jeudi 12 août 2010

Le BlackBerry : ange ou démon ?


Avec un système de cryptage perfectionné, des capacités hautement compressées de transport de données, la technique de « téléphone intelligent » BlackBerry , du canadien Research In Motion(RIM), a marqué un grand pas dans la satisfaction des besoins de communication, en mobilité, en tout temps et tout lieu.

Avec un système de cryptage perfectionné, des capacités hautement compressées de transport de données, la technique de « téléphone intelligent » BlackBerry , du canadien Research In Motion(RIM), a marqué un grand pas dans la satisfaction des besoins de communication, en mobilité, en tout temps et tout lieu. Les préoccupations de sécurité semblent néanmoins prendre le dessus sur le progrès technologique, d’où le récent bras de fer engagé par certains gouvernements avec la société canadienne. Prudente, l’Algérie préfère regarder de plus près.

Le vent de panique déclenché, suite aux bulletins d’alerte émis par de nombreux gouvernements, sur le risque que fait porter le BlackBerry à la sécurité des Etats, touche de plus en plus de pays, y compris l’Algérie qui a décidé de se pencher d’abord sur la question avant de se prononcer sur une quelconque décision d’interdire le service ou, comme certains pays ont menacé de la faire, seulement certaines fonctionnalités. La réaction tranchée du gouvernement des Emirats Arabes unis, de suspendre l’opérateur BlackBerry dès le 11 octobre prochain, puis la menace brandie par l’autorité de régulation des télécommunications saoudienne d’en faire autant, ont remis la question de l’accès aux données cryptées à l’ordre du jour, provoquant un débat dans lequel se sont impliqués les professionnels, les experts, les milieux d’affaires et bien évidemment les politiques. « Nous examinons la question. Si nous déterminons qu’il y a un danger pour notre économie ou notre sécurité, nous y mettrons fin » déclarait tout récemment le ministre de la poste et des technologies de l’information et de la communication, Moussa Benhammadi, au quotidien El Khabar.

[Une bonne percée marketing]
La technique BlackBerry, permettant de recevoir et envoyer des courriels, est utilisée pour recevoir ses courriels en mode push, c'est-à-dire en temps réel, sans avoir besoin d'aller se connecter à un serveur. Le mode de compression réduit la taille du message, ce qui facilite la synchronisation de ses courriels avec le serveur de messagerie électronique via le réseau de téléphonie mobile sur lequel l'appareil est connecté. Ainsi, envoyer un courriel est aussi simple que d'envoyer un SMS ou un MMS. En Algérie, l'opérateur privé Djezzy, en partenariat avec la société canadienne RIM, initiatrice de la technique BlackBerry, a lancé en avant-première au Maghreb, le 15 novembre 2006, la première offre BlackBerry. L'opérateur Djezzy (Orascom Télécom Algérie) a lancé le BlackBerry en 2007 suivi par l'opérateur historique Mobilis d’Algérie Télécom. Le BlackBerry permet la lecture des pièces jointes aux formats multiples. L'avantage de cette technique est qu'elle permet de lire rapidement les pièces jointes de grande taille (doc, xls, ppt, pdf, txt, images, etc.) grâce à la compression de l'information. Les pièces jointes peuvent voir leur taille divisée par 200. Par exemple, un courriel reçu avec une photo de 3 Mo sera transmis sur le BlackBerry avec la même image réduite à 20 ko environ (soit une taille divisée par 150). Cette technique permet également de naviguer sur Internet. L'interface Web permet d'accéder à ses comptes courriel BlackBerry et de les gérer (ajout, suppression, etc.). En termes marketing, la marque BlackBerry semble avoir trouvé ses marques puisqu’elle détiendrait, selon la société propriétaire « environ 46 millions d'utilisateurs de par le monde », alors que « Certains estiment qu'un million de fonctionnaires des États-Unis l'utilisent régulièrement, dont plusieurs décideurs importants. ». Pour sa part le bureau d’études marketing Gartner , dans un rapport publié en juin dernier estimait que « la part de RIM sur le marché mondial du smartphone est de 13 %, derrière Nokia qui en possède 45, 2 % et devant Apple qui est à la troisième place avec 5 %. Aux États Unis, c'est RIM qui est leader du marché avec 42 % et Apple est second avec 20 %. »
Tout allait pour le mieux, donc, jusqu’au jour où certains pays, soucieux de voir circuler sur leur territoire des messages codés, dont les procédés de cryptage leur sont inaccessibles, ont commencé à froncer les sourcils invoquant des raisons de sécurité.
[Réactions en chaîne]
Il y a eu d’abord, les réactions hostiles des Emirats arabes unis et de l’Arabie Saoudite à l’égard du BlackBerry , jugé trop sécuritaire. A noter que les utilisateurs du portable de RIM sont 700 000 en Arabie Saoudite et 500 000 aux Emirats arabes unis. Ceux-ci appréciaient particulièrement les BlackBerry car ces “téléphones intelligents”, du fait de l’absence de contrôle, leur permettait de converser librement aussi bien avec des membres de l’opposition que des personnes du sexe opposé.
C’est ensuite l’Inde qui entre en lice en soulignant que le smartphone de RIM pose des problèmes de “sécurité nationale”.
Reuters fait part des propos de U.K. Bansal, secrétaire spécial à la sécurité intérieure indienne, indiquant que la technologie de RIM constitue un problème pour son gouvernement car son système de chiffrement plus poussé et ses serveurs sécurisés, localisés à l’étranger, empêcheraient l’Inde de surveiller le courrier électronique transitant par les BlackBerry.
Selon U.K. Bansal cette particularité, liée aux BlackBerry, constitue un sérieux problème pour l’Inde qui craint que des terroristes n’utilisent ce smartphone pour se prémunir des intrusions, sachant que leurs communications sont mieux protégées.
Le secrétaire spécial à la sécurité intérieure assure que son pays n’a nullement l’intention de bannir ce portable du territoire indien mais a demandé à RIM d’installer sur son territoire un serveur permettant aux agences de sécurité indiennes de surveiller le trafic par courrier électronique.
Pour résoudre ce problème, le journal Economic Times révèle que RIM aurait autorisé l’Inde à accéder à ses données cryptées transitant vers des serveurs vers les BlackBerry indiens
Le gouvernement indien ajoute que désormais les opérateurs télécoms en Inde devront fournir de plus amples informations sur les appareils qu’ils proposent à la vente sous peine de voir leurs services être interdits dans ce pays.
L’”affaire BlackBerry” s’étend aussi à d’autres pays. L’Indonésie souhaite que RIM ouvre son centre de routage des données dans le pays afin que celles-ci ne transitent pas par le Canada.
Le Liban est aussi de la partie. Selon l’agence de presse française AFP, les autorités libanaises ont lancé une évaluation sur “des questions de sécurité” concernant le BlackBerry. “Je ne doute pas de la capacité du BlackBerry de protéger la sécurité des communications. La question porte sur l’accès des autorités aux données tel que stipulé dans la loi”, a expliqué à l’AFP Imad Hoballah, le P-DG de l’Autorité libanaise de régulation des télécoms.

[La sécurité : une vraie problématique]
En effet, les courriels envoyés à l'aide d'un BlackBerry transitent par des serveurs situés au Canada et aux États-Unis pour l'Amérique du Nord et au Royaume-Uni pour l'Europe. Des doutes existent donc sur le fait que la NSA (agence nationale de sécurité) américaine en charge de la surveillance des communications, et de façon plus générale, tous les pays membres du programme Echelon, puissent surveiller les serveurs informatiques de RIM. Au point, par exemple, que le gouvernement français, estimant que cela peut présenter des risques de sécurité et d'espionnage industriel pour la France, une circulaire du secrétariat général de la défense nationale, interdit l'utilisation de terminaux Blackberry dans les cabinets ministériels français et dans les entreprises certifiées par le ministère de la Défense.
Ce bras de fer a permis aux défenseurs des libertés individuelles de monter au créneau pour soutenir l’opérateur canadien, et crier, de bonne foi, aux atteintes à la libre circulation de l’information. De leur côté les gouvernements canadien et américain sont rentrés dans le bal pour appeler à la préservation de la liberté de circulation des données, des intérêts économiques de la société canadienne, et, sans le souligner, de leurs intérêts stratégiques.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a annoncé que des experts américains et émiratis discuteraient du BlackBerry pour tenir de résoudre le conflit autour de ce téléphone, que les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite ont décidé de suspendre.

[Quand le politique se fait avocat]
"Nous prenons le temps de nous concerter et d'analyser tout l'éventail des intérêts et des aspects du dossier parce que nous sommes conscients que se posent des questions légitimes de sécurité. Mais il existe également un droit légitime à un accès et à une utilisation sans entraves" du BlackBerry, a-t-elle déclaré. "Je pense donc que nous allons mener des discussions techniques et d'experts", a-t-elle ajouté.
Le porte-parole de Mme Clinton, Philip Crowley, a déclaré à la presse que Washington prenait contact avec l'Arabie Saoudite, l'Inde et d'autres pays ayant des inquiétudes au sujet du BlackBerry, dans l'espoir de résoudre le problème. Washington souhaite aussi contacter RIM afin de voir comment conjuguer les besoins de sécurité et d'information.
Auparavant, M. Crowley avait critiqué la décision des Emirats, estimant qu'elle créait "un dangereux précédent" en matière de liberté d'expression.
Au Canada, le ministre du Commerce international, Peter Van Loan, a averti que ces interdictions risquaient d'avoir "de vastes implications sur la libre circulation des communications et de l'information"
"Notre gouvernement va se porter à la défense de RIM, comme compagnie canadienne, et du BlackBerry, comme nous le faisons chaque fois que des compagnies canadiennes faisant affaire à l'étranger sont confrontées à ce genre de défi", a déclaré le ministre à l'agence de presse financière Dow Jones.
M. Van Loan a indiqué que le gouvernement canadien était en contact avec les Emirats, l'Arabie Saoudite et d'autres pays pour trouver une "solution constructive" au différend.
Néanmoins, et devant la forte pression des gouvernements, dont certains à l’instar de celui de l’Inde n’ont pas la réputation d’être oppressifs des libertés, la société canadienne elle-même a du mettre un peu de mou dans son attitude. "RIM opère dans 175 pays et fournit une architecture sécurisée qui est largement acceptée par les consommateurs et les gouvernements dans le monde. RIM respecte à la fois les exigences de régulation des gouvernements et les besoins en matière de sécurité et de protection des données privées des consommateurs et des entreprises".
D’aucuns soupçonnent déjà la société d’être entrée en négociation avec certains gouvernements pour offrir des concessions techniques au fins de préserver ses parts de marché. D’autres pensent exagérées les réactions de ces gouvernements qui ne se soucient que du cryptage de BlackBerry alors que la menace peut venir de tout autre service existant notamment de messagerie sur Internet.
Quoiqu’il en soit, la question devra un jour être tranchée, pour trouver un juste milieu entre le besoin de liberté de communication, et de circulation de l’information, et celui, légitime des Etats d’assurer la sécurité de leur territoires et de leur habitants.

Le gouvernement allemand….aussi..

Le gouvernement allemand a indiqué récemment avoir demandé aux ministres et hauts responsables de bannir l'usage des téléphones mobiles IPhone et des BlackBerry, en raison d'une hausse "spectaculaire" des attaques contre les réseaux allemands de téléphonie et internet.
Selon un porte-parole du ministère de l'Intérieur, cette mesure découle d'une recommandation "pressante" de l'Office fédéral pour la sécurité des techniques d'information (BSI) et les ministres ont été invités à utiliser plutôt les appareils Simko de la compagnie de téléphonie Deutsche Telekom.
Les smartphones BlackBerry, fabriqués par le canadien Research in Motion (RIM), offrent un haut niveau de protection des données et des courriels, mais Berlin est semble-t-il inquiète que les données transitent toutes via deux centres de RIM au Canada et en Grande-Bretagne.
Le Sultanat d’Oman ferme les yeux
Le sultannat d’Oman a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention d'interdire le BlackBerry dont certains services sont menacés de blocage par plusieurs pays qui invoquent des questions de sécurité nationale.
L'autorité de régulation des télécoms du sultanat d'Oman, dans un communiqué repris par l'agence de presse Ona, explique que cette décision est conforme à sa "philosophie de libre marché dans ce secteur".

Barak Obama déçu !

Barack Obama a perdu tout intérêt pour son BlackBerry. Pourquoi ? Parce que plus personne n’ose lui écrire avec sincérité, maintenant qu’il est président des Etats-Unis, a-t-il confié lors d’une entrevue accordée à la chaîne ABC.
«Je dois bien le dire, ce n'est plus drôle de me servir de mon BlackBerry, parce que ceux qui m’écrivent ou m'appellent craignent que leurs messages soient versés aux archives présidentielles. Plus personne ne veut m'envoyer de trucs vraiment croustillants», a-t-il dit lors de l'émission de télévision "The View". Résultat : le nombre de personnes qui le contactent encore aujourd'hui via son BlackBerry tourne autour «d'une dizaine»...
Barack Obama, "accro" du BlackBerry, avait peiné à conserver son cellulaire après sa prise de fonctions en janvier 2009, pour des raisons de sécurité et de confidentialité. Il avait fini par obtenir un modèle sécurisé agréé par l'équipe juridique et le service de sécurité de la Maison Blanche.

Un outil de narcissique ?

A l’occasion du débat sur le problème de sécurité des données posées devant la technique du BlackBerry, l’intellectuel français Jacques Attali a apporté sa touche philosophique pour éclairer ainsi le débat : « Tout cela renvoie à quelque chose de profond, parfaitement prévisible: notre idéologie de la liberté individuelle conduit chacun à ne s’intéresser de plus en plus qu’à lui-même, à ne vouloir en faire qu’à sa tête, et même, plus encore, à l’autisme, au narcissisme, au plaisir de soi. Et donc à refuser toute intrusion d’autrui non sollicitée dans la bulle de son égo. On aime donc recevoir des SMS, des mails ou des BBM, parce qu’on les lit quand et si on veut. Mais on n’aime pas prendre un appel téléphonique qui vous force à obéir à l’injonction d’autrui, de parler, ici et maintenant. Une fois de plus, la musique annonçait cette mutation, par le développement de l’écoute solitaire. »

Source : Journal El Moudjahid du 12/08/2010

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