vendredi 28 janvier 2011

La coupure d’Internet en Egypte, une première mondiale par son ampleur


La coupure du réseau internet en Egypte, pour contrecarrer les manifestations anti-Moubarak, est une première par son ampleur et les autorités ont clairement fait pression sur les opérateurs pour neutraliser cet outil clé dans la mobilisation, selon des experts.

«Selon nos informations, environ 88% du réseau n’est plus disponible en Egypte, c’est une première dans l’histoire d’internet», a déclaré à l’AFP Rik Ferguson, expert sécurité pour Trend Micro, troisième éditeur mondial de solutions de sécurité.

«Les réseaux des plus importants opérateurs du pays sont coupés, mais il reste encore quelques réseaux minoritaires qui répondent toujours, comme Noor Data Networks. Ce qui montre bien que ce n’est pas un problème de câblage, mais forcément une intervention humaine», souligne-t-il.

Quelque 23 millions d’Egyptiens disposent d’un accès, régulier ou occasionnel, à internet, soit près du quart de la population, selon les chiffres officiels. Outre le web, les réseaux de téléphonie mobile sont également perturbés pour empêcher les échanges de SMS.

«Seul un tout petit trafic arrive à sortir»

«En vingt-quatre heures, on a perdu 97% du trafic internet égyptien», résume Julien Coulon, cofondateur de la société française Cedexis, une sorte d’«aiguilleur du net» qui réoriente les demandes de recherche vers les meilleurs fournisseurs d’accès internationaux en fonction du trafic en temps réel.

«Seul un tout petit trafic arrive à sortir, les demandes en provenance d’Egypte pour se connecter aux sites que Cedexis aiguille, comme Lemonde.fr ou Euronews, ne débouchent que pour environ 3% des internautes», précise-t-il.

C’est la première coupure internet «autoritaire» d’une ampleur aussi importante, s’accordent à dire les experts, car les ruptures d’accès précédentes, en Birmanie en 2007 ou en Iran en 2009 lors de protestations populaires, n’avaient été que temporaires ou très ciblées.

Ainsi, lors des protestations contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, Twitter et Facebook avaient été rendus inaccessibles. Et en Birmanie, les connections internet avaient été coupées plusieurs jours lors de la vague de manifestations contre la junte au pouvoir.

L’Egypte - comme la Tunisie - fait partie de la liste des 13 pays classés «ennemis d’internet» par Reporters sans frontières.

«Mais jusqu’à présent, les autorités égyptiennes ne procédaient pas du tout à un filtrage systématique, il y avait plutôt un contrôle des activités sur internet», explique Soazig Dollet, responsable Moyen-orient/Afrique du nord pour RSF.

«Il y a eu sans aucun doute pression sur les opérateurs»

«Contrairement à d’autres pays comme la Tunisie, le gouvernement égyptien ne peut pas appuyer sur un "bouton" pour tout couper. Mais là, il y a eu sans aucun doute pression sur les opérateurs. Et ces opérateurs aujourd’hui ne répondent plus au téléphone pour donner des explications», souligne-t-elle.

«Suite à ce qu’il s’est passé en Tunisie (La révolution de jasmin, NDLR) on comprend bien qu’internet est un outil de démocratie, et donc qu’un gouvernement qui se sentirait déstabilisé puisse considérer de faire pression sur les opérateurs pour couper internet», renchérit Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.

«A partir du moment où le gouvernement a la main sur les opérateurs pour filtrer, on peut considérer que c’est beaucoup plus facile pour lui d’ordonner une coupure totale», souligne-t-il.

L’Egypte compte quatre principaux fournisseurs d’accès au web dont la licence est délivrée par l’autorité de régulation des télécommunications égyptienne: Link Egypt, Vodafone/Raya, Telecom Egypt, et Etisalat Misr.


Sources : Libération.fr au 28/01/2011 et AFP

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