jeudi 27 octobre 2011

[France] La 4G en questions

1. Introduction

Le premier réseau 3G a été ouvert en France en 2004. 7 ans plus tard, la relève se prépare sous la forme de réseau de quatrième génération, autrement dit la 4G. De quoi s'agit-il ? Quels débits peut-on espérer ? Quels seront les avantages pour les utilisateurs au quotidien ? Les pièges qu'il faudra éviter ? Alors que les premières licences ont été accordées aux opérateurs, nous avons décidé de faire le tour du très haut débit mobile, en 8 questions.

2. Quelles seront les performances de la 4G ?

100 Mbit/s en théorie

Quand vous surfez aujourd'hui sur votre smartphone en 3G+ vous êtes le plus souvent limités à 3,6 Mbit/s (seuls quelques forfaits onéreux et/ou destinés aux professionnels ou aux clés 3G montent à 7,2 Mbit/s ou plus). C'est déjà beaucoup mieux que la 3G (384 Kbit/s). Mais c'est encore très loin de ce que promet la 4G, tout du moins celle que les opérateurs devraient lancer en 2012. Elle peut théoriquement donner accès à Internet à 100 Mbit/s.

Tout cela reste cependant encore assez flou. La faute en incombe à la fois à un standard trop souple et aux opérateurs qui ne s'engagent pas encore sur les débits qu'ils offriront.

Jusqu'en octobre 2010, l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) considérait que le terme 4G devait s'appliquer aux technologies capables de délivrer des débits l'ordre de 100 Mbit/s en usage mobile (smartphone en déplacement constant), et 1 Gbit/s en usage nomade (ordinateur immobile pendant son utilisation). Deux mois et demi plus tard, l'UIT assouplissait son discours et déclarait qu'"il est admis que [le] terme [4G], bien que n'étant pas défini, peut également désigner […] les technologies LTE et WiMax, ainsi que d'autres technologies 3G évoluées apportant une amélioration sensible de la qualité de fonctionnement et des capacités par rapport aux premiers systèmes de troisième génération en service aujourd'hui."

Dans certains pays comme les USA, on a donc commencé à vendre des smartphones et des forfaits 4G sans avoir changé les réseaux, la 3G HSPA+ pouvant être considérée comme de la 4G. En France, Orange, SFR et Bouygues se sont heureusement abstenus et le terme 4G est resté synonyme de la nouvelle génération de réseaux, dits LTE (Long-Term Evolution, l'évolution des réseaux UMTS lancés au début des années 2000).

Les performances théoriques du LTE sont connues : jusqu'à 100 Mbit/s en téléchargement pour ses premières moutures. Les équipementiers et opérateurs ont commencé à tester le LTE et ont déjà réalisé quelques démonstrations. Dans ces cas idéaux, nous avons pu constater de visu des débits proches de la théorie.

Cependant en pratique, les opérateurs pourraient ne pas ouvrir grand les vannes du LTE. SFR nous a ainsi confié que ses futures offres 4G se limiteraient sans doute en moyenne entre 5 et 12 Mbit/s en téléchargement (et 2 à 5 Mbit/s en upload). L'opérateur explique que ces chiffres représentent une performance moyenne réellement constatée et non pas seulement un chiffre théorique obtenu la nuit quand tout le monde dort. De son côté, l'ARCEP a défini un débit minimum de 30 Mbit/s pour les réseaux à très haut débit mobile. Rappelons que la plupart des connexions internet "fixe" par ADSL plafonne à 20 Mbit/s.

10 fois moins de latence

Le débit ne fait pas tout. Le second grand avantage théorique de la 4G est sa plus faible latence. Grâce à une infrastructure réseau simplifiée nécessitant moins d'équipements et reposant intégralement sur le protocole IP, la latence du LTE est censée être divisée par 10, soit 10 ms en théorie contre 100 ms en 3G/3G+.

En pratique les gains ne seront pas forcément aussi spectaculaires. Nos confrères d'Anandtech ayant déjà pu tester le réseau LTE déployé par AT&T aux USA ont constaté une diminution de 150 ms en 3G HSPA+ à 65 ms en LTE en moyenne. En France, selon notre expérience personnelle en région parisienne, la 3G/3G+ peut déjà garantir une latence moyenne de 100 ms. En appliquant le même facteur de diminution, le LTE pourrait donc descendre à moins de 50 ms.


3. Quels nouveaux usages ?

Remplacer l'ADSL, voire la Fibre

Télécharger à 100 Mbit/s sur son mobile cela peut paraître inutile. Mais ce serait oublier que les smartphones ne seront pas les seuls usagers des réseaux à très haut débit mobile. La 4G pourra aussi être mise à profit par des PC via des clés modem. Les réseaux mobiles à très haut débit pourront alors représenter une solution d'accès à Internet intéressante pour tous les habitants de zones mal desservies en ligne fixe.

Grâce à la 4G, on pourrait imaginer se passer de connexion fixe par ADSL (qui plafonnent à 28 Mbit/s) voire même par fibre, le LTE promettant des débits maximums équivalents. Le LTE peut donc être envisagé à terme comme le chaînon manquant dans les technologies d'accès à internet haut débit. Pour qu'il le soit réellement il faudrait cependant que les opérateurs créent des forfaits adaptés à un usage fixe, comprenant un quota de téléchargement largement supérieur aux 2 ou 3 Go que l'on connaît aujourd'hui. Une piste proche est explorée en Allemagne : le LTE pourrait y être utilisé pour remplacer la boucle locale en cuivre, c'est-à-dire relier les domiciles des abonnés aux noeuds de raccordement ADSL.

Mais la 4G a pour vocation principale d'accélérer la navigation sur smartphones et tablettes. Sur ces terminaux, c'est moins le débit descendant maximum qui donnera naissance à de nouveaux usages que la faible latence et le plus grand débit montant.

Partage de vidéos, en direct

Grâce à un upload enfin suffisant, les reporters audiovisuels pourraient recourir à la 4G pour transmettre leurs images en direct sans devoir installer une liaison satellite. Ce modèle pourrait même s'étendre à tout un chacun : imaginez le 11 septembre 2001 vu par des centaines de smartphones vidéo 4G aux alentours, ou un rendez-vous sportif important filmé par ses spectateurs. Cet avenir peut paraître utopique, mais c'est l'un des usages les plus sérieusement envisagés par les opérateurs. Reste à créer les plateformes de partage de ces futures chaînes de télévision personnelles en direct.

VoD en voiture et jeux en réseau

Les équipementiers automobiles réfléchissent de leur côté à intégrer des modems 4G dans les voitures, ce qui donnera accès en voyage à des services inédits comme de la vidéo à demande.

Par ailleurs, si la latence de la 4G s'établit bel et bien aux alentours des 10 ms, elle sera aussi faible que celles des liaisons ADSL, câble ou fibre. Il deviendra dès lors possible d'utiliser son smartphone ou sa tablette pour jouer en réseau, comme un PC. Vu le succès des jeux sur mobile et les capacités graphiques impressionnantes des modèles de dernière génération comme la PlayStation Vita ou l'iPhone 4S, on peut prédire sans trop de risque une explosion des jeux en réseaux sur 4G. Une faible latence pourrait aussi donner des ailes aux plateformes de "Cloud Gaming" comme celle d'OnLive.

4. Qui pourra en profiter ?

Orange, SFR, Bouygues s'enorgueillissent à longueur de publicité : leurs réseaux couvrent quasiment 100 % de la population française. Certes, mais pas en 3G. Les couvertures 3G/3G+ sont bien plus restreintes, même 7 ans après l'ouverture des premiers réseaux 3G.

Pour la 4G, les autorités ont décidé de forcer les opérateurs à combler la "fracture numérique" entre zones urbaines denses et zones rurales et ont fixé des objectifs précis conditionnant l'obtention d'une licence 4G.

L'ARCEP a défini une zone de déploiement prioritaire qui "représente environ 18 % de la population métropolitaine et 63% du territoire". Cette zone est mal couverte en 3G car la 3G utilise principalement des fréquences "hautes" dans la bande 2,1 GHz qui ne se propagent pas loin. Les licences 4G donnent accès à des fréquences plus basses, autour de 800 MHz, qui sont capables d'une meilleure couverture. Les opérateurs 4G devront respecter deux engagements de déploiement dans cette zone prioritaire : 40 % à 5 ans, 90 % à 10 ans.

Hors cette zone privilégiée, les opérateurs sont soumis à deux engagements différents selon les fréquences utilisées.



Enfin, l'ARCEP a aussi fixé un taux de couverture minimal de la population dans chaque département métropolitain de 90 % à une échéance de 12 ans. Rien ne dit que les opérateurs respecteront ces engagements, mais on peut tout de même raisonnablement espérer une amélioration de la couverture des zones blanches.

Le LTE promet aussi une couverture plus homogène. En 3G le débit disponible en bordure d'une cellule est en effet nettement inférieur à celui obtenu au coeur de la cellule. En LTE, la différence est réduite.

5. La 4G fera-t-elle baisser les prix ?

L'effet Free Mobile

Le marché de la téléphonie mobile en France est dominé par les trois seuls opérateurs à posséder un réseau propre : Orange, SFR et Bouygues. Free Mobile a décroché une licence 3G et sera parmi les 4 opérateurs 4G. Or, Free mobile a depuis longtemps annoncé vouloir casser les prix et on a vu en quelques mois les opérateurs historiques lancer des offres moins onéreuses en prévision (Bouygues B&U, Orange Sosh, SFR Red). Free mobile ne pourra cependant pas déployer rapidement un réseau 3G à la hauteur de celui de ses concurrents. En 4G par contre, chacun part de zéro.

Seule ombre au tableau, alors que les licences 3G étaient identiques pour les trois opérateurs historiques (10 MHz duplex au départ, puis 15 MHz duplex à partir de 2004), les licences 4G sont de nature inégale. Vu le peu de spectre radio restant, l'ARCEP a défini un processus d'enchères permettant au plus offrant d'emporter une bande passante plus importante. Dans la bande de 800 MHz par exemple, les 30 MHz (duplex) mis aux enchères sont découpés en quatre lots : deux de 10 MHz, deux de 5 MHz. Un même opérateur pourra acheter un maximum de 15 MHz ce qui lui donnera un réseau d'une capacité ou d'une vitesse 3 fois supérieure ou à celui d'un concurrent n'ayant que 5 MHz. Dans le cas où seuls trois opérateurs rafleraient l'ensemble des 30 MHz, l'ARCEP a prévu pour le quatrième un droit automatique d'accès en itinérance aux fréquences de l'opérateur ayant obtenu 15 MHz.

La bande des 800 MHz est découpée en 4 lots de 10 MHz ou 5 MHz duplexLa bande des 800 MHz est découpée en 4 lots de 10 MHz ou 5 MHz duplex

Les licences dans la bande 2,6 GHz - déjà attribuées - sont plus homogènes. Orange et Free Mobile ont remporté chacun un lot de 20 MHz duplex, alors que SFR et Bouygues Telecom sont repartis avec 15 MHz duplex chacun. Free mobile pourra donc avoir les moyens de ses ambitions en créant un réseau de forte capacité dans les zones denses.

Payer plus, pour surfer mieux

Cependant, il n'est pas sûr que les forfaits 4G soient moins onéreux. Les forfaits des opérateurs sont aujourd'hui encore échelonnés selon l'usage "voix" (on paie plus pour plus d'heures d'appels) mais les offres ont évolué cette année avec l'apparition de forfaits voix "illimités" peu onéreux. De plus en plus de clients étant intéressés par l'Internet mobile, le marché devrait logiquement se transformer dans les mois à venir pour être segmenté selon la qualité de la connexion Internet, du volume de données compris dans le forfait et de la rapidité de la connexion. Dans cette logique, les premiers forfaits 4G devraient être également plus onéreux. En outre, pour profiter de la 4G il faudra bien sûr investir dans un nouveau téléphone ou un nouveau modem.


6. Pourra-t-on éviter la saturation des réseaux ?

Contrairement aux apparences, les opérateurs n'aiment pas les gros consommateurs d'Internet mobile. À cause des smartphones, des tablettes et des clés 3G, le trafic "data" explose : Stéphane Richard, PDG de France Telecom annonçait en début d'année avoir constaté une hausse de 5 % du trafic par semaine, soit 1200 % par an. Or, les infrastructures ne peuvent pas évoluer au même rythme. Et même si les opérateurs limitent les velléités de leurs clients en imposant des quotas (ou "fair use") très bas sur la plupart des forfaits et en faisant payer cher le Mo supplémentaire, le risque d'une saturation rapide des réseaux mobiles fait trembler l'industrie. Heureusement, le déploiement des réseaux LTE apportera une véritable bouffée d'oxygène.

La capacité des réseaux mobiles dépend en effet directement de la quantité de fréquences qu'ils peuvent utiliser. La 4G s'accompagne de l'attribution de nouvelles fréquences aux opérateurs réparties sur deux bandes : 30 MHz autour de 800 MHz et 120 MHz autour de 2,6 GHz. Par ailleurs, la technologie de transmission radio des réseaux LTE est plus efficace que celle des réseaux 3G/3G+. Pour un même spectre disponible, il est possible de servir jusqu'à 10 fois plus de clients en LTE qu'en 3G. Ces deux facteurs cumulés devraient permettre la croissance de l'Internet mobile pendant les années à venir. Mais il faudra tôt ou tard trouver de nouvelles ressources : on parle déjà d'utiliser les fréquences de 3,5 GHz aujourd'hui dévolues aux réseaux Wimax.

7. Quels effets sur l'environnement, la santé ?

Des antennes plus économes...

Le déploiement du LTE va forcer les opérateurs à installer de nouveaux équipements. Paradoxalement, le LTE devrait aussi permettre de rendre le réseau plus "vert". Comment ? La réponse tient dans le fait que les équipements de 2011 peuvent servir à la fois à la 4G mais aussi à la 3G ou à la 2G. Les équipementiers parlent de "Software Defined Radio" (SDR) ou radio définie par logiciel : un même matériel peut être configuré pour créer des réseaux différents. Ainsi, selon ZTE, une armoire SDR peut remplacer à elle seule 6 anciennes armoires. La consommation électrique s'en trouve divisée par 3 au moins. Pour les opérateurs, l'investissement de départ peut être assez vite amorti grâce aux économies réalisées sur leur facture EDF.

(source : ZTE)

Mais aussi plus nombreuses

Cependant, la 4G n'a pas que des avantages. Parmi les inconvénients les plus visibles citons la multiplication des antennes relais nécessaires. Les nouvelles fréquences autour de 2,6 GHz attribuées aux opérateurs pour leur licence 4G se propagent moins bien que les fréquences 2G ou 3G utilisées aujourd'hui. La taille des cellules du réseau est donc inférieure il faut donc un plus grand nombre d'antennes pour couvrir une zone géographique donnée. Étant donné la défiance du public vis-à-vis des antennes relais, les opérateurs auront sans doute quelque mal à trouver des sites où poser leurs nouvelles antennes.

Heureusement, en dehors des zones très densément peuplées où le réseau doit avoir une forte capacité, les opérateurs pourront déployer la 4G via les fréquences de 800 MHz qui, elles, réalisent une très bonne couverture. En outre, l'ARCEP prévoit que dans ces zones, les opérateurs pourront mutualiser leurs réseaux pour optimiser l'utilisation du spectre et surtout tenir leurs objectifs de couverture.


8. La 4G brouillera-t-elle la TNT ?

L'affaire a fait grand bruit cet été : la 4G pourrait brouiller la réception de la télévision numérique terrestre. La 4G sera en effet déployée en partie sur des fréquences dites du "dividende numérique", utilisées jusqu'alors par la télévision analogique et très proches de celles de la TNT. L'écart de fréquences est réduit entre les deux émissions et dans certains cas, mal caractérisés pour le moment, 4G et TNT interféreront. Bouygues estime que jusqu'à 20 % des foyers pourraient être touchés. L'ARCEP table au contraire sur seulement 150 000 à 500 000 foyers.

Le problème a été soulevé par Bouygues Telecom fin juin et n'a pas trouvé de solution définitive pour le moment. Le projet de loi de finances 2012 prévoit pour le moment la procédure suivante : les plaintes des usagers seront collectées par l'Agence Nationale des Fréquences via un centre d'appels dédié et un numéro de téléphone unique qui seraient financés collégialement par les opérateurs à hauteur de 2 millions d'euros par an. La prise en charge du coût des travaux nécessaires à l'élimination des brouillages est une question encore ouverte. SFR milite pour la création d’un fonds spécial commun. Les interventions ne seront en effet pas anodines puisqu'il faudra très probablement poser des filtres sur les antennes TNT de tous les usagers perturbés.

9. Quand ?

La 4G est déjà une réalité pour une bonne partie du monde. La Suède en bénéficie depuis fin 2009 grâce à Telia Sonera, Hong-Kong, le Japon, et même les Etats-Unis ont tous un ou plusieurs réseaux LTE actifs depuis la fin 2010. Plus près de nous, l'Allemagne connaît également le LTE depuis cette année.


En France, les premières licences d'exploitation dans la bande 2,6 GHz ont été attribuées le 11 octobre. Celles pour les fréquences de 800 MHz le seront en tout début de l'année 2012. Il faudra ensuite attendre de longs mois avant l'ouverture commerciale des réseaux LTE. Les opérateurs ne s'engagent pas sur un planning mais SFR nous a confié récemment viser la fin 2012 au mieux, et plus probablement en 2013, le temps du déploiement d'un réseau avoisinant les 18 mois. Bouygues Telecom a évoqué publiquement un calendrier similaire : 2012/2013. Etant donné que de nombreuses expérimentations ont déjà eu lieu sur le LTE, on aurait pu espérer une meilleure réactivité.

Pour l'IDATE, il faut s'attendre à ce que le LTE ne soit massivement déployé dans le monde qu'aux alentours de 2015. A cette date, ironiquement, les pays les plus avancés seront déjà en train de migrer vers le LTE Advanced, qui promet un nouveau bond en performance : ses promoteurs visent 1 Gbit/s en réception.

Source : Tom's Hardware au 27/10/2011

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