samedi 12 février 2011

Le retour du refoulé et l’inversion des modèles


J’ai lu les contributions concernant la révolution démocratique et sociale égyptienne de Alexandre Adler(1), Bernard-Henri Levy(2) et Alain Finkielkraut(3) avec un grand intérêt dans la presse française.

Ces contributions traduisent, à mon avis – comme l’article de Michel Comès dans le point.fr du 3 février 2001 –, la position politique séculaire de la bourgeoisie française avec son passé/présent colonial. Cette position est aujourd’hui au service des intérêts de l’un des derniers états coloniaux de la planète (avec la France et le Maroc) qui s’appelle Israël. Israël qui opprime et réprime le peuple palestinien depuis 1948. Selon Adler, BHL et Finkielkraut, les peuples d’Afrique et du Moyen-Orient porteraient dans leur génome un «gène de l’islamisme» qui serait dirigé spécifiquement contre la démocratie. A l’inverse, les peuples européens ont un «gène» qui les prédispose dès la naissance à être des «démocrates». Tous trois souffrent d’une amnésie sévère et du retour du refoulé «colonial».

En effet, ces trois intellectuels organiques au service de l’Etat d’Israël continuent encore à parler des valeurs de la démocratie à partir d’un pays, la France, qui a encore des colonies et dont le passé/présent colonial est toujours d’actualité. Je ne crois pas que les jeunes Tunisiens et Egyptiens s’inspirent des valeurs d’un pays qui a élu en 2007 un président qui se réclame ouvertement de l’idéologie de l’extrême droite et de l’action française de Charles Maurras. Un président qui organise des avions charters et des rafles de sinistre mémoire contre les sans-papiers, les Roms et leurs enfants à la sortie des écoles.

Aujourd’hui, les jeunes Tunisiens et Egyptiens sont devenus des modèles pour les jeunesses européennes et américaine pour lutter contre toutes les dictatures et les gangsters financiers (comme Madoff, Bettencourt…) qui sévissent dans le monde, y compris en Europe et aux Etats-Unis. Dans les mois (et années) à venir, les jeunes d’Europe occuperont les grandes places de Paris, Berlin, Rome, Athènes, Madrid… pour demander le départ des gouvernants autistes et des bandits financiers qui sévissent dans leurs pays.

Les appréhensions et l’argument-choc concernant le «danger islamiste» en Egypte, dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ne différencient en rien messieurs Adler, BHL et Finkielkraut de Moubarak et de ses frères dictateurs. Moubarak a encore répété cet argument-choc dans son dernier discours, avant-hier (jeudi 10 février 2011) à la «télédivision» officielle égyptienne. Le script historique unique qui a permis la confiscation de la révolution démocratique et sociale du peuple iranien par les mollahs n’est plus valable aujourd’hui.

Les peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont pour modèle, aujourd’hui, la démocratie qui s’est installée en Amérique latine grâce à ses valeureux présidents Chavez, Morales et Lula. Ces trois présidents ont eu aussi le courage politique de soutenir la lutte de libération nationale du peuple palestinien contre l’Etat colonial d’Israël.
Un Etat égyptien démocratique et social briserait pour toujours la légende colportée par les intellectuels organiques au service des intérêts de l’Etat colonial d’Israël et qui dit qu’«il est l’unique pays démocratique du Moyen-Orient». Adler, BHL et Finkielkraut ont oublié sans doute (trop vite…) que l’armée israélienne à massacré, en 2006 et 2008, des enfants, des femmes, des civils libanais et palestiniens avec des bombes au phosphore.


-(1) Le Figaro (28 et 29 janvier 2011)

-(2) Le Point du 3 février 2011

-(3) Libération du 3 février 2011

Source : Journal El Watan du 12/02/2011

1 commentaire:

Lucas a dit…

Pour rétablir la vérité, voila ce qu'écrit BHL dans son article du 3 février 2011, c'est-à-dire l'exact opposé de ce que lui fait dire ce M. Farid Cherbal:
"Bien sûr, il y a des points communs entre la révolution du jasmin en Tunisie et la révolte, aujourd'hui, de l'Egypte.

Le despotisme de Moubarak au moins aussi abject que celui de Ben Ali.

Le même mur de la peur qui tombe, les cent fleurs d'une liberté de parole tout aussi inédite et qui s'épanouissent un peu partout - ne disait-on pas, en Egypte, que le seul endroit où l'on avait le droit d'ouvrir la bouche, c'était chez le dentiste ?

La beauté de l'insurrection ; sa dignité ; cette chaîne humaine, par exemple, qui s'est spontanément organisée pour protéger le musée du Caire après que des pillards s'y étaient introduits.

La demande de démocratie ; depuis le temps que l'on nous serinait qu'il y a des peuples ontologiquement étrangers à la revendication démocratique et qui n'y ont pas droit ! eh bien, la preuve est faite que non ; et elle se fait, cette preuve, au Caire autant qu'à Tunis."

On peut lire l'intégralité de cet article ici :
http://www.lepoint.fr/editos-du-point/bernard-henri-levy/pourquoi-l-egypte-n-est-peut-etre-pas-la-tunisie-03-02-2011-135225_69.php