jeudi 5 août 2010

POURQUOI LE BLACKBERRY INQUIÈTE LES EMIRATS ARABES UNIS


Un homme téléphone près d'un stand BlackBerry dans un centre commercial de Dubaï, le 1er août.

Les Emirats arabes unis, comme l'Arabie saoudite, ont annoncé qu'ils interdiraient certains services sur les téléphones BlackBerry, dont le chat, les e-mails et la recherche sur Internet, y compris pour les visiteurs étrangers. L'Inde hausse également le ton contre RIM, le constructeur canadien qui a créé le BlackBerry – sans aller jusqu'à menacer d'interdire ou de limiter les terminaux.
Research in motion assure lundi soir qu'il continuera "à fournir des produits hautement sécurisés" et que l'entreprise est "en discussions" avec des pays non cités pour maintenir tel quel le fonctionnement de ses services. Le contenu de ces ces discussions "confidentielles" n'a pas été révélé.
Pourquoi ces pays s'en prennent-ils à RIM ? Les reproches faits aux BlackBerry, conçus pour le monde de l'entreprise, concernent son système de sécurité unique. Les données transmises par les BlackBerry transitent en effet par les serveurs de RIM pour y être chiffrées ou déchiffrées. Il n'est alors plus possible de surveiller les données captées ou émises par ces téléphones. Or l'Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis censurent largement Internet.
Mi-juillet, un jeune homme de 18 ans, accusé d'avoir organisé une manifestation illégale à Abou Dabi par l'intermédiaire de son BlackBerry, a été arrêté, et plusieurs autres personnes interrogées. "Ces jeunes gens n'ont rien fait de mal : ils avaient dans un premier temps prévu la tenue d'une manifestation pacifique, et l'ont finalement annulée pour ne pas violer la loi. (...) Dans l'impossibilité de déchiffrer les données chiffrées du réseau BlackBerry et d'accéder aux données personnelles des clients, les forces de sécurité ont donc décidé d'intimider les utilisateurs de ces services", jugeait fin juillet l'organisation Reporters sans frontières.
En Inde, ce n'est pas la liberté d'expression qui est en cause mais la possibilité pour les services de contre-terrorisme de surveiller les communications. Après les attentats de Bombay, il y a deux ans, les autorités ont renforcé leurs dispositifs de surveillance et jugent anormal que le grand public ait accès à des modes de communication chiffrés.

Serveurs à l’étranger
En France, les services de l'Etat considèrent au contraire que les BlackBerry pourraient être trop facilement piratés. En 2007, le gouvernement avait annoncé que les téléphones de RIM ne seraient plus utilisés par les hauts fonctionnaires et les ministres ; sur commande des services de renseignement français, le constructeur Thalès avait alors conçu un terminal ultra-sécurisé, utilisé notamment par Nicolas Sarkozy.
Le gouvernement estimait qu'avec des serveurs situés au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, les services de renseignement de ces pays, et notamment la National security agency américaine (NSA), pourraient s'en saisir et avoir ainsi accès à des informations secrètes. RIM avait répliqué que les informations transitant par ses serveurs ne pouvaient être lues "ni par la NSA, ni par d'autres agences" et que son système de chiffrement était "plus sécurisé que celui utilisé par les services bancaires en ligne".
Le chiffrement des téléphones de RIM n'est pourtant pas entièrement inviolable. Après son élection, Barack Obama avait dû livrer une longue bataille avec les services secrets américains pour être autorisé à conserver un téléphone RIM, ses services considérant qu'il était dangereux de laisser le président des Etats-Unis utiliser un mobile, même avec chiffrement, pour échanger des informations stratégiques. Barack Obama avait finalement obtenu un BlackBerry, dont les protections ont été spécifiquement renforcées pour son usage. Principal revers : seule une dizaine de personnes connaissent son adresse e-mail, et son téléphone commence à ennuyer Barack Obama. "Ça n'est pas très drôle, a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision ABC. Personne n'ose m'envoyer de messages croustillants, parce qu'ils pensent qu'ils seront probablement versés aux archives présidentielles".

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