mercredi 14 avril 2010

La décennie mobile : IL Y A UNE DIZAINE D’ANNÉES, IL ÉTAIT RARE ET CHER… AUJOURD’HUI, IL EST À LA PORTÉE DE TOUS


Jamais une industrie n’a connu un développement aussi florissant et rapide que celui de la téléphonie mobile. En l’espace de 10 ans, le paysage algérien se retrouve avec trois opérateurs, quatre constructeurs hand set présents d’une manière officielle, le double dans le domaine de l’IT, une douzaine de distributeurs, des centaines de grossistes, des milliers de points de vente, des centaines de milliers d’emplois directs et indirects, et surtout un parc de 32 millions d’abonnés. Retour sur une décennie mobile qui a complètement changé les habitudes des Algériens.

L’ouverture du marché des télécoms, prônée il y a une dizaine d’années, a suscité un grand engouement chez les professionnels du secteur. Qu’ils soient équipementiers, opérateurs, constructeurs, prestataires de service, tous se sont rués sur l’ARPT, l’Autorité qui régule le marché, pour s’offrir une licence ou une autorisation. Le terrain vierge a suscité le grand engouement au point d’enregistrer un développement sans pareil en l’espace de dix ans. Le secteur des télécoms est devenu le deuxième après les hydrocarbures à réaliser des chiffres records en IDE. Cela a permis de créer des centaines de milliers d’emplois directs et indirects et changé les habitudes des Algériens en matière de communications.
LA PUCE, 100 FOIS MOINS CHER ET SANS ENGAGEMENT
Le mobile, cet appareil rare et cher il y a dix ans, s’est démocratisé, pour devenir un objet abordable et à la portée de tous, y compris des enfants qui en font un véritable gadget. Finies les longues files d’attente au niveau de la principale agence de la Grande Poste d’Alger, fini le coup de pouce des amis du ministère, ou même du gouvernement pour avoir une puce. Celle-ci n’est plus au prix exorbitant de 25 000 DA sans compter les commissions, elle coûte cent fois moins cher et sans engagement. Une aubaine pour tous les Algériens qui se sont munis de cet appareil pour mieux communiquer et surtout acquérir cette liberté d’appeler à tout moment et partout.
PUCE OU CARTE DE RECHARGE ?
La vulgarisation du mobile a créé une nouvelle attitude auprès des consommateurs. Un comportement qui s’est avéré un réel souci pour les opérateurs, celui des puces anonymes. Pendant de longues années, la puce a été assimilée à une carte de recharge. On pouvait se procurer une puce de téléphone mobile avec crédit inclus en l’espace de cinq minutes, sans signer de contrat, et ce juste pour passer quelques coups de fil et la ranger par la suite, dans un tiroir. Hamid, un jeune étudiant à Bab-Ezzouar, nous a confié qu’il a longtemps profité de cette situation avant que l’ARPT n’intervienne pour faire le ménage. «J’ai eu recours à l’achat de plusieurs puces chez le buraliste du coin, sans contrat et sans formalité, cela se faisait facilement en l’espace de quelques minutes. Ce sont des puces que j’utilise pour la journée et que je jette après avoir consommé le crédit. C’était mieux qu’une carte de recharge. Cela m’est arrivé plusieurs fois. Je suis sûr que ces numéros ont dû fonctionner longtemps quelque part»
DU BIP AU MMS
Mais si la puce était abordable, le prix de la communication ne l’était pas pour tous. Qu’à cela ne tienne, rien n’arrête l’évolution, et tout le monde s’est mis à «biper». Un mot qui a rejoint le vocabulaire quotidien de tous les consommateurs. La «bipmania» s’est généralisée au point de créer un véritable code de communication entre la communauté des «bippeurs», et chaque bip à sa propre signification. Un phénomène qui n’arrange pas les opérateurs qui se sont mis à promouvoir de nombreuses offres pour bousculer les habitudes des abonnés. Le consommateur, qui, au départ, était peu regardant sur les offres, a appris, et par la force des choses, à comparer et à chercher la meilleure offre pour en tirer le meilleur profit. «Je prends toujours connaissance des offres et autres promotions par le biais de la presse. Je lis beaucoup les journaux et j’écoute la radio, cela me permet d’être informée. J’avoue que je suis souvent obligée de compléter l’information en prenant attache avec le service clients. Comme l’appel est gratuit, je peux poser autant de questions que je veux, cela ne me coûte rien du tout et me permet de juger si l’offre en question me convient ou pas», témoigne Aziza, secrétaire de direction dans une entreprise privée. Cette nouvelle tendance a changé les habitudes du consommateur qui commencent à abandonner le «bip» pour s’adonner à des communications «voix» mais aussi «image» à travers la technologie MMS. En effet, la concurrence a ouvert des perspectives aux utilisateurs, qui profitent pleinement des multiples services qui lui sont offert, le Bip s’est mis en retrait pour laisser place au SMS et surtout au MMS
L’AVÈNEMENT MULTIMÉDIA
Les appareils de téléphones mobiles ne servent pas qu’à téléphoner. La haute technologie a fait en sorte que les mobiles ne se limitent plus aux transmissions GSM, mais on s’offre aussi le GPRS et l’EDGE en attendant la 3G qui tarde à venir. Les constructeurs, obligés de suivre la mode, ont greffé une panoplie d’autres gadgets pour pouvoir épater le client, un appareil photo numérique, une caméra, un walkman, une console de jeux, etc. C’est une valeur ajoutée incontournable pour le consommateur. Ce dernier n’aura pas à débourser pour un appareil photo du même calibre (5MPixels) à 30 000 DA et un caméscope à 40 000 DA, alors que le mobile haut de gamme ne lui a coûté au plus que 40 000 DA. A ce prix, il a la possibilité de téléphoner, d’écouter de la musique, de jouer sur une console de jeux avancée, sans compter l’aspect pratique lors de ses sorties en week-end.
LES SENIORS SE MÊLENT DE LA PARTIE
Un autre facteur a changé la donne, c’est celui de nos aînés. Le téléphone est entré dans les mœurs des personnes âgées qui affichent leur volonté de ne pas rester en marge de l’évolution. Une femme en hayek discutant au téléphone, un homme en kachabia accroché à son mobile, c’est désormais des scènes du quotidien, à peine imaginables il y a quelque temps. Le téléphone portable fait désormais partie des objets du quotidien, et tout comme les plus jeunes, les aînés ne s’en séparent plus. Mais contrairement aux jeunes, l’utilisation du portable chez le seniors n’est pas un effet de mode, elle répond à des besoins réels. De plus en plus de personnes âgées se retrouvent vivant seules, loin de leurs enfants et ressentent un besoin de rester en contact avec eux. C’est un besoin réel de communiquer. C’est le cas de mon voisin Ammi Rabah, un septuagénaire qui réalise que son téléphone basique est devenu son meilleur compagnon. Il utilise le système de raccourcis des neuf touches pour appeler ses neuf enfants. «J’ai neuf enfants pour neuf touches», ironise-t-il. «Lorsque mes enfants m’ont offert ce portable, j’ai rigolé car je n’en voyais pas l’utilité. Mais par la suite, je me suis fait à l’idée que c’est le seul moyen de rester en contact avec eux. Aujourd’hui, je ne m’en sépare pas, il est devenu mon meilleur compagnon, mais attention je ne sais que presser sur ces boutons pour faire des appels», expliquera-t-il. Ainsi le téléphone portable a changé les habitudes de nos seniors qui, à l’instar de mon voisin Ammi Rabah, sont des milliers à s’accommoder à ce nouveau mode de vie. Les histoires et les témoignages sont légion à propos de l’impact sur la vie des consommateurs. Nous en avons choisi trois, qui, à notre sens, illustrent parfaitement l’apport de la télephonie dans la vie des Algériens durant la dernière décennie, appelé à juste titre la décennie mobile. Nous avons recueilli plusieurs témoignages au cours de notre enquête, en voici trois qui sont à notre sens les plus illustratifs du changement du mode de vie des Algériens grâce à la télephonie mobile.
(*) Rédacteur en chef de Phone Magazine

ABDALLAH, UN AFFAIRISTE (45 ANS) À ALGER :
«Je gagne bien ma vie grâce au mobile»

Je dois avouer que le portable a complètement changé ma vie. Je suis expert comptable et financier de formation, je travaillais dans une entreprise nationale et j’avais comme tous les Algériens des difficultés à boucler les fins de mois. En 2005, un importateur m’a demandé de lui dresser le bilan annuel de ses activités, je l’ai fait. Puis, il m’a recommandé à un de ses amis à lui. Par la suite, je leur ai donné mon numéro de téléphone pour m’appeler en cas de besoin. Tout est parti de là. Les appels et les recommandations ne s’arrêtaient pas, il y avait beaucoup de sollicitations, au point où j’ai demandé un congé sans solde à mon employeur. Par la suite, les affaires ont bien marché, j’ai dû démissionner et ma femme s’est occupée de l’organisation de mon agenda. J’étais joignable à tout moment, partout, et avec tous les réseaux. Aujourd’hui, El houmdoulillah, je suis freelance Je gagne bien ma vie grâce à ma mobilité.»

HAMID (60 ANS) RETRAITÉ À ZÉRALDA :
«Le mobile a sauvé la vie de mon fils»

«Le téléphone mobile est devenu incontournable, il est entré dans nos mœurs et habitudes au point où je ne m’en sépare plus. D’ailleurs, grâce à Dieu, mon fils est encore en vie parce qu’il a fait usage de son téléphone dans les moments critiques. Il roulait en voiture du côté de Zaitara, une localité non loin de Mahelma lorsqu’il a percuté un autre véhicule venant en sens inverse. Un accident grave qui a failli lui coûter la vie, mais il a eu la présence d’esprit d’appeler son frère aîné avant de s’évanouir. Cet appel nous a permis de lui porter secours rapidement et de l’emmener grâce aux pompiers à l’hôpital. C’est peut-être la rapidité de l’intervention qui lui a sauvé la vie, et tout cela grâce au mobile.»

DJAMEL (31 ANS) INGÉNIEUR EN INFORMATIQUE À ALGER :
«Mon bonheur grâce au mobile»

«Mon histoire ressemble à un conte de fée. Je m’amusais à lancer des bip à mes amis étudiants, quand soudain, j’ai reçu un appel anonyme de la part d’une jeune fille que je ne connaissais pas. Au fait, je me suis trompé d’un chiffre et je l’ai bipée par erreur. Sur le moment, la communication n’a duré que quelques secondes, juste le temps de demander des excuses. Le lendemain, je me suis rappelé du numéro et j’ai effectué, par curiosité, un autre appel. A vrai dire, c’était cette belle voix douce qui m’a poussé à rappeler. on a fait connaissance par téléphone, cet appel a été suivi par un autre, puis par plusieurs, puis par un rendez-vous, puis par plusieurs rencontres, puis par une belle histoire d’amour. Aujourd’hui, j’ai trouvé mon bonheur, j’ai terminé mes études, je travaille et je suis marié avec cette même personne depuis déjà 18 mois Et dire que tout est partie d’un appel et d’une erreur de touche. Je dois dire merci à mon téléphone.»

Source : Journal Le Soir d'Algérie du 15/042010

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