samedi 10 septembre 2011

Concurrence, 3G, investissements, introduction en Bourse, football, Zidane… Entretien avec Joseph Ged, DG de Nedjma

Nedjma a dévoilé au premier semestre 2011 des résultats financiers en forte hausse…

Nedjma est rentré dans l’équilibre financier et la profitabilité financière depuis 2010. Nos résultats financiers du premier semestre 2011, publiés il y a quelques jours, reflètent l’avancement dans la profitabilité. Notre CA a augmenté de 36 %, à 384 millions de dollars. L’EBITDA a augmenté de 42 %, à 149 millions. Nos bénéfices sont passés de 4,7 millions au premier semestre 2010 à 38,8 millions au premier semestre 2011. L’ARPU est passé de $5,9 au 1er semestre 2010 à $8,2 au 1er semestre 2011. Ces taux de croissance sont les plus importants dans le secteur, en Algérie et dans la région.

Le marché algérien du mobile a maintenant plus de dix ans. Est‑il arrivé à maturité ?

Comme nous avons eu à le dire à plusieurs reprises, l’ouverture du secteur des télécommunications – notamment la téléphonie mobile – à la concurrence est une excellente décision de la part du président de la République et le gouvernement. Une décision brillante avec une vision très réussie.

Il faut rappeler que jusqu’à l’arrivée de Nedjma sur le marché, en août 2004, le marché était à 2,5 millions de clients. Durant les quatre derniers mois de 2004, après l’entrée de Nedjma, le marché est passé de 2,5 à 3,5 millions d’abonnés. Nedjma a démocratisé le mobile et favorisé la concurrence sur le marché en baissant les prix.

Avant l’arrivée de Nedjma, nous avons connu une période de stagnation entre 2001 et 2004. Le premier opérateur privé a démarré. Il a fait de bonnes choses en se déployant et en offrant les premiers services. Nous avons connu une deuxième période, entre fin 2004 et 2007, marquée par des taux de croissance phénoménaux, pour les trois opérateurs. Cette période a été marquée par l’explosion du marché, une forte concurrence et une baisse importante des prix. Cette situation s’est poursuivie jusqu’en 2008.

En 2009, le marché est arrivé à maturité. Nous avons enregistré un certain ralentissement dans les taux de croissance, au niveau du chiffre d’affaires des opérateurs notamment. L’année 2010 a été marquée par une stagnation au niveau de la valeur du marché, avec une croissance modérée. Durant les six premiers mois de 2011, nous avons remarqué un bel élan de croissance du marché. Nous estimons que le marché de la téléphonie mobile en Algérie va avoir une croissance supérieure à 5 % en 2011. Nedjma augmente ses parts de marché en fonction de l’évolution globale du marché mais gagne aussi des parts au détriment de son concurrent dominant.

Pourtant, en Algérie, les lois pour favoriser la concurrence, comme la portabilité du numéro, n’existent toujours pas…

Nous avons toujours plaidé pour un rééquilibrage du marché entre les trois opérateurs. Il y a des mesures que nous souhaitons voir mettre en place par l’Autorité de régulation, notamment la portabilité du numéro. Les clients doivent pouvoir choisir librement leur opérateur tout en gardant leur numéro. Le numéro ne doit pas être un frein à un tel choix. Les numéros de téléphone ne sont pas les propriétés des opérateurs mais de l’État algérien. Il ne faut pas que le numéro soit utilisé par certains opérateurs pour retenir les clients. Nous ne sommes pas en présence d’une concurrence totalement loyale dans ce cas.

Il y a d’autres mesures qui peuvent favoriser le rééquilibrage du marché, notamment un encadrement des tarifs du détail et pas seulement celui du gros. Il y a d’autres mesures aussi. Mais ces deux mesures – portabilité et tarifs du détail – sont les plus importantes à mettre en place pour favoriser la concurrence. Certes, nous progressons ; mais l’écart entre l’opérateur dominant et les deux autres opérateurs reste important, même si nous avons réduit cet écart grâce à notre stratégie commerciale.

Vous êtes parmi les principaux investisseurs étrangers en Algérie. Depuis deux ans, le gouvernement a mis en place une série de lois restrictives sur l’investissement étranger. Pour vous, quelles sont les principales contraintes nées de ces mesures ?

Dès les premières mesures dans ce sens, avec la LFC 2009, nous l’avons dit clairement et pris position publiquement. Nous avons dit que nous nous inscrivons clairement dans la stratégie de développement économique de l’État algérien. Nous inscrivons notre action et notre évolution sur le marché algérien dans le cadre de la stratégie globale de l’État algérien.

Il y a même une taxe de 5 % instaurée pour les opérateurs mobiles. Elle a retardé d’au moins un an la profitabilité de Nedjma. Mais comme notre présence et notre investissement s’inscrivent sur le long terme, le très long terme, nous acceptons toutes les décisions qui viennent de l’État qui s’inscrivent dans une stratégie globale de développement économique de l’Algérie.
Ces mesures ne nous ont pas découragés. Bien au contraire. Vous voyez que nos investissements augmentent d’une année sur l’autre. En 2010, nous étions le plus grand investisseur dans le secteur des télécoms en Algérie. Au premier semestre 2011, nous le sommes toujours. Nous avons toujours dit que nous sommes prêts à augmenter nos investissements.

Pour nous, le seul arbitre en matière économique et d’investissements reste l’État algérien. Pour nous, l’Algérie est aujourd’hui un pays stable qui possède la plus grande économie du Maghreb, avec une croissance économique régulière et très importante. Nous encourageons tous les investisseurs étrangers sérieux, qui ont une vision à long terme, à venir investir en Algérie.

Le gouvernement a annoncé son intention de lancer la 3G. Comment voyez‑vous le déploiement de la 3G ?

D’abord, nous sommes convaincus de la pertinence de la stratégie adoptée par le gouvernement sur les TIC en général. Nous sommes contents de la décision de l’État d’introduire la 3G. Un débat technologique a duré presque trois ans sur l’opportunité d’introduire la 3G ou passer directement à la 4G. Dès le début, notre position a été en faveur de la 3G. Nous sommes convaincus que la 3G est la meilleure solution.

Pourquoi nous avons soutenu le choix de la 3G ? Au niveau mondial, les prix des équipements pour la 3G ont baissé. Pour le consommateur algérien, le prix d’accès à la 3G sera donc abordable. Ce n’est pas le cas de la 4G. Il faudrait attendre encore trois à quatre ans pour que les prix arrivent au même niveau.

Aujourd’hui, l’essentiel des revenus est généré par la voix. Nous n’avons plus les mêmes taux de croissance que durant la période 2004‑2008. La 3G va donner un coup d’accélérateur au marché. Nous sommes disposés à augmenter nos investissements pour développer la 3G. Nous avons relevé beaucoup de défis à l’interne et nous sommes prêts à lancer la 3G. Nous voulons offrir des services de standard international à des prix abordables pour le consommateur algérien.

Le gouvernement envisage deux options pour introduire la 3G : un prix fixe et un prix bas, mais les opérateurs reverseront une partie du chiffre d’affaires à l’État. Quel choix vous convient le plus ?

Les deux options sont bonnes. Chaque opérateur va pouvoir choisir en fonction de sa stratégie commerciale et de la durée de la licence. Mais aussi de son engagement sur le marché algérien. Un opérateur qui s’engage sur le long terme ne fera sans doute pas le même choix qu’un opérateur qui souhaite réaliser des gains rapidement sans prendre de risques financiers.

En plus d’Internet sur mobile, que va apporter la 3G au client algérien ?

Aujourd’hui, le téléphone mobile est devenu un objet plus important que le portefeuille et la clé de la maison pour les gens avant de sortir de chez eux. Il ne s’agit pas d’un attachement émotionnel mais pratique. La téléphonie mobile a changé plusieurs choses dans nos vies. Être joignable en permanence est une évolution très importante.

Sur le volet économique, le mobile a eu un impact sur les économies des pays. Pas seulement en termes d’investissements ou de créations d’emplois mais surtout grâce à sa contribution directe à l’économie de ces pays, grâce à l’efficacité qu’il a apportée. Cette efficacité se traduit par une réduction très importante des coûts pour les entreprises et des gains de productivité pour l’économie.

Pour la 3G, la connectivité en temps réel des individus et des machines va encore contribuer à réduire les coûts pour les entreprises mais aussi dans d’autres domaines : la santé, l’éducation, les médias… Des réductions de coûts et de délais qui vont contribuer positivement au développement de l’économie nationale.

Mais quels contenus mettre sur ces mobiles ?

Le contenu est très important. Aujourd’hui, c’est démontré, le développement des technologies à haut débit n’est pas directement lié à la présence de contenus. Il y a des besoins qu’on peut prévoir et qui seront satisfaits mais aussi des besoins qui naîtront avec le déploiement de la 3G. Il y aura un nouveau marché qui sera créé avec l’arrivée de la 3G. C’est le marché des contenus.
Dans son plan de développement de la 3G, Nedjma va mettre en place un système de partenariat pour tous les développeurs de contenus. Il y aura des idées brillantes, des développeurs algériens vont créer des applications qui seront mises sur « Nedjma Store », avec un système de partage des revenus. Ça va créer des emplois, de petites entreprises, des idées… On aura l’écosystème Nedjma Store qui va permettre aux développeurs de créer des applications.

Pour avoir la téléphonie, il faudrait un « smartphone », des téléphones qui coûtent cher. En Europe, ces appareils sont subventionnés par les opérateurs. Allez‑vous faire de même en Algérie ?

Il est encore prématuré pour définir une stratégie commerciale. Nous allons procéder par étapes. Aujourd’hui, nous disons que nous participerons au processus de déploiement de la 3G. Selon les termes de la licence, nous allons mettre en place une stratégie commerciale. Mais je peux vous garantir que Nedjma fera tout le nécessaire pour faire parvenir la 3G à ses clients, de bout en bout, du réseau à l’appareil, dans les meilleures conditions, à un prix adéquat. Nous allons augmenter nos investissements et avoir une stratégie commerciale agressive et globale pour réussir la 3G.

Une fois la licence attribuée, dans combien de temps les services commerciaux seront‑ils lancés par Nedjma ?

Vous savez, l’élément principal de surprise et de temps fait partie de notre stratégie commerciale. Nous ne pouvons donc pas divulguer ce type d’information. Je peux vous dire qu’au niveau technique et humain, nous sommes prêts. Mais on réserve une belle surprise au consommateur.

Dans certains pays européens, des opérateurs concurrents se partagent le même réseau 3G pour réduire les coûts de déploiement et d’entretien. Êtes‑vous prêts pour une telle stratégie avec vos concurrents en Algérie ?

Nous sommes ouverts à toutes les options qui peuvent réduire les coûts d’investissements et permettre de proposer des services à des prix abordables. Le montant des investissements qui seront réalisés sera déterminant pour fixer le prix final pour le consommateur. Si l’État donne la liberté aux opérateurs d’aller dans ce sens, nous sommes disposés à discuter d’une telle option avec un ou plusieurs opérateurs. L’objectif reste de réussir la 3G. Pour tous les opérateurs et pas seulement pour nous.

Le projet d’introduction de Nedjma à la Bourse d’Alger est‑il toujours d’actualité ?

Oui. Il est toujours d’actualité. La décision a été approuvée en interne. Il n’y a pas de date précise pour le lancement de l’opération. Nous sommes en Algérie pour le long terme. Il y a une volonté des actionnaires de QTel (ndlr : maison mère de Nedjma) de partager les succès et les richesses créées par Nedjma avec les Algériens à travers la Bourse d’Alger. L’objectif n’est pas de collecter des fonds à travers la Bourse. Nous voulons aussi participer au développement du marché financier algérien. Nous avançons bien. Mais nous attendons avant de communiquer avec précision les détails de l’opération.

Nedjma est le sponsor de l’équipe nationale de football. Les Verts traversent une période difficile, avec leur élimination de la CAN 2012. Nedjma va‑t‑il revoir son soutien à l’équipe nationale ?

Nedjma sera encore avec l’équipe nationale l’année prochaine, l’année d’après et pendant très longtemps encore. Nous allons continuer à supporter l’équipe nationale dans les prochaines années sans regarder les résultats. Nous n’avons pas oublié les moments heureux et d’euphorie de la qualification au Mondial en 2009 et sa participation honorable à la coupe du monde 2010. Toutes les équipes traversent des périodes difficiles. Nous aurions aimé voir l’équipe nationale en CAN 2012. Mais il reste encore les qualifications de la CAN 2013 et du Mondial 2014. Nedjma sera toujours aux côtés de l’équipe nationale quels que soient les résultats.

On ne voit plus Zidane dans les spots publicitaires de Nedjma. Votre partenariat est‑il toujours en vigueur ?

La relation contractuelle avec Zidane, qui a débuté en mai 2006, est toujours en vigueur. Zidane porte les valeurs de Nedjma. Il reste la fierté des Algériens. Au niveau des projets, nous allons dévoiler du nouveau pour bientôt.

Source : Tout Sur l'Algérie au 10/09/2011

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