vendredi 11 février 2011

Bras de fer gouvernement-Orascom : Le grand cafouillage


Le gouvernement algérien a-t-il piétiné ses propres lois dans son bras de fer avec le groupe de Sawiris ? Oui, à en croire les arguments du groupe Orascom qui seront présentés à l’arbitrage international. Des arguments qui risquent de mettre les autorités algériennes dans le plus grand des embarras.

Naguib Sawiriss, patron du groupe égyptien Orascom Telecom Holding (OTH), propriétaire d’Orascom Telecom Algérie (OTA), qui détient la licence de téléphonie mobile Djezzy, a écrit plusieurs lettres au président Abdelaziz Bouteflika, au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et au ministre des Poste et des TIC, à propos du contentieux qui l’oppose aux autorités algériennes. «Il n’a jamais eu de réponses », nous a-t-on dit de sources proches du groupe. En novembre 2010, l’homme d’affaires égyptien a envoyé quatre nouvelles lettres au Premier ministre, à la Banque centrale et aux ministères des Poste et des TIC et des Finances.

Des lettres de sept pages chacune. Pas de réponse non plus. Dans ses missives, Naguib Sawiris demandait aux autorités d’Alger d’entamer les négociations avec le groupe en vue de conclure une cession de ses actifs en Algérie. Ou, à défaut, permettre à OTA de poursuivre son action dans le pays «sans faire face aux difficultés extrêmes rencontrées». Quand ces difficultés ont-elles commencé ? Et pourquoi ? Cela remonte à fin juillet 2008. Devant les présidents d’APC, réunis au Palais des nations, au Club des Pins, Abdelaziz Bouteflika déclare : «Nous ne sommes pas des vendeurs de bétail et celui qui ne veut pas payer le prix du marché n’aura rien en contrepartie.» La menace est adressée aux investisseurs étrangers en Algérie.

«Les règles vont changer pour les investisseurs étrangers qui viennent investir 700 millions de dollars pour revendre et repartir deux ou trois ans plus tard avec une plus-value de deux milliards de dollars», dit-il. Dans le discours présidentiel officiel archivé, ces phrases sont inexistantes. «A partir de ce moment- là, les coups ont commencé. Le match Algérie-Egypte, et les événements qui l’ont accompagné, n’a été qu’un prétexte pour légitimer l’action contre Orascom et gagner la confiance de l’opinion publique algérienne», estime-t-on. Naguib Sawiris, qui perd ce qui ressemble à une couverture politique à son action en Algérie, gère la crise en silence. Profil bas. Un conflit ouvert affecte directement l’action de la société cotée en bourse. En homme d’affaires averti, il évite d’étaler en public ses tracasseries avec les autorités algériennes. «Il connaît l’environnement en Algérie, un pays où l’on ne veut pas que tout soit dit en public. Il a donc pensé que c’était une crise passagère, montré sa bonne foi en ne dévoilant pas les choses. Il pensait qu’il allait régler les problèmes. Cela ne s’est pas fait», explique-t-on de mêmes sources.

Et les problèmes se succèdent. OTA est soumise à un redressement fiscal en novembre 2009 pour les exercices 2005, 2006 et 2007. «Ce redressement est de 596,6 millions de dollars. Avec les pénalités que le groupe a payées, cela avoisine le 1 milliard de dollars», précise-t-on. Comment les impôts ont-ils été calculés ? «Ils ont pris une année. Ils ont analysé les bénéfices dégagés durant un exercice. De ces bénéfices, ils ont tiré un coefficient. Ce coefficient a été reconduit pour les autres années. Une société peut-elle faire le même chiffre d’affaires chaque année ? C’est impossible», estime-t-on. Le redressement est qualifié d’illégal du fait qu’il concerne des exercices concernés par l’exemption fiscale (entre 2002 et 2007). «C’est écrit noir sur blanc. Aucun officiel algérien n’a nié cette information.

Donc, on se pose la question : pourquoi les autorités algériennes n’ont pas respecté leurs engagements», souligne-t-on. L’exemption fiscale était fixée à cinq ans, selon l’article 3 de la convention d’investissement entre l’Etat algérien et OTH datant du 5 août 2001. Cette convention est portée par le décret exécutif n°01/416 du 20 décembre 2001, signé par Ali Benflis, chef de gouvernement et publié dans le Journal officiel du 26 décembre 2001. Cette disposition a prévu une exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS), du versement forfaitaire (VF) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP). Durant la période d’investissement, OTH bénéficiait de plusieurs avantages dont l’exemption du droit de mutation à titre onéreux pour toutes les acquisitions immobilières, de l’application du droit fixe en matière d’enregistrement au taux de cinq pour mille (0,5%) pour les actes constitutifs de la société et de la franchise de la TVA pour les biens et services entrant directement dans la réalisation de l’investissement achetés localement ou importés.

«L’Etat algérien s’interdit postérieurement à la signature de la présente convention, de prendre à l’égard de la société toute disposition particulière qui aurait directement pour effet de remettre en cause les droits et avantages conférés par la présente convention», est-il écrit dans l’article 6 du même texte. L’article a prévu également que la société pouvait bénéficier, dans le futur, de lois ou règlements contenant «un régime d’investissement plus favorable». Selon les mêmes sources, OTH a payé, après 2007, en taxes et impôts légaux et en redevances versées à l’ARPT, 2,1 milliards de dollars. La redevance n’est pas comprise dans les exonérations fiscales. OTA représente actuellement 60% des bénéfices du groupe OTH. «C’est la poule aux œufs d’or. C’est une poule qu’on ne vend pas ! C’est grâce aux bénéfices dégagés par OTA que OTH équilibrait ses comptes et dégageait des profits. Aussi, Naguib Sawiris n’avait aucune intention de quitter l’Algérie. Il a été forcé de le faire après avoir compris qu’il était devenu indésirable», remarque-t-on.

Aucun fondement légal à l’interdiction de rapatrier les dividendes :

Après le redressement, OTA a été empêché, par décision de la Banque d’Algérie, de rapatrier ses dividendes depuis 2009. La mesure a été qualifiée de préventive par les autorités. «Et cette mesure se base sur quel article de loi ?», s’interroge-t-on.

Le ministère des Finances, la direction générale des impôts et la Banque d’Algérie ont été saisis à propos de cette question. «Il n’y a aucune réponse aussi sur la base légale de ces décisions. Nous craignons qu’il s’agisse d’un abus de pouvoir», estime-t-on. Jusqu’à 2009, OTA a rapatrié en bénéfices nets 1,8 milliard de dollars. «1,8 milliard de dollars ne pèse rien par rapport aux dix milliards de dollars engagés en Algérie et la valeur ajoutée humaine créée en Algérie», indique-t-on.

On dément catégoriquement le rapatriement de 800 millions de dollars que des officiels algériens avaient qualifié d’illégal. «Naguib Sawiris travaille sous le contrôle des actionnaires qui ne tolèrent aucune entorse aux règles. Il ne peut pas rapatrier une telle somme sans être tracé ou susciter la réaction énergique de ces actionnaires», observe-t-on. OTA a été également empêché de faire sortir du port d’Alger du matériel importé alors que toutes les taxes douanières nécessaires ont été payées. «Suite à cela, des courriers ont été envoyés pour avoir des explications sur les bases de cette décision. Là aussi, aucune réponse», indique-t-on.

Le groupe français Lafarge, qui a racheté la cimenterie de M’sila à Orascom Constrution et industries, a, selon des sources européennes, été empêché de transférer 300 millions d’euros de ses dividendes vers la France. Un montant reversé dans l’investissement local. Qu’en est-il du droit de préemption mis en avant par le gouvernement algérien pour empêcher le rachat de OTA par le sud-africain MTN ? Ce droit a été introduit dans la loi de finances complémentaire 2009. Donc, il y a eu application de la loi avec effet rétroactif sur un contrat signé en 2001. Le principe de droit est que la loi n’est jamais rétroactive.

Et on rappelle qu’à la signature du contrat, le droit de préemption n’existait même pas. «Donc, la légalité de la procédure est douteuse. Le contrat permet à OTH de vendre à qui il veut. Voyant que l’Etat algérien ne voulait pas lui faire l’offre que Sawiris demandait, il a reçu une proposition du sud-africain MTN, 7,8 milliards de dollars», rappelle-t-on. Les autorités ont immédiatement réagi, soulignant que l’offre MTN est surévaluée et que c’est l’Algérie qui veut acheter. Pas d’étranger. «OTH était en négociation depuis longtemps avec MTN sur les marchés asiatiques. Ils se connaissaient. De plus, la relation entre l’Algérie et l’Afrique du Sud est particulière. A l’époque de l’offre de MTN, le président Thabo M’Beki est venu en Algérie accompagné du PDG de MTN pour faciliter les démarches.

L’Algérie a refusé. Et Mourad Medelci (ministres des Affaires étrangères, ndlr) a fait une déclaration en ce sens, mettant en avant le droit de préemption», souligne-t-on. Les mêmes sources indiquent que MTN est reparti non pas parce qu’il avait besoin du feu vert de l’Algérie, car sur le plan légal il n’en avait pas besoin en ce sens qu’il pouvait acheter. Alors pourquoi l’opérateur sud-africain (racheté depuis par le groupe indien Reliance de Mukesh Ambani) s’est détourné de la destination Algérie ? «Les responsables de MTN ont eu cette crainte : se retrouver dans la même situation que OTH après le rachat de la licence Djezzy», répond-on.

Fusion acquisition entre l’italien Wind Investment et le russe :

Au début, MTN et OTH négociaient la vente de OTA. «Ce n’est plus OTH qui négocie cette vente, mais c’est Wind Investment, une société européenne. Wind Investment a négocié avec le russe Vimpelcom pour une fusion-acquisition et pas un rachat», précise-t-on.

Wind Investment, ex-Weather Investment, est une société de droit italien qui détient 51% du capital de OTH. «Il y a eu des échanges d’actifs entre Vimpelcom et Wind. Vimpelcom a pris la plus grosse part. Aujourd’hui, Wind fait partie du groupe Vimpelcom.

Cette transaction s’est faite en deux étapes», précise-t-on. On rappelle que lors de la visite à Alger du président russe Dmitri Medvedev, en octobre 2010, il n’y avait pas d’accord final entre la holding égyptienne et le groupe russe. A l’époque, il y avait un accord cadre entre Wind et Vimpelcom. Accord approuvé par les actionnaires fin décembre 2010, lors d’une réunion à Amsterdam, aux Pays-Bas. Le norvégien Telenor a émis des réserves. «Ces réserves ne concernent pas le dossier Djezzy mais ont trait aux dossiers du Pakistan et du Bangladesh.

Telenor est en compétition avec OTH au Bangladesh», indique-t-on. La porte-parole de Vimplecom a fait une conférence de presse disant que le groupe veut maintenir ses activités en Algérie. «Si les Algériens veulent acheter, nous sommes prêts à vendre, mais au prix juste, 7,8 milliards de dollars. Le même prix de MTN», a-t-elle dit.

Reprenant une étude du cabinet EFG-Hermes, le Financial Times a publié sur site web une évaluation d’OTA, après la revente de 40% de Meditel au Maroc, rachetés par Orange. «Les marchés sont similaires et la taille des entreprises est presque la même. L’étude a estimé la valeur de OTA à un montant variant entre 10 et 12 milliards de dollars», note-t-on.

OTH a vendu récemment les actions qu’il avait dans l’opérateur tunisien Tunisiana au qatari Q Tel, pour 1,1 milliard de dollars (OTH avait au départ proposé 1,3 milliard de dollars, alors que Q Tel a proposé 900 millions de dollars). «Certains ont prétendu que les autorités tunisiennes ont fait pression sur Q tel pour qu’il mette en avant son droit de préemption et forcer OTH à vendre ses actions en raison de l’entrée des Russes dans le capital de Wind. Cela est faux. Suite à cette vente, OTA a été une nouvelle fois évalué, à titre comparatif au niveau nord-africain, par des institutions internationales. Le montant est estimé à 10 milliards de dollars», indique-t-on.

A combien l’Algérie achètera-t-elle OTA ? :

Naguib Sawiris conditionne son départ de l’Algérie par le payement correct du prix de la filiale algérienne. Selon les mêmes sources, les autorités algériennes auraient envoyé des émissaires pour dire à Naguib Sawiris qu’il n’aura pas plus de 3 milliards de dollars comme prix de vente d’OTA.

«Si tu refuses cette offre, tu auras des problèmes», lui a-t-on clairement signifié par des canaux non officiels. «Il n’y a aucune négociation sur cette question. Rien. Après le Ramadhan 2010, Naguib Sawiris a envoyé une lettre au Premier ministre demandant le début des négociations. Car toute perte de temps est chiffrée. Ahmed Ouyahia a refusé de le recevoir et envoyé le dossier au ministre des Finances», explique-t-on.

Karim Djoudi a reçu, à l’époque, Tamer Al Mahdi, PDG d’OTA, arrivé en Algérie en septembre 2008. Le ministre a promis la mise en place d’une équipe pour négocier le rachat de Djezzy. «A ce jour, cette équipe n’a pas encore été installée. Le gouvernement a lancé un appel d’offres pour un cabinet national pour une évaluation. Lorsque les Russes sont entrés en scène, le gouvernement a compris que l’approche qui a été suivie jusqu’à présent ne pouvait plus tenir la route. C’est à ce moment-là qu’ils ont lancé un appel d’offres pour avoir un cabinet étranger pour les aider à évaluer OTA», souligne-t-on. Au Caire, on estime que c’est la seule bonne décision qu’ils ont prise depuis le début de la crise. «C’est par là qu’il fallait commencer», insiste-t-on.

L’Algérie a sélectionné la filière française du cabinet américain d’avocats d’affaires international Shearman and Sterling LLP. C’est un cabinet qui a suivi la plupart des cas d’arbitrage international de l’Algérie depuis l’indépendance. «C’est un cabinet américain solide et bien réputé», estime-t-on.

3,1 milliards de dollars dépensés pour l’installation des infrastructures :

Pour installer les infrastructures en Algérie, Orascom Telecom Holding (OTH) a investi 3,1 milliard de dollars entre 2002 et 2010. «Et on n’arrête jamais de développer un réseau. Le plus gros a été investi au cours des quatre premières années.

Plus de 80% des prêts que le groupe a obtenus pour installer son réseau lui ont été attribués par des banques étrangères basées essentiellement en Europe et aux Etats-Unis», souligne-t-on. OTH poursuit une politique de diversification des banques pour ne pas dépendre d’un seul établissement financier. «Il n’a pas engagé des investissements avec l’argent des Algériens.

Donc, il est venu avec de l’argent ramené de l’étranger et pas avec des taux d’intérêt préférentiels», insiste-t-on. On rappelle que des critiques avaient été émises avant le lancement de Djezzy à propos de la vente des puces avant l’entrée en opération du réseau. «Pouvez-vous avoir 3,1 milliards de dollars rien qu’en vendant des puces pendant quelques mois ? L’argent obtenu par la vente des puces est une partie infime de ce qui a été investi en Algérie», précise-t-on. On indique qu’une clause dans le contrat a permis à OTH de vendre des puces avant d’installer le réseau. «Ce n’est pas une mesure qu’il a prise en infraction de la loi algérienne. De plus, il s’agit d’une pratique internationale.

En Europe, au début des années 1990, lorsque la téléphonie mobile commençait à s’installer, on achetait la puce et on attendait avant d’avoir la ligne. Donc, ce n’est pas une faveur qui lui a été faite», remarque-t-on.

4000 emplois créés en huit ans :

Depuis son installation en Algérie en 2002, OTA a créé 4000 emplois directs, 20 000 emplois indirects et assuré plus de 4 millions d’heures de formation jusqu’à 2010. «OTA a, sur le plan des ressources humaines, créé une catégorie d’employés formés aux standards internationaux.

A cause de la pression que subit Djezzy, des cadres démissionnent et partent à l’étranger, certains se font embaucher par des entreprises étrangères activant en Algérie», annonce-t-on. Ces cadres quittent OTA par peur pour leur la situation socioprofessionnelle. «Et si les cadres se font recruter à l’étranger, c’est qu’ils ont des qualifications pour le faire. Les entreprises étrangères demandent des standards assez importants», relève-t-on. De 2002 à 2010, plus de quatre milliards de dollars ont été dépensés en budget de fonctionnement en Algérie (payement des salaires, les loyers des antennes, les frais de maintenance, etc.). «Si on fait un petit calcul de tous ces montants. Orascom a engagé, durant huit ans, presque 10 milliards de dollars. Cela a été engendré par l’activité en Algérie à partir de 2002», précise-t-on.

Et on s’interroge : «Si Orascom quitte l’Algérie, va-t-il prendre avec lui le réseau ? Les 4000 employés ? Un réseau de 7500 antennes. C’est le réseau le plus important de tout le monde arabe. Après le départ, de quelle que manière que ce soit, à l’amiable ou avec arbitrage international, la valeur ajoutée revient à l’Algérie, pas à l’Egypte.»

Les banques donnent le feu vert pour l’arbitrage international :

Naguib Sawiris ne souhaite pas aller vers l’arbitrage international. «C’est un homme d’affaires qui veut éviter la perte de temps. Cela peut prendre deux à trois ans. Et il sait que s’il va à l’arbitrage international, ils vont le démolir ici.

C’est également une perte d’argent», a-t-on préconisé. On souligne qu’il faut avoir beaucoup de moyens pour tenir durant la période de l’arbitrage en raison de l’augmentation de la pression. Naguib Sawiris a vendu ses actions à Tunisiana pour se constituer un fonds devant lui permettre de tenir durant cette période de l’arbitrage. «Il a ensuite besoin de liquidités puisque 60% de ses bénéfices ne rentrent pas en raison de l’interdiction de rapatrier les dividendes.

Sawiris a réglé le problème avec ses banquiers. Il a demandé leur support pour tenir en cas où il va vers l’arbitrage international. Les banquiers ont accepté de l’aider», précise-t-on. Et depuis la finalisation de l’accord-cadre avec les Russes, l’arbitrage international se fera avec Vimpelcom et non avec OTH. «Vimpelcom n’est pas une petite entreprise. C’est le cinquième groupe international de téléphonie mobile. Ce groupe est bien épaulé», appuie-t-on. On indique que depuis que cette crise a commencé, le dossier de l’arbitrage international a commencé à être constitué au Caire. «Un responsable algérien fait une déclaration.

Cela est immédiatement versé au dossier. Et ils ont dit des stupidités à gogo !», révèle-t-on. Hamid Bensalah, ex-ministre de la Poste et des TIC, détiendrait le record des déclarations «farfelues».

L’affaire Lafarge a été conclue au Caire :

En 2007, le groupe français Lafarge rachète à Orascom Cement, filiale de Orascom Construction Industries (OCI), la cimenterie de M’sila. Le montant du marché est estimé à 8,8 milliards de dollars. «Avec ce rachat, notre groupe change de dimension et devient leader du ciment mondial.

Cela nous permettra d’activer notre croissance sur les marchés émergents à forte croissance et à forte rentabilité, et sur lesquels le secteur de la construction s’accroît rapidement», a déclaré à la presse le PDG de Lafarge, Bruno Lafont. L’opération de rachat a été dénoncée par les autorités algériennes, alors que Lafarge avait déjà acquis trois unités dans le cadre de la privatisation des entreprises publiques.

«L’opération de rachat est légale. Elle s’est faite dans le cadre de la loi algérienne et dans le cadre du contrat qu’Orsacom Construction avait signé avec l’Etat algérien», précise-t-on. On reconnaît qu’il y a eu erreur de jugement. L’ex-PDG de Orascom Construction Algérie n’a pas été informé de la transaction entre la maison mère et le groupe français. L’affaire a été conclue au Caire.

«L’ex-PDG a confié que s’il avait été consulté, il aurait conseillé ses patrons de ne pas revendre la cimentaire du fait qu’il connaît la culture algérienne. Orascom a acheté des cimenteries déficitaires. Au bout de quelques années, celles-ci ont été rééquipées. Elles sont devenues rentables. D’où l’intérêt pour Lafarge pour ces cimenteries», explique-t-on. On indique que ce n’est pas Naguib Sawiris qui a acheté et revendu les cimenteries à Lafarge, mais son frère, Nassef Sawiris, patron d’Orascom Construction Industries (OCI).

Les Sawiris, actionnaires majoritaires de l’italien Wind Investment :

51% du capital de OTH sont détenus par une société italienne Wind Investment (ex-Weather Investment). «Toute la famille Sawiris, y compris le père Onsi, est actionnaire majoritaire dans Wind Investment. Les autres actionnaires sont des fonds d’investissement britanniques et américains ainsi que des sociétés d’investissement européennes», indique-t-on.

Les Sawiris sont une famille copte riche depuis des générations. La société Orascom a été créée par le père. Au départ, il était dans l’immobilier et les projets de construction. Une fois retiré des affaires, il a distribué le capital à ses trois fils pour que chacun ait son propre projet.

Chacun des trois frères a pris le nom d’origine de la société du père : Orascom Construction Industries (OCI) de Nassef Sawiris, Orascom Telecom (OTH) de Naguib Sawiris et Orascom Hôtels and Development (OHD) de Onsi Sawiris (géré par son fils Samih). OHD possède des hôtels en Jordanie, en Egypte et aux Emirats arabes unis. «Les Sawiris ne sont donc pas devenus riches grâce au clan présidentiel en Egypte. La preuve : Naguib Sawiris a fait une déclaration dernièrement demandant à Hosni Mobarak de quitter le pouvoir», souligne-t-on.

L’offre d’Orascom était supérieure de 60% à celle d’Orange :

En juillet 2001, Orascom Telecom Holding SAE a payé 737 millions de dollars l’achat de la licence de téléphonie mobile. Offre supérieure de 60% du compétiteur immédiat qui était Orange (filiale de France Télécom). «La thèse que Naguib Sawiris était bien informé sur les offres des autres est fausse.

Sawiris est un homme d’affaires. Il ne va pas jeter 60% d’argent en plus s’il était bien informé de ce que les autres vont proposer. Il est venu faire des affaires, car le contexte de l’Algérie de l’époque s’y prêtait», précise-t-on.

On rappelle qu’après dix ans de violence, le président Bouteflika était venu améliorer l’image du pays à l’étranger et ouvrir les portes à l’investissement étranger. «L’Algérie était à l’époque en difficulté financière et les prix du pétrole étaient bas. L’Etat n’avait pas les moyens d’être le premier investisseur sur le plan économique. Il avait donc besoin d’investisseurs étrangers. Sawiriss a profité de l’opportunité pour prendre le marché, surtout que l’opérateur historique n’était pas très efficace», relève-t-on. Et on observe qu’en Algérie, il existe une certaine idée négative du secteur privé, national ou étranger. «On considère qu’il est un voleur et un profiteur. Cette culture existe depuis les années 1970», observe-t-on.

On souligne également que le privé algérien a déjà d’énormes difficultés à travailler en Algérie, alors que tout est à refaire dans le pays, «dans les télécom comme dans les autres secteurs».

On précise que dans sa stratégie d’investissement, Orascom a toujours ciblé les marchés émergents et les marchés difficiles. Des marchés que les autres pays évitent d’explorer tels que le Pakistan, le Bangladesh, le Zimbabwe et l’Irak.



Source : Journal El Watan Weekend du 11/02/2011

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