jeudi 29 septembre 2011

Warren East (ARM) :«Avec nos licenciés, nous serons peut-être l'Intel de demain»

Windows 8, la prochaine version du système d'exploitation de Microsoft, tournera sous l'architecture ARM. Quel est l'enjeu de ce partenariat ?

Le marché des PC portables est encore considérable, et reste d'autant plus attractif qu'il s'agit de processeurs à haute valeur ajoutée. La décision de Microsoft nous permet d'être présent sur tous les formats de la mobilité, ce qui est important car nous ne savons pas quels produits l'emporteront dans les prochaines années. Aujourd'hui, le marché des puces pour «Mobile Computing» (tablettes, notebooks...) s'élève à 230 millions d'unités. En 2015, il passera à 750 millions... Pour en profiter, il était indispensable de s'allier à Microsoft. Quoiqu'on en dise, on ne peut pas faire grand-chose dans l'univers du PC sans eux. Souvenez-vous des netbooks, ces mini-PC développés il y a quelques années. Au départ, ils étaient basés sur un système d'exploitation Linux plutôt que Windows. Puis Microsoft a décidé de s'attaquer au marché avec une version revisitée de Windows, ce qui lui a permis d'en reprendre l'intégralité en quelques semaines...


Ce partenariat a-t-il vocation à être exclusif ?

Pas du tout. Windows continuera aussi à être soutenu par des puces Intel. Et, de notre côté, nous ouvrirons aussi notre architecture à d'autres systèmes d'exploitation. Ce sera le cas avec Google dont nous supportons le système d'exploitation Chrome pour PC. C'est à l'image de notre modèle économique, qui reste agnostique.


Quels sont, pour les industriels, les avantages de ce modèle par rapport à celui proposé par Microsoft-Intel, qui a dominé l'industrie ces dernières années ?

Théoriquement, il n'y a pas de raison que le modèle «Wintel» ne soit pas profitable pour les autres industriels. En pratique, on s'aperçoit néanmoins que les bénéfices sont largement captés par Intel et, dans une moindre mesure, par Microsoft. Les très faibles profits des fabricants de PC montrent ainsi que la chaîne est déséquilibrée. Au point que le leader mondial, HP, est en train d'étudier une scission de sa branche d'ordinateurs ! Notre modèle amène une plus forte diversité et une plus forte concurrence : nous accordons des licences à plusieurs fabricants de puces, sur plusieurs systèmes d'exploitation.


Intel est en train d'optimiser la consommation d'énergie de ses puces. Ne craignez-vous pas que votre technologie soit bientôt rattrapée ?

Intel est bien sûr un concurrent très sérieux. C'est une excellente entreprise, qui peut s'appuyer sur des ressources industrielles et financières impressionnantes. Si leurs puces ne fonctionnent pas sur les produits mobiles, c'est avant tout parce qu'elles n'ont pas été conçues pour cela. Nous travaillons depuis plus de vingt ans là-dessus, nous savons bien que le bon design ne se trouve pas du jour au lendemain. Mais je pense qu'Intel parviendra à faire des progrès rapidement et à se rapprocher d'ARM. La question est : Avec quel modèle économique ? S'il s'agit d'investir lourdement pour délivrer une technologie trop coûteuse, cela sera compliqué pour eux, surtout face au modèle proposé par ARM.


Vous êtes avant tout connu pour la téléphonie, mais vous êtes aussi présent sur d'autres segments... Quels sont les plus prometteurs ?

Nous sommes très présents sur les «set top box», qui constituent un marché en plein développement. Sur les téléviseurs aussi, grâce à l'émergence des télévisions connectées, qui exigent un processeur plus complexe, ou à la généralisation des écrans ultra-fins, qui nécessitent des puces peu gourmandes en énergie. Les nôtres sont ainsi présentes dans les téléviseurs LG ou encore Samsung. Autre segment particulièrement porteur, les serveurs où, là encore, le critère de la consommation d'énergie est important avec les fermes de serveurs et le développement du Cloud Computing. Nous sommes encore en phase d'expérimentation dans ce domaine et ne serons pas présents avant 2015, mais nous avons de vraies ambitions.


Au final, pensez-vous être le futur leader des semiconducteurs, celui qui détrônera Intel?

Nos perspectives sont très intéressantes, mais soyons réalistes : étant donné notre modèle économique, nous ne serons jamais une entreprise de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Dans les faits, néanmoins, nous serons peut-être l'Intel de demain via nos licenciés qui, ensemble, ont livré cette année autant de puces que notre concurrent américain...


Vu la taille modeste de votre entreprise, ne risquez-vous pas d'être racheté ?

Nous ne commentons pas ces rumeurs. Ce que je peux dire, c'est qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'industrie de voir ARM disparaître en tant qu'acteur indépendant, puisque notre modèle profite à tout le monde.


Vu la taille modeste de votre entreprise, ne risquez-vous pas d'être racheté ? On dit qu'Apple pourrait être intéressé, lui qui songerait à passer tous ses PC portables sous l'architecture ARM...

Nous en avons eu par le passé, mais aujourd'hui, les concurrents les plus présents sont paradoxalement les entreprises de semiconducteurs qui développent leur propre architecture pour certains produits. C'est le cas d'Infineon dans l'automobile, tout comme STMicroelectronics... A nous de les convaincre qu'il est plus efficace et moins coûteux de faire appel à ARM.

Source : Les Échos au 29/09/2011

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