samedi 5 novembre 2011

Téléphonie et Internet : le Liban dans la moyenne OCDE

À la suite de l’article intitulé « Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde » paru dans L’Orient-Le Jour du 21 octobre, nous avons reçu du bureau de presse du ministre des Télécommunications la réponse suivante :

N’en déplaise aux esprits chagrins qui ne veulent pas l’admettre, le Liban est bel et bien en train de se doter d’une infrastructure moderne de télécommunications (fibre optique et 3.75G). Dans l’opinion parue dans L’Orient-Le Jour du 21 octobre, M. Bakhos Baalbacki vogue sur la méconnaissance du grand public en matière de télécommunications.

Premièrement : « Alors que le monde passe progressivement à la 4G, on nous fourgue la 3G. »
Plutôt que d’ironiser sur les réalisations du ministère des Télécommunications, l’auteur de cette opinion aurait mieux fait de se renseigner : la 4G est un nouveau standard de téléphonie mobile encore en cours de finalisation. Aucun mobile, terminal ou modem utilisant le standard baptisé « LTE-Advanced » n’est opérationnel à cette date dans le monde. Le déploiement des premiers réseaux commerciaux 4G est attendu pour 2015 voire 2016. Ce qui a été lancé en 2010 en Finlande et en Suède, c’est le réseau mobile au standard LTE qui est une évolution du standard 3G, et plus particulièrement une amélioration du standard HSPA+ en cours d’installation au Liban. Le passage de la HSPA+ au LTE se fera par une mise à jour logicielle sans changement majeur au niveau matériel (Faux). Le saut technologique est donc bien réel pour les usagers libanais qui passent de la 2.75G (GSM/GPRS/EDGE) sur les réseaux mobiles à la HSPA+ (soit 3.75G). Une avancée qui place le Liban dans le peloton de tête régional. Pour des raisons de montée en puissance progressive, la 3G démarre dans un mode 3.5G (21 Mbps théoriques) et passera l’été prochain au mode 3.75G (42 Mbps théoriques).

Quant aux vitesses de 1 000 Mbps évoquées par M. Baalbacki, il faut savoir qu’elles ont été atteintes uniquement en laboratoire et qu’aucun usager de la planète ne les verra avant plusieurs années.

Deuxièmement : « Alors que le ministre annonce des débits théoriques allant jusqu’à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbps et 2 Mbps. »
Nous sommes au tout début d’un nouveau déploiement de réseau 3G/HSPA+. Le processus dure un minimum de temps avant que la vitesse de croisière ne soit atteinte. À l’heure actuelle, la couverture 3G/HSPA+ concerne les villes principales afin d’assurer une couverture nationale identique à celle de la 2.75G (GSM/GPRS/EDGE). L’achèvement de cette étape, prévue pour la fin février 2012, nécessitera à son tour une action d’optimisation afin de rendre cette couverture conforme aux standards internationaux. Après l’achèvement de la couverture du nouveau réseau 3G/HSPA+, vient la phase dite de densification au cours de laquelle la capacité des stations de radiotransmission sera augmentée afin de répondre aux besoins croissants en vitesse et en consommation des abonnés.

Ce mode opératoire est tout à fait comparable à tous les déploiements de la 3G qui ont eu lieu dans le monde. On ne peut pas aller plus vite que la musique. Au lieu d’attaquer le ministère, l’auteur aurait mieux fait de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les Libanais ont été si longtemps privés de ces nouvelles technologies.

Troisièmement : « On est loin des 80 % (de baisse des prix) annoncés fièrement. »
Cette affirmation est tout simplement fausse. Pour l’étayer, l’auteur détaille la comparaison qu’il a effectuée entre l’offre commerciale d’un fournisseur de services Internet privé (pour lequel la nouvelle grille tarifaire ne s’impose pas), et la nouvelle offre tarifaire du ministère des Télécoms définie par le décret 6 957 en vigueur depuis le 1er octobre 2011. L’honnêteté dicterait en effet de comparer les tarifs du ministère – qui servent de référence à ceux du marché – avant et après le nouveau décret. Ce tarif réalise bien une baisse de 80 % des prix comme l’atteste le premier plan de 1 Mbps du nouveau décret qui est tarifé à 24 000LL contre 115 000LL avant le 1er octobre.

Quant au fait qu’à ce jour seuls 30 % des Libanais ont reçu le upgrade à 1 Mbps, il est dû à l’incompétence et à l’obstruction systématique pratiquée par certains relais de l’administration publique, malheureusement appuyés par certains courants politiques. Le ministre se promet en tous les cas de dévoiler les dessous de cette bataille de l’ombre une fois que le upgrade aura atteint tous les Libanais.
Quatrièmement : des comparaisons trompeuses avec les tarifs en France et au Maroc.
Cette comparaison est également biaisée et inexacte. Rappelons par exemple que la France est un pays mature où la demande se caractérise par un pouvoir d’achat élevé, ce qui permet à l’opérateur d’allier faisabilité économique et bas prix.

Une petite explication est nécessaire. En matière de fibre optique, il faut distinguer deux étapes : la première consiste à relier tous les centraux téléphoniques par de la fibre, une étape franchie par tous les marchés matures ; et la deuxième consiste à faire parvenir la fibre à tous les foyers (phase communément appelée FTTX), une étape que la quasi-totalité des marchés matures n’ont toujours pas franchie (hormis quelques expériences de pointes comme celle de la ville de Stockholm que le ministère des Télécoms suit de près). En France par exemple, seuls 3 % des foyers sont reliés par fibre. La première étape, soit l’installation de la fibre reliant tous les centraux, sera achevée au Liban en octobre 2012.

Cette étape, doublée d’un équipement du réseau en VDSL2, est nécessaire pour faire passer la vitesse à plus de 20 Mbps pour les abonnés. C’est également cette disponibilité de l’offre (vitesse et capacité) qui détermine une augmentation de la demande et une diminution des prix.
Il n’est donc pas question de prétendre que le Liban est le pays le plus compétitif en termes de prix. Une telle évolution prend du temps. Mais le Liban se situe d’ores et déjà dans la moyenne supérieure de la région ainsi que dans la moyenne de l’OCDE (pour l’usage faible et 30 % au-dessus pour l’usage fort), comme l’atteste l’étude publiée par l’Autorité de régulation des télécoms vendredi 4 novembre.

Source : L'Orient LE JOUR.com au 05/11/2011

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Téléphonie et Internet : le Liban demeure un pays du tiers-monde

Cela fait des mois qu’on nous rebat les oreilles qu’ils vont enfin sortir le Liban de son tiers-mondisme numérique et téléphonique. Aujourd’hui il est donc question de l’Internet fixe et mobile. Alors état des lieux.

Commençons par l’Internet mobile, la fameuse 3G, abréviation de « troisième génération ». Celle-ci désigne une génération de normes de téléphonie mobile permettant des débits plus rapides qu’avec la génération précédente, le GSM (2G). Les applications sont nombreuses : Internet mobile (sur un cellulaire ou un ordinateur portable), le visionnage de vidéos ou d’émission TV et la vidéoconférence.

L’énoncé est incontestablement très alléchant... sur le plan théorique. Car comme à l’accoutumée dans notre pays, on déchante à l’examen de la réalité. Alors que le monde passe progressivement à la 4G, on nous fourgue la 3G ! Et oui, une marchandise périmée ou en cours de l’être ! En effet, les pays scandinaves bénéficient de la 4G depuis 2009. Les États-Unis, l’Allemagne et le Japon depuis 2010. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont passés à la 4G au cours de cette année. Et même les 5,4 millions d’Ouzbékistanais y auront droit prochainement ! Cette génération offre des débits théoriques de 100 Mbps (si mobilité importante) jusqu’à 1 000 Mbps (si mobilité faible ou nulle, piétonne ou immobile), soit 5 à 50 fois plus rapide que ce que le ministre des Télécoms prévoit !

Mais ne soyons pas aussi négatifs, oublions un instant la 4G. Pour mesurer notre retard, il faut savoir que la 3G est en vigueur depuis 2004 en Afrique du Sud et l’île Maurice, 2006 au Maroc, 2007 au Kenya, 2008 au Pakistan, en Inde, en Corée du Nord et aux Philippines, 2009 en Turquie et en Chine. Et ce que le ministre ne dit pas, c’est que 80 % de l’Europe était couverte par la 3G à la fin de l’année 2005, il y a déjà 6 ans ! Idem pour l’Amérique du Nord et les autres pays occidentaux. Et même quand on se compare à nos voisins que nous snobons, surprise : la 3G a été lancée en Irak en 2007 et en Syrie en 2010 !

On aurait bien aimé que ça soit tout, mais hélas ce n’est pas le cas. Alors que le ministre des Télécoms annonce des débits théoriques allant jusqu’à 8 Mbps, les tests pratiques montrent des connexions moyennes tournant entre 0,5 Mbp et 2 Mbps. Sachant qu’on est à 4 000 utilisateurs seulement, je vous laisse imaginer la descente vertigineuse de ces chiffres quand on atteindra 100 000, 250 000 ou 500 000 utilisateurs ! Enfin, dernière info sur ce dossier, le prix de ce service. Étant donné que le consommateur libanais est considéré comme une vache à lait par les opérateurs télécoms depuis une quinzaine d’années, il faut s’attendre au pire. Pourtant, un tel service est assuré pour une modique somme comprise entre 9 et 12 dollars TTC/mois (6 à 9 euros) en France et entre 12 et 24 dollars/mois au Maroc !

Bref, alors que nous avions la pire connexion au monde, voyons donc où nous en sommes aujourd’hui. Un coup d’œil chez IDM, le plus important fournisseur d’accès Internet au Liban, montre que la baisse des prix de 80 % ne concerne en réalité que ceux qui avaient déjà le Plan 4 (1 024 Kbps) et qui payaient 70 dollars HT, inutile de préciser que c’était une minorité de gens ; aujourd’hui, ils ne payeront que 19 dollars (une baisse de 73 % pour être précis). Mais pour la majorité des gens, qui avaient les plans 1 (128 Kbps) et 2 (256 Kbps), qui payaient respectivement 19 et 23 dollars, cette baisse n’est en réalité que 0 % (-0 dollar/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 1) et 18 % (-4 dollars/mois de moins pour ceux qui avaient le Plan 2). Certes, c’est mieux que rien mais on est loin des 80 % annoncés fièrement.

Mais encore une fois, on ne se rend pas compte de notre retard qu’en comparant le Liban à des pays développés. L’offre Internet en France – qui est loin d’être le pays occidental le mieux branché – est d’une grande simplicité : aucun saucissonnage ! Avec la société Orange, le plus important fournisseur d’accès Internet en France, et pour 30 à 40 euros/mois – soit 40 à 52 dollars/mois, qui ne représente en réalité que 2,8 à 3,7 % du salaire minimum mensuel français –, le résident de France et de Navarre a une connexion Internet ADSL dont le débit peut aller jusqu’à 20 Mbps ou une connexion fibre optique dont le débit atteint 100 Mbps, un download/upload illimité 24h/24, le téléphone fixe illimité vers les numéros fixes et les cellulaires en France, vers les fixes d’une centaine de destination internationale (tous les pays d’Europe, États-Unis, Canada, Japon, Australie...) et vers les cellulaires de certains pays (États-Unis, Canada). À cela, il faut rajouter la possibilité de bénéficier d’une centaine de chaînes de TV ! C’est tout simplement énorme.

En revanche, la meilleure offre au Liban à ce jour ne permet pas d’aller au-delà des 8 Mbps. Elle est facturée, tenez-vous bien, 121 dollars TTC/mois (soit 89 euros/mois), ce qui représente 26 % du salaire minimum libanais (en dépit de la récente hausse), avec un download limité à 30 GB par mois, pas de communications nationales et internationales incluses, pas de cellulaire et aucune chaîne TV numérique non plus. Énorme aussi, mais pour d’autres raisons !

Certains diront mais enfin comparons des pays comparables ! Soit, allons donc faire un tour au Maroc. Eh bien figurez-vous qu’à l’extrême Maghreb, une connexion à 8 Mbps est facturée 24 dollars/mois (soit 8,5 % du salaire minimum marocain). Eh oui ! En d’autres termes, nous payons 100 dollars/mois de plus au Liban pour la même vitesse de connexion ! Et ce n’est pas tout, car alors qu’au pays du Cèdre 8 Mbps est le plafond que nous ne pouvons pas dépasser pour l’instant, au Maghreb on peut surfer à 20 Mbps pour seulement 60 dollars TTC/mois !
Finalement, avec ce rapide tour d’horizon hors de nos frontières on s’aperçoit que le Liban demeure un pays du tiers-monde dans la téléphonie et l’Iinternet. Et comment !
Pour un misérable Mbps de vitesse et 10 misérables GB de capacité, nous déboursons 28 dollars/mois, sachant que le plancher numérique au Maroc est de 2 Mbps avec une connexion illimitée à seulement 12 dollars/mois !

Source : L'Orient LE JOUR.com au 21/10/2011

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