mardi 31 mai 2011

Intel Investor Meeting 2011 : le x86 partout ?

Intel nous a accueilli il y a quelques jours dans son QG de Santa Clara pour faire le point sur l'année écoulée, et sur les évolutions de sa feuille de route. Le fondeur a également martelé plus que jamais qu'il comptait bien déployer l'architecture x86 partout, et que les solutions ARM allaient avoir du souci à se faire.

Intel accueillait il y a quelques jours quelques dizaines d'investisseurs à son quartier général de Santa Clara. Cette rencontre annuelle est l'occasion pour le fondeur d'analyser en profondeur ses résultats financiers des douze derniers mois, ainsi que de revenir sur les feuilles de route de ses différentes divisions. La crise avait durement marqué l'année 2009, et la reprise a permis à Intel d'afficher de très bons résultats en 2010. Le chiffre d'affaires de la société californienne a progressé de 24%, tandis que les bénéfices ont bondi de 89% ! Intel a également réalisé deux rachats majeurs (McAfee et Infineon WLS), ainsi que huit plus petits. Le géant de Santa Clara a été très généreux envers ses actionnaires ces derniers mois, aussi bien en augmentant leurs dividendes, que via des rachats massifs d'actions.

Intel est donc au meilleur de sa forme, alors même que son marché principal, les ordinateurs personnels, semble assez fragile. La compagnie explique ce paradoxe de deux façons distinctes. Premièrement, si les marchés matures sont en effet mal en point (Europe, États-Unis), les marchés émergents continuent leurs progressions spectaculaires.

C'est cependant un autre segment qui est le moteur de résultats impressionnants du géant bleu : celui des serveurs. Intel profite en effet à fond du phénomène « cloud computing », indiquant par exemple que 600 smartphones connectés (ou 122 tablettes) nécessitent de fait un serveur. Or, ce serveur a de fortes chances d'être basé sur des produits Intel. Depuis le lancement des premiers Xeon Nehalem, AMD semble être complètement hors jeu à ce niveau. En réalité, les Opteron de la firme de Sunnyvale ne sont pas ceux qui auront le plus souffert de cette montée en puissance des solutions Intel.

Ce sont en effet les solutions RISC (notamment proposées par IBM et Sun) qui ont vu leurs parts de marché chuter de manière inexorable en quelques années. On notera aussi qu'Intel est désormais un acteur de premier plan sur les marchés de l'embarqué et du réseau. On ne sera donc guère surpris d'apprendre que le chiffre d'affaires de la division Data Center de la firme de Santa Clara affiche une progression de 15% entre 2008 et 2010, tandis que la marge moyenne progresse à hauteur de 43% (propulsée par un prix de vente moyen qui a doublé en quelques années) ! Sur 8,7 milliards de dollars de CA en 2010, les serveurs ont rapporté près de 4,4 milliards de dollars à Intel. En comparaison, le « PC Client Group » affiche des bénéfices de 13 milliards de dollars, pour un CA de 30,3 milliards de dollars. Pour la petite anecdote, ces deux entités sont tellement énormes qu'elles pourraient être des sociétés faisant partie du classement Fortune 300 !

Intel tenait donc à expliquer que même sans véritables solutions compétitive sur ces marchés (les Atom n'y ayant pas fait leur trou), il profitait plus que quiconque de l'émergence des smartphones et des tablettes. La compagnie californienne est cependant consciente du fait que ses lacunes à ce niveau commencent à faire peur aux investisseurs. L'ombre d'ARM planait clairement sur cet Investor Meeting 2011. Intel a d'abord souhaité enterrer une fois pour toutes l'idée farfelue de la création d'une nouvelle puce de ce type.

On a pourtant appris avec surprise que le géant de Santa Clara dispose toujours d'une licence ARM. Mais Intel mise désormais tout sur son architecture x86. Depuis l'annonce des premiers SoC basés sur l'Atom, nous étions quelque peu septiques quant au succès d'Intel en la matière. Du côté des bons points, l'architecture de ces processeurs n'est peut-être pas à la hauteur des derniers Core, mais ils sont cependant nettement plus avancés que les Cortex d'ARM. Cependant, les Atom ont toujours souffert des choix du géant de Santa Clara en matière de processus de gravure.

Tout cela va cependant changer, puisque le fondeur va proposer des Atom gravés à 32 nanomètres cette année, à 22 nm en 2013, et à 14 nm en 2014 ! C'est non seulement plus rapide que les Tick-Tock des autres solutions Intel, mais également une évolution deux fois plus rapide que ce que prévoit la loi de Moore. Sans aller aussi loin, Medfield, qui doit débarquer dans les mois qui viennent, semble d'ores et déjà être un très bon produit. Dadi Perlmutter nous a présenté un smartphone et une tablette fonctionnant avec ce nouvel SoC. De nombreux fabricants étaient intéressés par cette solution, et on peut donc espérer trouver des produits finis en boutique avant la fin de l'année.

L'arrivée des premières puces gravées en 22 nm en 2012 pourrait changer la donne sur ces segments très porteurs. La technologie Tri-Gate (transistors 3D) permet en effet de réduire drastiquement la consommation énergétique, et les fonderies produisant des solutions ARM n'ont rien d'équivalent à l'horizon. Les performances exceptionnelles du 22 nm ne seront cependant utiles qu'aux Atom. Intel compte bien profiter de cette évolution substantielle pour relancer l'ordinateur individuel.

"Les qualités d'une tablette avec les performances d'un ordinateur"

Le ralentissement des ventes de PC sur les marchés matures peut s'expliquer d'un simple fait. Les utilisateurs lambda ne ressentent pas le besoin d'acheter une nouvelle machine qui ne sera que marginalement plus performante que celles dont ils disposent pour leurs usages. Il faut donc justifier cette dépense avec un argument différent, de l'ordre de celui qui avait lancé la transition entre desktop et laptop.

Intel veut (et doit) réinventer le PC. Le géant de Santa Clara souhaite concevoir des machines ultra réactives, ultra fines, ultra sécurisées, ultra performantes, et offrant une autonomie digne de ce nom. Il s'agit donc d'offrir au consommateur « les qualités d'une tablette avec les performances d'un ordinateur ». C'est dans ce contexte que la technologie Tri-Gate sera précieuse, puisqu'elle va permettre à Intel de réduire le TDP moyen de ces processeurs mobiles à environ 15 watts. Il s'agit donc d'imaginer l'ordinateur portable de demain comme l'ultra-portable d'aujourd'hui. Les CPU LV/ULV actuels seront la norme d'ici à 2013, une évolution sans précédent depuis le lancement de la première plateforme Centrino en 2003 !

Intel va donc s'appuyer plus que jamais sur ses légendaires fonderies. La totalité de la gamme de solutions x86 va passer au 22 nanomètres en quelques mois. Le géant de Santa Clara va donc augmenter ses capacités de production dans les années qui viennent. La compagnie californienne a beau réaliser des profits conséquents, quand on sait qu'une nouvelle usine coûte pas moins de 6 milliards de dollars, ce n'est pas un choix sans conséquence. Andy Bryant nous a cependant expliqué, graphique à l'appui, que le choix stratégique de dépenser plus de 100 milliards de dollars par décennie pour disposer d'une nouvelle finesse de gravure en production tous les deux ans est de loin le meilleur. Utiliser le même processus pendant dix ans coûterait par exemple plus de 300 milliards de dollars !

Intel est également organisé de telle façon que même si une usine n'est pas utilisée au maximum de sa capacité, cela ne représente qu'une perte sèche d'environ 125 à 175 millions de dollars (ce qui est ridicule par rapport au risque de ne pas pouvoir suivre la demande). Le géant de Santa Clara estime également qu'une société dont le chiffre d'affaires est inférieur à 9 milliards de dollars ne peut pas se permettre de disposer d'une fonderie de dernière génération. La décision d'AMD d'abandonner ses "Fab" alors que son CA chutait de manière inexorable apparaît donc comme une quasi-obligation dans ce contexte.

Intel est considéré à juste titre comme le numéro un des semi-conducteurs. La firme californienne doit cependant aller au-delà du simple silicium pour garantir ses résultats dans les années qui viennent. La success-story de la division data center semble difficile à répliquer sur le marché des tablettes et des smartphones. Intel va donc devoir travailler son offre logicielle pour continuer de vendre ses puces à la pelle. Le géant de Santa Clara l'a bien compris, ses derniers rachats (Wind River, McAfee) ont porté l'effectif de sa division software à plus de 9000 employés.

Historiquement, la relation fusionnelle avec Microsoft et son célèbre système d'exploitation Windows (on parle souvent du couple "Wintel") ont toujours permis à Intel de dominer outrageusement la concurrence. Les échecs du géant de Seattle du côté des smartphones et des tablettes ont donc poussé le fondeur à non seulement travailler de concert avec de multiples partenaires, mais également a promouvoir son propre OS : MeeGo. Ce dernier continue son développement tranquillement, et Intel nous a indiqué qu'il disposait de 35 « design-wins » en ce qui concerne les tablettes. Évidemment rien ne dit que tous ces produits seront commercialisés...

En attendant, on peut reporter nos espoirs en ce qui concerne les smartphones et tablettes x86 sur Android. Intel collabore avec Google depuis de nombreux mois, et nos premières impressions des tablettes x86 fonctionnant sous Honeycomb (aka Android 3.0) étaient très positives. On notera également l'arrivée imminente de machines ChromeOS basées sur des plateformes Intel. Pour conclure en ce qui concerne le software, les premiers logiciels McAfee tirant parti des fonctionnalités des processeurs Intel débarqueront bientôt, même si c'est du côté des plateformes mobiles que les attentes sont les plus grandes. C'est également ici qu'Intel pourrait marquer des points, alors que tous les OS mobiles sont critiqués en ce qui concerne leur sécurité.

Voilà donc ce qu'Intel avait à nous dire en ce mois de mai 2011. Les prochaines grandes annonces du géant de Santa Clara sont attendues à l'IDF de San Francisco, qui aura lieu en septembre prochain.

Source : PCWORLD.fr au 31/05/2011

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