2007 après leur privatisation par l’État, au français Lafarge. Une cession considérée comme contraire aux intérêts algériens.

Installé en Algérie depuis 2001, OCI a rapidement prospéré, répondant aux appels d’offres sur tous les créneaux, que ce soit pour des entreprises publiques, comme Sonatrach ou Sonelgaz, ou comme sous-traitant de groupes industriels étrangers (Alstom, General Electric ou ABB) qui ont pris l’habitude de travailler avec le groupe au Moyen-Orient. Parmi les contrats majeurs conclus par OCI dans le pays, les Algérois connaissent notamment l’usine de dessalement d’eau de mer d’El-Hamma, réalisée en partenariat avec le belge Besix pour le compte de General Electric Ionics. Le groupe y a également bâti les usines du français Areva et du sud-coréen Vatech.

Climat de méfiance

Mais si ces projets passés se sont déroulés sans accrocs, les chantiers en cours posent plus de soucis à OCI. Le climat de méfiance avec les autorités n’y est pas pour rien. L’entreprise a été choisie en 2007 par Sonelgaz pour la réalisation avec le français Alstom de la centrale électrique de Terga, dans l’ouest du pays, qui doit être prête en 2011 (un contrat de 1,3 milliard d’euros). Mais le client algérien accuse OCI de recourir à du personnel égyptien plus que de raison, et, en février, des heurts ont opposé Algériens et Égyptiens sur le chantier, qui a pris du retard.

Autre contrat en difficulté, la réalisation – toujours avec Alstom – du tramway d’Alger, qui ne devrait pas être prêt avant 2012 (livraison initialement prévue en 2010). Début août, Omar Khaloua, directeur tramway à l’Entreprise du métro d’Alger (EMA), accusait même OCI de « démobiliser son personnel » et blâmait Alstom pour avoir retenu le groupe égyptien comme sous-traitant. Dernier chantier à problèmes, celui du complexe d’exportation de gaz naturel de Skikda, mené par l’américain Kellogg Brown & Roots (KBR) et réalisé pour Sonatrach. Le chantier draine 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour OCI, mais il accuse un retard de plus d’un an.

Plus inquiétant encore : le groupe vit principalement sur d’anciens contrats en Algérie. OCI n’a pas réussi à participer aux derniers grands chantiers publics comme le métro d’Alger (gagné par l’allemand Siemens) ou la construction d’autoroutes (accordée au chinois CRCC). Seule consolation : son association avec Sonatrach pour la construction et l’exploitation de l’usine de production d’engrais d’Arzew (démarrage fin 2013), un investissement de 1,1 milliard d’euros qui permettra à OCI de percer dans le secteur mais aussi de bénéficier de gaz algérien à prix local. Reste à voir si, après l’épisode Djezzy, OCI retrouvera grâce aux yeux des autorités pour décrocher de nouveaux marchés. Car la branche BTP des Sawiris n’est pas près de débarrasser le plancher algérien.

Source : Jeune Afrique au 29/10/2010

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