mardi 18 octobre 2011

Le téléphone portable et les indiscrétions

Dans les bureaux, le long des trottoirs, sur les terrasses, aux comptoirs des cafés et des bistros, dans des restaurants, dans les transports publics… enfin partout ailleurs c’est à tue-tête et à haute voix qu’ont lieu des conversations téléphoniques par portables interposés. Tout se dit, tout s’entend, tout se divulgue, tout se dévoile, tout s’expose. Tout finit par se savoir, de la plus insignifiante et banale histoire aux engueulades, aux vociférations de toute sorte et de toute nature accompagnées souvent d’une gestuelle correspondante, en passant par les discussions les plus supposées être discrètes. Tout s’expose. Certaines élévations de voix font même dans l’enchantement et la complaisance radieuse. On se plaît alors à faire entendre sa voix moins que pour couvrir l’importance du message à transmettre. Certains semblent vouloir se chercher à imposer une place d’existence dans ce concert des communications téléphoniques harassantes et gênantes à entendre. Mais plus encore, le contenu est souvent vide de sens et sans aucune importance. Presque personne n’a plus de vie privée : appeleur comme appelé. Plus embarrassant et désobligeant encore que cela, c’est de ne pouvoir seulement oser attirer l’attention des utilisateurs du portable pour les inviter cordialement à baisser un tant soit peu la voix. Bien sûr que nous avons tous le droit de communiquer mais on devrait mettre de la circonspection et ne gêner personne. Alors, tels des non-fumeurs obligés d’avaler malgré eux des brumes de fumée dégagées par d’autres, on finit également par subir et endurer ces discussions à haute voix, à haute indiscrétion et à vau-l’eau. Mais d’où nous vient cette nouvelle attitude ? Ne serait-elle pas le prolongement des habitudes que nous, gens de la montagne, avons eu à communiquer directement par la seule voix d’un champ à l’autre ? On s’appelait, on se hélait, mais d’antan les communications à distance étaient plaisantes, avaient de la retenue et étaient d’une tout autre nature. Elles ont fini même par faire partie de notre culture. Les confidences, elles, étaient laissées aux rencontres directes. Lorsque l’utile est poussé à son extrême, souvent c’est l’effet boomerang qui se produit.

Source : Journal Liberté du 18/10/2011

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