mardi 7 décembre 2010

Droit de «préférence» à Tunis, «droit de préemption» à Alger


Face au projet de cession d’Orascom Telecom Holding à l’opérateur russo-norvégien VimpelCom, Alger et Tunis où le groupe égyptien détient des intérêts ont réagi différemment. Si le cas Djezzy reste pendant et pourrait aboutir devant l’arbitrage, le cas Tunisiana est réglé. L’Etat tunisien a été fortement présent. Il n’a pas exercé un droit de préemption. Il a fait valoir un droit de préférence et a joué un rôle d’incitateur. Efficace.

Alors que le cas Djezzy continue à faire du surplace et risque de durer longtemps avec un probable passage par l’arbitrage, le cas de Tunisiana où Orascom Telecom Holding (OTH) détenait 50% de parts a été réglé, sous la discrète supervision des autorités tunisiennes avec une célérité remarquable. La comparaison entre les deux situations est tentante. Djezzy (OTA) et Tunisiana (OTT) sont deux opérateurs GSM créés par Orascom Telecom Holding SAE à la même période en 2002. La différence est frappante sur la manière dont les deux gouvernements ont fait face au projet de cession décidé par le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, de Weather Investment au groupe russo-norvégien VimpelCom et donc indirectement au changement d'actionnaire. Si le gouvernement algérien a mis en avant un droit de préemption sur la cession des actifs d’Orascom Telecom en vertu de dispositions introduites dans la loi de finances complémentaire 2009, le gouvernement tunisien a choisi d’agir dans la discrétion favorisant une entente entre vendeur et acheteur tout en poussant dans la foulée un consortium tunisien à entrer dans l’affaire. Le résultat des ces deux démarches est là : un problème un suspens pour Djezzy, une affaire rondement réglée pour Tunisiana. Alors qu’entre Sawiris et les responsables algériens, les échanges à distance sont parfois vifs, en Tunisie, tout le monde à l’air d’être satisfait. La transaction sur la vente des 50 d’Orascom Telecom Holding dans Tunisiana sera finalisée le 2 janvier prochain. Le groupe de Sawiris obtient une bonne affaire, 1,2 milliards de dollars ce qui correspond à 6,7 fois l’EBITDA (bénéfices avant intérêts, impôts, taxes, dotations aux amortissements) de Tunisiana pour 2009. Il faut préciser que dans le cas de Tunisiana - dans laquelle Qtel détient 50% via sa filiale El Wataniya -, un processus de négociation existait bien avant l’annonce de l’accord entre le groupe de Sawiris et VimpleCom.

Ces négociations avaient pour but le rachat ou la vente des actions détenues par l’une des parties. « A 50/50 aucun des deux groupes ne pouvait consolider intégralement les comptes de Tunisiana dans les comptes de la maison mère » explique Farid Bourennani, Docteur en Ingénierie Financière. A l’origine, Orascom Telecom détenait en solo la licence tunisienne et il a accepté, en raison de problèmes financiers, de vendre 50% du capital de Tunisiana à Wataniya, qui deviendra par la suite la propriété de Qatar Telecom.

Les incitations du gouvernement de Tunis


Par de petits signaux, le gouvernement tunisien a marqué sa réserve à l’entrée de VimpleCom. Discrètement, il a encouragé Qtel à prendre les parts d’Orascom Telecom en y mettant le prix. Cela ressemblait à un exercice d’un droit de préemption de la part de Qtel, l’associé d’Orascom Telecom dans Tunisiana. Ce n’est pas vraiment le cas estime, le Dr Bourenani. « Le projet de cession de Weather Investment à Vimpelcom sans pour autant faire naitre un quelconque droit de préemption en faveur des coactionnaires d'Orascom Telecom dans Tunisiana a été l'occasion pour l'Etat tunisien d'inciter à la concertation, de conseiller les parties à trouver une sortie à bon compte pour Orascom Telecom tout en permettant l'entrée de coactionnaires tunisiens (Princesse holding) aux cotés de Qtel (Wataniya) ». L’expert préfère à ce sujet parler d’un « droit de préférence » exercé par l’Etat tunisien en faveur d’une implication plus forte de Qtel dans Tunisiana en particulier et de l'Etat qatari dans l'économie tunisienne en général ». La démarche du gouvernement tunisien a donc consisté à inciter Qtel à aller de l’avant tout en le convaincant d’accueillir en tant qu’associé un consortium privée tunisien constitué par Sakher El Materi et Hamdi Meddeb. Qtel se retrouve ainsi avec 75% des actions tandis que le consortium tunisien Zitouna Telecom prend 25%. « Pour conforter le nouveau Tunisiana, l'Etat mettra dans la corbeille et cela fait partie de son rôle pour accélérer le développement des TIC, l'attribution dès 2011 de la licence 4G afin d'élargir le fonds de commerce à l'internet très haut débit et l'internet mobile. L'Etat Tunisien après avoir longuement retardé l'entrée en bourse de Tunisiana à la bourse de Tunis donnera son feu vert fin 2011 pour 10 à 15% du capital » relève-t-il. L’opération arrange toutes parties. « Tout les acteurs trouvent leurs intérêts, le vendeur, les acheteurs, l’Etat qui ne débourse rien, la bourse de Tunis… ».


Zitouna Telecom a de l’avenir…


Tunisiana également qui se retrouve entre les mains d’un opérateur technique de rang international. Quand à Zitouna Telecom, l’expert pronostique, qu’il finira par devenir un opérateur qui volera de ses propres ailes et que son association avec Qtel va être un période d’apprentissage et d’acquisition de savoir-faire. Sur le rachat à 100% de Djezzy par l’Etat algérien, des experts font valoir que l’entreprise Djezzy risque de se retrouver sans actionnaire technique disposant d’un savoir-faire à même d’en assurer l’exploitation de manière efficace. Selon Bourenani, « le départ d'OTH n'affaiblit pas l'exploitation, la continuité managériale, technologique… sera assurée par Qtel. Dans Djezzy, le savoir faire est détenu seulement par OTH, son départ fragiliserait à tous point de vue l'entreprise. Il ne faut pas perdre de vue ce qui ne semble n’être qu’un détail ».

Source : Maghreb Emergent au 07/12/2010


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