jeudi 20 mai 2010

Djezzy : affaire de réglementation financière ou question nationale ?


La question de la cession d’Orascom Algérie s’est imposée à l’actualité comme l’affaire du moment. La position algérienne est passée par tous ses états avant d’aboutir à la décision de rachat de la filiale algérienne d’Orascom Telecom.

Il fut d’abord question d’arbitrage de l’Agence de régulation avant de devenir une affaire d’État qui provoque, depuis des semaines, des interventions successives, et parfois contradictoires, de ministres. Après avoir été question d’appliquer le principe de 51-49 au profit de l’État, de fiscalisation d’un pourcentage de plus-value, on est au rachat pur et simple de Djezzy, apparemment promise à l’opérateur sud-africain MTN, mais pour laquelle le gouvernement compte faire valoir son droit de préemption.

L’enjeu financier et de service public justifie peut-être que le gouvernement s’intéresse au sort d’une telle entreprise et se réserve le droit d’intervenir pour influer sur son destin. Mais en l’état actuel des données, on peut tout de même s’étonner que les intentions, réelles ou supposées, de l’opérateur égyptien mobilisent de manière aussi ostensible et aussi audible les plus hautes autorités du pays, tendant à faire d’un cas de cession indésirable de société une affaire d’État.
Pourtant, nos autorités disposent de l’instrument juridique qui leur permettrait, le moment venu, d’empêcher que la transaction se fasse au détriment des intérêts du pays et d’imposer l’option de la nationalisation. La loi de finances complémentaire pour 2009 prévoit, en son article 62, en effet, que l’État dispose d’un “droit de préemption pour toutes les cessions des actionnaires étrangers ou au profit des étrangers”. Cette clause ne fait que rapporter, en ce domaine, l’article 118 du code de l’enregistrement qui dispose que “l'administration de l'enregistrement est autorisée à exercer, au profit du Trésor, un droit de préemption sur les immeubles, droits immobiliers, fonds de commerce ou de clientèle, droit à un bail ou au bénéfice d'une promesse de bail d'immeuble, dont elle estime le prix de vente insuffisant en offrant de verser aux ayants droit, le montant de ce prix majoré d'un dixième”.

Nonobstant le coût de cette disposition en termes d’attrait pour les IDE et sa pertinence en termes de politique économique, une simple notification suffirait donc à transformer la cession des participations d’une entreprise de droit algérien à un client étranger en acquisition pour le compte d’une entreprise publique.

Le tapage est même contre-productif, puisqu’il aura surtout servi à alerter les deux opérateurs en négociation. Ils ont eu droit à un suivi des intentions actualisées du gouvernement et donc à un providentiel et gracieux “délit” d’initiés.
N’est-ce pas trop d’honneur pour une entreprise qu’une question sans envergure politique provoque ainsi l’implication coordonnée — pas tant que ça, d’ailleurs — de tant d’institutions. Ou est-ce faute de défis locaux et d’enjeux internationaux que l’Algérie, manquant à ce point de grands desseins, se résout à s’offrir une crise d’État avec une simple filiale d’entreprise et à faire d’une histoire de cessions d’actions une question nationale ?

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