dimanche 27 mars 2011

Algérie : L’oraison funèbre d’EEPAD a été dite

Les chances de survie, déjà très minces, d’EEPAD, se sont encore rétrécies après l’annonce, samedi, de l’échec des négociations pour son absorption par le groupe public Algérie Telecom. Le dépôt de bilan se profile, inéluctable, à moins d’un "miracle". Retour sur une affaire qui semblait prometteuse et qui se termine par un crash.

L’affaire EEPAD est « un drame pour le secteur des TIC » a déclaré le ministre algérien de la Poste et des TIC, Moussa Benhamadi. Le constat du ministre a été, une fois n’est pas coutume, d’une grande limpidité : les dettes cumulées d’EEPAD envers Algérie Telecom (AT) sont de plus de 4 milliards de DA et dépassent la valeur de l’entreprise. Or, EEPAD, le plus important des fournisseurs d’accès privés, par le nombre d’abonnés et d’activités liées, a également des dettes au niveau des banques et d’autres opérateurs. Au passage, Moussa Benhamadi a chargé la « mauvaise gestion » du propriétaire de l’EEPAD, Nouar Harzallah qui, « confronté à des difficultés financières qui ne lui ont pas permis d’honorer ses engagements ». « Algérie Télécom a fait des propositions intéressantes pour résoudre les problèmes de l’Eepad, mais celle-ci a refusé. Cette affaire est un drame pour le secteur des TIC », a-t-il regretté. Le ministre ne s’est pas étendu sur la nature des « propositions intéressantes » qui auraient été refusées par EEPAD. C’est quasiment une oraison funèbre que vient de faire Moussa Benhamadi pour une entreprise qui semblait avant septembre 2009 un modèle de réussite dans un secteur prometteur. La « bonne communication » du groupe EEPAD y a largement contribué. Et aussi une qualité de service indéniable dont avaient pu profiter les abonnés dont le nombre (35.000) s’est révélé, lui aussi, très modeste. Au début de l’année 2010, une rumeur laissant entendre qu’un Fonds d’investissement saoudien pourrait prendre une participation dans EEPAD s’est avérée sans fondement. Le « salut » d’EEPAD ne pouvait de ce fait venir que de son plus important créancier, Algérie Telecom.

L’activité internet à l’arrêt depuis septembre 2009

EEPAD avait « échappé » récemment à une mesure de retrait des autorisations d’exploitation à des providers privés inactifs depuis des années. L’activité Internet d’EEPAD est à l’arrêt depuis septembre 2009, depuis qu’Algérie Telecom lui a définitivement les liens d’interconnexion en raison du non-respect par l’opérateur privé d’un échéancier du paiement de la dette conclu en juin 2009. Vers la fin février, Nouar Harzallah, admettait, dans une déclaration faite à Maghreb Emergent, que son entreprise était « à l’agonie ». « Nous sommes disposés à céder la majorité (51%) pour qu’AT puisse non seulement récupérer ses créances mais aussi lancer un véritable partenariat bénéfique pour tous. L’Eepad n’est pas seulement un fournisseur d’accès à Internet. Notre société a créé de la valeur ajoutée, notamment avec le e-learning, il serait dommage de laisser mourir une entreprise, à cause d’un litige qui peut être réglé et assainit ». Pour Algérie Telecom, ainsi que l’a déclaré le ministre, cette option ne présente aucun intérêt dès lors que sa seule dette envers l’opérateur public vaut plus que l’entreprise. Eepad s’oriente ainsi inexorablement vers le dépôt de bilan. « Si Eepad venait à déposer le bilan, tout le monde serait perdant, y compris AT. Nous allons mettre au chômage ce qui reste de nos travailleurs, dont le nombre est passé à 267, contre 460 il y a plus d’un an, et AT ne va pas pouvoir récupérer ses créances que ce qui restera après avoir réglé les banques, les impôts, et la Sécurité sociale ».

Le mal originel… est "politique"

La mise en garde de Harzallah n’a pas convaincu Moussa Benhamadi. En avril dernier, Ali Kahlane, président de l’association des fournisseurs d’Internet (AAFSI) expliquait que le mal originel d’EEPAD tenait à l’empressement des autorités du secteur à lancer l’ADSL « à tout prix » en 2003. « On a assisté à un empressement du politique pour lancer l’ADSL à n’importe quel prix. Algérie Télécom ne pouvait pas assurer ce service, ils (politiques) se sont rabattus le provider privé Eepad qui a joué le jeu du politique. Le lancement de l’ADSL a été fait au détriment des 50 ISP opérationnels à l’époque, ils n’ont pas été mis dans la confidence pour prétendre à ce service. Algérie Télécom a géré la bande passante Internet comme elle gère le téléphone fixe. Elle a appliqué une structure tarifaire qui ne tient pas compte de la réalité existante sur le marché. A titre d’exemple, 2 mégas d’Internet valaient 800 000 DA à la veille du lancement de l’ADSL. Algérie Télécom n’a jamais accepté la baisse des coûts de la bande passante. Un partenariat spécial a été scellé entre Algérie Télécom et l’Eepad pour lui permettre de lancer l’ADSL. Algérie Télécom mettait, de fait, l’ensemble de ses ressources humaines, matérielles et infrastructurelles à la disposition de l’Eepad ». Fin de partie pour une entreprise privé qui a vraiment fait illusion.

Source : Maghreb Émergent au 27/03/2011

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