jeudi 13 janvier 2011

Algérie : doutes sur une tentative de l’Etat de chahuter Facebook


La sociologie des émeutiers qui ont ébranlé l’Algérie entre le 05 et le 08 janvier derniers n’est pas de celle qui utilise Facebook pour se retrouver dans la rue. Mais alors pourquoi l’accès au premier réseau social de la planète est il devenu lent, voire impossible en certains points d’Algérie ? Facebook a été un « diffuseur » hors norme de l’information locale produite par les internautes. Entre doutes et rumeurs, petite enquête chez les usagers.

Depuis quelques jours, la toile algérienne vit dans la rumeur et la paranoïa, la cause : difficultés d’accès au site facebook.com.
Sans être totalement inaccessible, la connexion au réseau social le plus populaire au monde - plus de 500 millions de membres dans le monde dont plus d’un millions en Algérie - est devenue difficile voire impossible dans certaines régions du pays. Dans un cyber café de la capitale, des clients constatent des lenteurs, rouspètent contre le gérant du cyber café, qui se dédouane très rapidement « men andhoum » (ça vient de chez eux), la résignation est instantanée.

Mais les problèmes persistent, plus d’un jour…deux ou trois jours selon des internautes.

Le web algérien se met en branle, le lien est vite fait entre la révolte dans la rue et facebook, le coupable est tout désigné, la sentence habituelle tombe : c’est l’Etat qui censure. « Ils savent que c’est grâce à facebook qu’on se retrouve pour protester, donc ils le bloquent» crie (en gras) un internaute dans un commentaire. Pour d’autres « l’Etat algérien est entrain de vérifier » le réseau social, « à la manière de l’Iran, la Chine ou la Tunisie, on place des filtres pour tracer et enregistrer tout ce qui est dit afin de pister les cyber dissidents… ».

Dans un article intitulé « Censure, filtrage, connexion lente : Pourquoi Facebook n’est pas accessible en Algérie » le site d’information en ligne DNA-algerie.com repris sur facebook, propose les mêmes explications techniques à ces lenteurs : « d’après nos investigations, des spécialistes procèdent actuellement à des tests liés à l’enregistrement du flux entrant et sortant en Algérie concernant facebook ainsi que d’autres réseaux sociaux ou de partages de vidéos (Twitter, Youtube, Dailymotion…) afin de garder une copie pour un traitement ultérieur ». Suspicions et conclusions.

TSA-algerie.com, l’autre site d’information en ligne va encore plus loin dans « l’investigation » en allant chercher les causes de ces lenteurs directement chez le porte parole de facebook pour la région. Il nous apprend que facebook… « mène l‘enquête ».

Le mono provider n’a pas d’explication

Le « malaise » sur la toile de cette dernière semaine n’a pas encore soulevé de tollé sur le front de la prestation commerciale. Nous avons essayé de contacter les services concernés d’Algérie Télécom pour connaitre les raisons de ces lenteurs « ce n’est pas à notre niveau » nous dit-on d‘emblée. Chez Djaweb le fournisseur d’accès à internet le premier réflexe est une fin de non recevoir. Un employé, qui ne donne pas sa fonction, finit, sous l’insistance, par expliquer vaguement que « le provider n’a rien à voir avec le fonctionnement d’un site en particulier». Mais ce site en particulier est parfois la seule raison d’abonnement des clients et compte des centaines de milliers d‘utilisateurs algériens au quotidien.

Souscrire à un abonnement internet qui peut dépasser les 2000 DA pour un particulier, soit 20% du SMIG, devrait donner le droit au client d’exiger un service maximum. C’est le provider qui, par soucis de servir et garder ces abonnés, devrait communiquer le premier sur les éventuelles perturbations de ses services et des services les plus utilisés, qu’il soit à l’origine ou pas de la perturbation.

Dans un tel contexte, les internautes algériens font leur propre service après vente. Ils se sont organisés ces derniers jours pour diffuser des programmes et des techniques afin de contourner ces lenteurs. Un logiciel qui modifie l’adresse IP de l’internaute algérien permet de naviguer comme si on était à l’étranger. Curieux hasard, Facebook s’ouvre plus vite par ce détour.

Ce qui subsiste donc de cette rapide enquête est un sentiment de doute. L’Etat algérien ne revendique pas qu’il puisse censurer les flux sur le web comme le font des pays comme la Chine, l’Iran ou la Tunisie. Dans le même temps il ne se cache pas de vouloir se donner les moyens de le contrôler dans le cadre de la lutte contre la cyber criminalité. Il laisse ainsi planer le doute, un doute qui a pour effet d’amortir les exigences les plus élémentaires du client algérien.

Source : Maghreb Emergent au 13/01/2011

Aucun commentaire: