vendredi 12 mars 2010

Tensions entre le groupe égyptien ORASCOM et le gouvernement algérien : Problématique du droit de préemption


Au cas où la filiale Djezzy serait vendue, le gouvernement algérien est face à la dure réalité des transactions économiques internationales à travers les mécanismes boursiers et surtout devant respecter le droit international que ne saurait remplacer le droit national
1.- Plusieurs rumeurs courent depuis des mois concernant la vente de Algérie Djezzy filiale de Orascom Telecom Holding (OTH) occupant 3000 personnes pour un total d’abonnés de 12/14 millions en moyenne 2008/2009 selon les déclarations du DG d'OTA, Tamer Al Mahdi, Djezzy ayant réalisé en 2008 un bénéfice net de 580 millions de dollars. Cela a concerné d’ abord Videndi SA en partenariat avec Cevital le partenaire français ayant démenti l’information. La presse financière internationale s’est fait également l’écho de cession à Sonatrach en espérant que cela ne sera pas le cas, Sonatrach société stratégique, ses ressources financières étant la propriété de la Nation, devant revenir à ses métiers de base et éviter à la fois les interférences avec d’autres départements ministériels et la dispersion afin d’améliorer son management stratégique. Récemment le PDG d’Orascom Naguib Sawaris, le 06 mars 2010 au Journal émirati , The National, a déclaré officiellement qu’il envisageait de céder une partie de son capital ou la possibilité d’une fusion avec l’Emirati Itasalet (1).
2.-Ce qui a fait réagir le Ministre des finances algérien le 09 mars 2010 pour qui le gouvernement entendait faire prévaloir le droit de préemption et que «toute transaction qui ne respecte pas les dispositions légales ne sera pas avalisée par les pouvoirs publics et sera déclarée nulle et sans effet ». En effet, l’article 62 de la loi de finances complémentaire de 2009 stipule que «l'Etat ainsi que les entreprises publiques économiques disposent d'un droit de préemption sur toutes les cessions de participations des actionnaires étrangers ou au profit d'actionnaires étrangers». De même, la loi sur les postes et les télécommunications ne permet pas la vente d'une licence de téléphonie mobile sans l'aval de l'autorité de régulation. Il est utile de rappeler que le droit de préemption est défini comme un droit légal ou contractuel accordé à certaines personnes privées ou publiques d’acquérir un bien en priorité à tout autre personne lorsque le propriétaire manifeste la volonté de le vendre.
3.-Si ce droit est appliqué pour la cession d’entreprises dans bon nombre de pays pour des raisons qu’ils jugent stratégiques, le grand problème est que cela doit figurer dans le contrat initial (il n’y a pas de rétroactivité dans le droit international) et de s’entendre sur le prix de cession. Or cela pose problème lorsque cette société est cotée en bourse et qu’elle cède non pas la totalité mais des ventes d’actions partiellement, pratique quotidienne au niveau des bourses mondiales où s’échangent chaque jour des centaines de milliards de dollars ( fusion et cession des grandes compagnies ) , qui est d’ailleurs le principe fondamental du fonctionnement de l’économie mondiale. En cas de vente de la totalité des actions au sein d’un espace géographique donné, lorsqu’un Etat fait valoir le droit de préemption quelle est la valeur de la cession : prix du marché ou bien l’Etat peut-il imposer une décote ce qui suppose également que cela soit prévu dans le contrat initial. Il serait intéressant afin d’éviter les erreurs du passé, de connaître les modalités de négociation du montant de la plus value transférée par Sonatrach à la société américaine associée à la partie algérienne, montant largement relaté tant par la presse internationale que nationale lorsque le Ministère de l’Energie a décidé de dissoudre BRC,(filiale Sonatrach) suite à des scandales financiers.


4.-Cela posera d’ailleurs le même problème pour les autres secteurs où Orscom a investi en cas de cession et comment ne pas rappeler l'histoire de l'entrée du groupe français Lafarge dans les cimenteries algériennes ayant racheté les parts d’Orascom , cette dernière ayant réalisé une importante plus value mais dont la responsabilité entière du préjudice financier subi par l’Algérie relève du Ministère de la promotion de l’investissement qui a mal négocié et non d’Orascom ou Lafarge qui n’ont fait qu’appliquer la pratique commerciale légale en droit des affaires. Comme doit être posé cette question pourquoi cette précipitation par le passé de certains départements ministériels algériens à préférer Orascom (cas de Sonatrach par exemple mais cela n’est pas malheureusement propre à Sonatrach ) pour certains segments dont cette société ne maîtrise pas les métiers de base, se contentant souvent de ramener et de coordonner les ressources humaines tant algériennes qu’étrangères des quatre coins du monde et de surcroît utilisant souvent les banques algériennes comme support de financement. Aussi avant de rejeter la responsabilité sur cet opérateur ou sur tout autre opérateur étranger (dont la logique normale comme tout privé , est la maximisation de leur chiffre d’affaires n’existant pas de sentiments dans la pratique des affaires) ) qui réalisent des taux de profit parfois deux fois supérieurs par rapport à la norme mondiale,( voir les rapports de la banque d’Algérie 2007/2009) et donc des transferts de capitaux croissants , faudrait-il savoir pourquoi l’Etat régulateur algérien n’a pas joué son rôle et donc que les pratiques des responsables collent aux réalités sociales. Car, que personne ne peut se prévaloir d’être plus nationaliste qu’un autre, discours qui ne portent plus, d’un autre âge.


5.-En résumé, dans la conjoncture actuelle , il serait souhaitable pour l’image de l’Algérie où certains organismes internationaux et observateurs nationaux voient dans l’actuelle politique économique un retour au volontarisme étatique des années 1970, suicidaire d’ailleurs pour l’Algérie, le manque de cohérence et de visibilité et un frein à la réforme globale alors que l’adaptation à l’amère mondialisation est une exigence de l’heure pour l’Algérie, et que ce dossier qui est suivi avec attention tant par les opérateurs internationaux installées en Algérie et que ceux désireux d’investir, qu’ une entente se fasse entre l’opérateur égyptien , en cas bien entendu où il y aurait cession et l’Etat algérien. Et afin d’éviter des litiges inutiles au niveau des tribunaux internationaux qui terniraient l’image du pays, ce dans le cadre du respect du droit international que ne saurait remplacer le droit national car le gouvernement algérien a signé, en toute souveraineté, une série d’Accords internationaux notamment la liberté de transfert des capitaux et la liberté d’entreprendre. Certes tenant compte de l’arriéré fiscal y compris les pénalités de retard de Djezzy évalué à environ 600 millions de dollars et des dispositions de la loi de finances complémentaire 2009 qui stipule un taux d’imposition à 20% du taux de l’IRG applicable aux plus values de cession de la partie étrangère ( Article 47 Loi de finances 2009) .

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’Université en management stratégique

(1)Interview du docteur Abderrahmane Mebtoul 10 mars 2010 à Radio Algérie Internationale relative au droit de préemption en cas de cession de Djezzy


Aucun commentaire: