jeudi 26 mai 2011

Joseph Ged, Directeur général de WTA, à “Liberté”: “Nous sommes le premier investisseur dans les télécoms en Algérie”


Dans cet entretien, le premier responsable de Nedjma aborde l’évolution du marché de la téléphonie mobile, l’importance des investissements de Wataniya Télécom Algérie et les perspectives de positionnement du troisième opérateur sur la place.

Liberté : Comment analysez-vous l’évolution du marché de la téléphonie mobile en Algérie ?


Joseph Ged : La croissance du nombre d’abonnés s’est ralentie. Il y a actuellement une concurrence très rude entre les opérateurs, reflétée par le niveau des promotions, les plans de fidélité et des offres agressives en matière de tarifs. En valeur, le marché de la téléphonie mobile en Algérie est en phase de stagnation. Il a atteint 290 milliards de dinars en 2010 en termes de chiffre d’affaires global. Si on regarde 2009, on était à peu près à ce niveau. Le marché connaîtra un nouvel élan, une nouvelle croissance uniquement à travers la data, soit l’attribution des licences 3G/3.5G ou 4G. Le marché algérien a un potentiel important. La meilleure façon de donner une impulsion forte à ce marché aujourd’hui, comparable à la croissance entre 2005 et 2007, c’est la télécommunication mobile data de troisième génération ou quatrième génération. Nous sommes convaincus que la 3G ou 4G ouvrira de nouvelles perspectives au marché algérien. En dépit de cette stagnation, Nedjma a continué à améliorer sa position en réalisant, en 2010, un chiffre d’affaires de 610,4 millions de dollars, soit une croissance de 25% par rapport à l’exercice précédent.

Quels sont les résultats obtenus par Wataniya Télécom Algérie (WTA) au cours de ces deux dernières années ?


Le groupe qatari Qatar Telecom (Qtel), qui contrôle WTA, est présent dans 17 pays. Les pays qui connaissent la plus forte croissance sont l’Algérie, l’Indonésie et l’Irak. On a réalisé, en 2010, 610,4 millions de dollars de revenus, soit 25% de croissance, contre 491,7 millions de dollars en 2009. C’est l’une des plus fortes croissances du groupe et même de la région. L’Ebitda s’est situé à 230,4 millions de dollars en 2010, contre 161,7 millions de dollars en 2009. Le résultat net positif, le premier depuis l’installation de Nedjma (la dénomination commerciale de WTA), s’est élevé à 10 millions de dollars en 2010.

Quelle est l’importance de vos investissements en Algérie ?


Depuis plusieurs années, nous avons engagé de gros investissements en Algérie. Nous avons acquis la licence de téléphonie mobile pour 421 millions de dollars. Nous avons engagé, de 2004 à fin 2010, des investissements de l’ordre de 1,5 milliard de dollars en Algérie. En termes d’IDE, c’est environ 1,1 milliard de dollars. Nous avions engagé près de 400 millions de dollars de nos fonds propres dans des investissements dans le réseau. En 2010, nous avons été le premier investisseur dans le secteur des télécoms avec 185 millions de dollars investis.
Au premier trimestre 2011, nous avons investi 28 millions de dollars. Nous poursuivrons cette politique d’investissement en 2011 et les années à venir.

Avez-vous “grignoté” des parts de marché ces deux dernières années ?


Notre part de marché est actuellement de 30%. De septembre 2009 jusqu’à fin 2010, nous avons acquis deux millions de nouveaux abonnés. Nous avons pu maintenir ces abonnés tout en stabilisant notre part de marché. Ces nouveaux abonnés utilisent leurs puces Nedjma de manière principale, continue et sérieuse (fidèles à Nedjma). Le niveau moyen de consommation par abonné (Arpu) est passé de 5,2 dollars à 7,3 dollars au premier trimestre 2011, soit une croissance de 40% par rapport au premier trimestre 2010.

Comptez-vous soumissionner pour le marché de la téléphonie mobile de troisième et quatrième générations ?


Nous sommes très intéressés par la licence 3G ou 4G. Nous sommes prêts à investir pour développer le marché de la téléphonie mobile de troisième ou quatrième génération. L’Algérie a un très fort potentiel sur ce point.

Quand attendez-vous un retour sur vos investissements ?


Nous avons mis six ans pour arriver à dégager, en 2010, notre premier bénéfice. En 2011, nous estimons, compte tenu des résultats publiés des trois premiers mois de l’année, que nous réaliserons un second résultat net bénéficiaire. Il faudra quelques années encore pour qu’on arrive à un retour sur investissement.

En supposant que les pouvoirs publics encouragent cette option, WTA compte-t-elle introduire ses actions à la Bourse d’Alger, une fois réalisés trois résultats nets bénéficiaires ?


La stratégie d’investissement de Qtel porte sur le long terme. Dans cette vision, il y a une réflexion des actionnaires sur cette possibilité de cotation en Bourse. L’introduction de Nedjma en Bourse pourrait être l’une des solutions d’ancrer notre présence en Algérie en donnant la possibilité à la société algérienne d’acquérir des actions de WTA et de participer au rendement financier de la compagnie. Cette possibilité figure dans la vision stratégique du groupe.

La mission de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) doit être optimisée. Comment voyez-vous le changement qui pourrait intervenir ?


Nul ne peut nier la pertinence de cette autorité et ses réalisations. L’ouverture du marché a eu un impact considérable sur le développement des TIC, et en particulier la téléphonie mobile, qui, de 2004 (2 millions d’abonnés) à ce jour (+ 30 millions), a connu une progression fulgurante. Certes, le processus a été émaillé par des incidents, notamment avec la prédominance d’un opérateur, en plus d’une concurrence déloyale que Nedjma n’a pas manqué de dénoncer à travers les années. Fort heureusement, les choses sont aujourd’hui prises en main et des avancées considérables ont été obtenues. Beaucoup de choses restent à faire, et cela nécessite, en effet, et aujourd’hui plus que jamais, l’optimisation des missions de l’ARPT. À noter que dans le marché actuel, il y a prédominance de la voix à hauteur de 95% du CA et le reste concerne tout ce qui est data à travers le SMS et une infime partie pour le EDGE/GPRS. À ne pas négliger, non plus, l’écart qui existe en termes de nombre d’abonnés, mais surtout le CA qui n’est pas sans conséquence sur la profitabilité. Ceci demande, inéluctablement, un rééquilibrage des parts de marché des opérateurs à travers, d’abord, des mesures urgentes, aussi bien restrictives (encadrement tarifaire) pour l’opérateur dominant qu’incitatives pour les deux autres afin de réduire les écarts entre opérateurs.

Le ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication a déclaré récemment que l’Internet sera ouvert aux privés nationaux et aux opérateurs étrangers. Seriez-vous intéressé par une nouvelle activité en dehors de la téléphonie mobile ?


Certainement. Nous sommes partants, aussi bien pour l’Internet que pour la 3G/4G. En 2010, nous avons été le premier investisseur dans les télécoms et nous sommes prêts à augmenter nos investissements. Mais au-delà de la licence actuelle, nous sommes prêts, par ailleurs, à investir dans tout ce qui est relié aux télécommunications pour peu que cela cadre avec la vision et le business-stratégie du groupe Qtel. Nous voulions avancer sur le Wimax et la VoIP depuis un moment et nous avons eu les autorisations y afférentes. Mais les autorisations ne remplacent pas une licence, et cela devient trop risqué pour nous d’investir dans pareilles conditions. Notre dernière tentative, auprès de l’ARPT, qui date d’à peine quelques mois, s’est d’ailleurs soldée par un refus. Nous avions alors demandé des validations pour développer de nouveaux services de VoIP et des plans de numérotation, mais sans succès. Nous avons été très surpris par ce refus, surtout pour ceux qui veulent accroître la valeur du marché et offrir les meilleures prestations.

La question portant sur le choix du lancement de la 3G ou 4G n’est pas encore tranchée. Quelle serait, selon votre avis, la meilleure option pour l’Algérie ?


Il faut noter que le marché du mobile à proprement dit stagne et les chiffres entre 2009 et 2010 témoignent de cette situation, même si Nedjma arrive, malgré cela, à réaliser une croissance très encourageante. Ceci étant, nous estimons que la seule façon de donner un nouvel élan réside dans le lancement de nouveaux services data à travers de nouvelles technologies. La 3G pourra être lancée très rapidement une fois que les licences sont données. Il ne faut pas perdre de vue que ces technologies ont un coût et les infrastructures adéquates nécessitent un grand investissement. À cela s’ajoute le revenu du consommateur algérien qui est relativement faible alors que les Handset 4G restent à un prix très élevé. Quoi qu’il en soit, nous sommes intéressés par la 3G dont le potentiel en Algérie est très grand de par le besoin qui se fait ressentir de plus en plus. Reste à savoir dans quelles conditions se fera l’octroi de la licence ainsi que d’autres détails techniques car c’est un facteur déterminant pour fixer les tarifs par la suite.

Comment comptez-vous fidéliser la clientèle et drainer de nouveaux abonnés ?


C’est un travail de fond qu’on mène depuis deux à trois ans. Nedjma a amélioré son image de marque en établissant un lien émotif avec les Algériens à travers le sponsoring en devenant aujourd’hui le premier sponsor du football algérien. On a investi dans les réseaux : infrastructures, points de vente, distribution pour assurer une qualité de service exceptionnelle. Nous proposons des offres adéquates à chaque segment de marché. Nedjma est, actuellement, le leader dans les services aux entreprises en Algérie. C’est une étape très importante dans la réussite de Nedjma. Le segment entreprise est le plus difficile à satisfaire, le plus difficile à retenir. De fin 2009 au premier trimestre 2011, nous avons plus que doublé le nombre d’abonnés sur ce segment entreprise. Nous leur offrons un pack de services. Pour arriver à cette position de leader, Nedjma s’est appuyée sur une stratégie de vente, le support d’un réseau performant et la qualité de service. Nous avons centré notre stratégie de vente sur les produits à haute valeur, une offre à 2 000 et 4 000 DA pour les particuliers et des offres spécifiques destinées aux entreprises, particulièrement aux PME et aux grandes entreprises.

Quelle est votre politique de ressources humaines ?


Nedjma a misé sur le développement humain, sur le niveau des compétences qui sont aujourd’hui à l’origine du grand succès de Nedjma. Le personnel de Nedjma est constitué de 99% d’Algériens et la moyenne d’âge de nos employés est de 30 ans. Sur 1 900 collaborateurs, 40% sont des femmes dont 60% occupent des postes managériaux. En d’autres termes, 24% des managers de WTA sont des femmes. Nous investissons dans la formation. Nous avons réalisé 50 000 heures de formation durant l’année 2010. En matière de recrutement et d’avancement dans la carrière, Nedjma est le numéro 1. Cela explique les résultats positifs obtenus ces dernières années sur le marché algérien. Une étude réalisée en 2010 montre que le taux d’engagement du staff de WTA est de 60%, ce qui la classe parmi les meilleures entreprises, tous secteurs confondus, dans la région.

Un dernier mot…


Je souhaite à Liberté un succès continu, que votre quotidien garde le sens de la liberté d’expression. Nedjma sera toujours à vos côtés dans cette voie. Nous entendons nous engager dans un partenariat à long terme avec vous. Encore une fois, je veux conclure que l’Algérie reste au plan des investissements directs étrangers un pays très positif. Nous encourageons tous les investisseurs à s’engager en Algérie. Nous les invitons à venir en Algérie si leur vision de profitabilité est pour le long terme. L’Algérie connaît une croissance économique importante ainsi qu’une stabilité au niveau de la sécurité sociale dans une région qui connaît des perturbations. J’espère le meilleur pour tous les pays arabes. Je souhaite plein de prospérité et de stabilité pour l’Algérie. Nous sommes là pour avancer au rythme des autorités. Nous sommes là pour le long terme.

Source : Journal Liberté du 26/05/2011

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