lundi 10 janvier 2011

Algérie : les islamistes échouent à récupérer les manifestations


Les islamistes algériens ont tenté sans succès de se greffer à la nouvelle révolte qui a secoué l'Algérie depuis le 5 janvier, alors qu'ils avaient atteint le sommet de leur popularité après les émeutes meurtrières d'octobre 1988.

"Les islamistes ont perdu la guerre de l'opinion publique face au discours officiel qui les présente comme des tueurs, des égorgeurs d'enfants et de femmes", a assuré à l'AFP le politologue Ismaïl Mâaraf.

Les jeunes nés lors de la "décennie rouge", connectés au monde grâce à l'internet et aux chaînes satellitaires, sont moins perméables au discours intégriste, fait-il remarquer.

Pourtant, de son exil au Qatar, l'ancien président du Front Islamique du Salut (FIS), Abassi Madani a appelé les partisans de sa formation, déclarée hors-la-loi en 1992, à rallier le mouvement de protestation contre la vie chère lancé il y a cinq jours.

Son adjoint, Ali Belhadj, s'est rendu à Bab-el-Oued, un quartier populaire d'Alger où il a été mal accueilli, alors que l'imam au visage ascétique était l'idole des jeunes il y a 20 ans.

Les prêches incendiaires de l'extrémiste algérien attiraient alors des dizaines de milliers de fidèles remontés contre le régime. Ils formeront les premiers bataillons de combattants quand le FIS passera à l'action armée après avoir été privé de sa victoire électorale aux premières législatives pluralistes de l'histoire du pays en décembre 1991.

Alors que venaient de commencer les émeutes la semaine dernière, l'imam n'a réuni autour de lui qu'une poignée de jeunes, et il a très vite été interpellé par la police.

"La tentative de récupération a totalement échoué" s'est réjoui auprès de l'AFP le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia.

"Tous les vendredis, Ali Belhadj va au autour d?une mosquée pour faire son petit cirque et de toute manière son audience est extrêmement limitée puisqu'à Bab El Oued il a été pris à partie par les jeunes, justement parce qu?ils ont vu qu?il voulait (les) récupérer comme en octobre 1988", selon le ministre.

Pour la première fois depuis l'indépendance du pays en 1962, une révolte de grande ampleur avait alors soufflé sur l'Algérie sur fond de contre-choc pétrolier et de baisse du cours des hydrocarbures. L'armée avait dû rétablir l'ordre au prix de dizaines de morts et de centaines de blessés.

Ebranlé sur ses bases, le régime du parti unique craquait et le pouvoir reconnaissait le multipartisme.

Cette ouverture allait surtout profiter au FIS qui tenait le discours le plus radical, promettant de balayer le régime "corrompu" responsable, selon lui, d'avoir mené le pays à la faillite.

Il promettait un "Etat islamique islamique" plus juste, fondé sur la loi coranique.

Son ascension fulgurante sera récompensée par un triomphe aux élections municipales et cantonales en juin 1990. Mais elle sera brisée après une nouvelle victoire aux législatives l'année suivante.

L'armée a alors mis fin à son projet et le pays a plongé dans une confrontation qui a fait plus de 200.000 morts.

Le déferlement de violence sous la forme de massacres de masse, d'attaques-suicides, d'attentats à la voiture piégée, d'assassinats ciblés d'intellectuels, journalistes et artistes a fini par discréditer les dirigeants islamistes radicaux alors que les plus modérés ont rejoint le gouvernement.

Une génération est née au milieu de ces traumatismes.

Alors que les islamistes algériens jouissaient d'une certaine bienveillance à l'étranger, ils ont fini par la perdre après les attentats anti-américains du 11 septembre 2001 et la guerre contre le terrorisme internationale qui s'en est suivie.

Source : Agence France Presse (AFP) au 10/01/2011

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