jeudi 7 octobre 2010

Le bouclier russe


D’une affaire commerciale, le feuilleton de l’entreprise de téléphonie Djezzy est en passe de dériver en contentieux politique. La cession à un repreneur russe, Vimpelcom Ltd, de la majorité des actions (51,7%) d’Orascom Telecom Holding (OTH) participe-t-elle de la ruse commerciale de la part de l’ancien propriétaire majoritaire d’OTH, Sawiris, pour reprendre la main dans les négociations difficiles avec le gouvernement algérien sur l’avenir de sa filiale algérienne ? Ce qu’il n’a pu obtenir par la négociation directe, après avoir épuisé toutes les cartes en sa possession, y compris certainement en impliquant le gouvernement égyptien de façon indirecte en faisant jouer la diplomatie parallèle, il espère l’arracher en se mettant sous l’aile protectrice d’un partenaire d’un pays puissant, la Russie en l’occurrence.

Un pays qui présente, de surcroît, cet avantage précieux d’entretenir des relations politiques cordiales avec l’Algérie qu’il compte mettre dans la balance. Le choix du partenaire russe pourrait ne pas être dicté que par des considérations strictement commerciales. Les déclarations faites par Sawiris sur la transaction avec les Russes, dont il attend beaucoup pour provoquer un déclic dans le traitement du dossier de Djezzy, conformément à ses attentes, confortent cette analyse. Même en demeurant minoritaire avec un portefeuille de 20% des actions à la suite de la cession de la majorité des actifs d’OTH aux Russes, Sawiris garde un fer au feu au sein de Djezzy. Ceci dans l’hypothèse bien évidemment où le repreneur majoritaire russe parviendrait à convaincre le gouvernement algérien à abandonner l’OPA qu’il avait lancée pour l’acquisition de Djezzy au nom de son droit de préemption.

En se servant du bouclier russe, l’opérateur de téléphonie égyptien a voulu manifestement forcer la main à l’Algérie par partenaire interposé, dans un duel à distance dans lequel il n’apparaît pas visuellement en tant que partie prenante du contentieux. Cette stratégie de containment exercée sur l’Algérie, sur les deux fronts, commercial et politique, ouvertement ou de façon déguisée, pèsera-t-elle dans les négociations qui vont s’engager avec le nouveau propriétaire russe et pourra-t-elle infléchir la position de l’Algérie sur ce dossier ? Une chose est sûre, c’est que l’investissement de Djezzy en Algérie, qui a tourné court, ne manquera pas d’avoir des retombées sur les relations commerciales et économiques entre l’Egypte et l’Algérie, déjà assombries depuis l’agression du Caire contre l’équipe algérienne de football.

Avec les Russes, c’est un autre casse-tête qu’il faudra gérer avec beaucoup de tact et de pragmatisme compte tenu de la densité des relations politiques et économiques liant l’Algérie et la Russie. L’affaire des avions de chasse russes délabrés vendus à l’Algérie avait failli se transformer en crise grave entre les deux pays si le constructeur russe n’avait pas reconnu sa méprise. La Russie a des intérêts économiques évidents en Algérie. Elle ne voudrait pas s’aliéner notre pays – qui est par ailleurs un allié politique avec lequel elle partage une convergence de vues sur nombre de dossiers internationaux – en venant chez nous avec un esprit de conquérant. De la même façon, l’Algérie tient à préserver ses relations avec Moscou. S’achemine-t-on alors vers un partenariat gagnant-gagnant ou une autre solution qui préserverait les intérêts commerciaux des deux parties ?

Source : Journal El Watan du 07/10/2010

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