samedi 2 avril 2011

Révélations sur le bus algérien caillassé au Caire : L’attaque orchestrée au sommet de l’Etat

Les langues se délient en Egypte. Une année et demi après l’attaque du bus de l’équipe algérienne de football au Caire, le 11 novembre 2009, plusieurs acteurs de l’époque reviennent sur cet épisode pour y apporter de nouvelles révélations confirmant l’implication de plusieurs responsables égyptiens dans cette agression au cours de laquelle trois joueurs algériens ont été blessés. Trois nouveaux témoignages accusent les plus hautes autorités égyptiennes d'avoir manigancé l'agression.

L’émission

Mercredi 30 mars, la chaine égyptienne Modern Sport, consacre une émission, Kora Arabia, aux scandales sportifs survenus au cours de l’ère du président Hosni Moubarak. Forcément, cette attaque contre le bus algérien en faisait partie.

Sur le plateau, il y a le journaliste et animateur Ahmed Shoubeir, ex-gardien de but international. Face à lui, Fadjr Abdelmouncif, portier de l’équipe Al Gouna. Hamada Chadi, ex-directeur des relations externes au sein de la fédération, est intervenu par téléphone pour apporter son témoignage à propos de cette affaire.

Le contexte

Plus d’un mois après la chute du président Hosni Moubarak, les Egyptiens comment à faire table rase du passé. Quand la parole se libère, remontent alors à la surface les petites et grandes combines du clan Moubarak et de ses sous-traitants. L’une de ces grandes combines reste le caillassage du bus de l’équipe nationale algérienne de football au Caire.

Le 12 novembre 2009, le bus qui transporté les Verts est attaqué à coups de pierres par des supporteurs égyptiens faisant 3 blessés parmi les joueurs algériens, Rafik Halliche, Faouzi Chaouchi et Khaled Lemouchia.

Cette attaque qui intervenait quelques jours avant le match décisif comptant pour les éliminatoires de la Coup du Monde 2010 avait pour objectif de déstabiliser la sélection nationale.

A l’époque des faits, les responsables égyptiens avait soutenu que cette agression est l’œuvre des Algériens, du cinéma en quelque sorte.

Samir Zaher, président de la fédération égyptienne de football (FEF), avait ainsi accusé les Algériens de s’être livrés à une mascarade avant de proférer des insultes contre le peuple algérien.

Cette agression avait déchainé une violente tempête entre Algériens et Egyptiens ainsi qu’une crise politique qui a failli déboucher sur la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Aujourd’hui que les Egyptiens démantèlent le système Moubarak, les langues se délient pour révéler ce qui s’est réellement passé au Caire et au Soudan lors du match de barrage.

Ce que les Egyptiens révèlent

Ahmed Shoubeir, journaliste : « En disant la vérité, j’ai été menacé de mort. On m’a privé de radio et même de télévision. On m’a empêché d’animer mon émission. Ils m’ont menacé de mort ainsi que toute ma famille. Ils m’ont présenté devant la justice en ramenant même des témoins. Un haut responsable de la sécurité, actuellement en prison, m’avait également menacé. »

Fadjr Abdelmouncif, gardien de but : « L’affaire de l’attaque du bus algérien est vraie. Zaher [président de la FEF, NDR] a payé certaines personnes pour s’attaquer au bus algérien. Ces personnes ont même témoigné devant le procureur général. C’était une stratégie de Zaher pour déstabiliser l’équipe algérienne et faire peur aux joueurs, avant le match. Mohamed Raouraoua a été mis au courant par certains membres de la Fédération égyptienne qui n’ont pas admis que le bus soit attaqué.»

Fadjr Abdelmouncif : « Samir Zaher doit payer pour tout ce qu’il a fait. C’est lui qui a détérioré les relations entre Algériens et Egyptiens. A cause de lui, les intérêts égyptiens en Algérie ont été attaqués et dévastés, comme EgyptAir, Orascom ou même Arab Contractors. A cause de Zaher, l’Egypte a un problème d’approvisionnement en gaz, suite à ce conflit avec l’Algérie. »

Hamada Chadi, ancien directeur des relations externes au sein de la fédération : « Les projectiles pleuvaient sur le bus? J’étais présent lors de cette scène. Nous sommes allés à l’accueil de l’équipe algérienne. J’ai vu de mes propres yeux le bus attaqué par la bande de Zaher. Les gens disaient qu’il s’agissait d’un scénario monté de toutes pièces par les joueurs algériens. C’est totalement faux. Je confirme que le bus a été attaqué. Le bus a bel et bien été attaqué par une dizaine de projectiles…»

Hamada Chadi : « Samir Zaher a déclaré que c’est une comédie de la part des joueurs algériens et cela malgré qu’il ait constaté les dégâts humains et matériels. Le bus avait été endommagé. Trois joueurs algériens ont été blessés. Raouraoua [ président de la FFF] a été gentil en acceptant de disputer le match alors qu’il pouvait refuser de s’entraîner ou de jouer. L’Algérie avait la possibilité de remporter le match sur tapis vert (0-3) sans le disputer dan le mesure où les dégâts ont été officiellement constatés. Compte tenu des relations fraternelles être l’Algérie et l’Egypte, Raouraoua a donc accepté de jouer le match. »

Hamada Chadi : « L’Etat est complice au plus haut niveau. Les autorités ont appelé Zaher pour le sommer d’affirmer que rien ne s’était passé et qu’aucun joueur algérien n’a été blessé. Zaher est allé même jusqu’à déclarer que le bus a été endommagé par des joueurs algériens, plutôt que par des supporters égyptiens. Nous, membres de la fédération, avons vu l’attaque du bus. Ce sont des personnes qu’on connaît parfaitement un par un.»

Hamada Chadi : « Le général Adli Fayed [haut responsable de la sécurité en Egypte]est également complice. Lui a donné ordre à Zaher de ne pas reconnaître l’attaque du bus. Il est même jusqu’à proférer des menaces de mort à son encontre. Il lui a demandé d’expliquer que ce sont les Algériens qui ont provoqué cet incident en cassant les vitres du bus, alors que tout le monde avait vu cette attaque. »

Hamada Chadi : « J’étais à Oum Dourmane [ Stade de Khatoum où s’est joué le match de barrage en l’Algérie et l’Egyte (1-0)]. J’étais responsable de la sécurité de notre délégation. Il ne s’était rien passé, je peux vous le confirmer. Aucun Algérien ne nous a agressés. Les bus de nos supporters avaient été légèrement attaqués, mais je pense que cela est complètement logique parce que la délégation algérienne avait été sauvagement agressée au Caire. »

Hamada Chadi : « Alaa Moubarak [ fils ainé de Hosni Moubarak] s’est attaqué de manière virulente à l’Algérie. C’est lui qui a semé la zizanie. Il n’avait pas à s’immiscer dans ce genre d’affaire.»

Hamada Chadi : « Je ne veux pas citer son nom [ Mustapha Abdou, journaliste de la chaîne Dream 2], car c’est un niais. Ce journaliste a insulté les martyrs algériens. C’est honteux et c’est vraiment grave. On a touché aux symboles d’un pays, à l’histoire de tout un peuple. Ce journaliste reflète la médiocrité en Egypte. Il doit payer pour son comportement médiocre lui et certains autres, comme El Ghandour [ancien joueur du Zamalek Khaled et animateur télé]. En tant qu’Egyptiens aurions nous accepté que l’on insulte nos martyrs? Non, personne ne le tolèrerait. Les martyrs algériens sont la fierté de l’Algérie. Ils donné leur vie pour l’Algérie, il ne faut pas l’oublier. Zaher n’a même pas osé présenter ses excuses à Raouraoua et à l’Algérie. C’est sur ordre des autorités que Zaher a refusé de le faire, c’est une preuve de leur complicité. »

Hamada Chadi : « Il faut maintenant présenter des excuses au peuple algérien, après tout ce qui s’est passé. C’est vraiment honteux et scandaleux. Je profite de cette occasion pour présenter en direct mes sincères excuses au peuple algérien. Ce sont nos frères. Ce n’est pas à cause d’un simple match de football que nos relations avec les Algériens changent. Le fils de Moubarak était aussi derrière tout ça. Je sais que beaucoup de gens ne vont pas approuver ce que je dis, mais je dis la vérité. Ils vont peut-être dire que les Algériens nous ont aussi insultés, mais je pense que même s’ils l’ont fait, ce n’est pas comme l’ont fait Mustapha Abdou et Khaled Al Ghandour...»

Epilogue. L'affaire étant classée, ces nouvelles révélations sont-elles en mesure de relancer ce dossier? Du côté de la FIFA, la question a été tranchée en mai 2010. L'Egypte a été condamné à verser une amende de 71 000 euros alors que l'équipe doit disputer 2 matchs à 100 kilomètres du Caire, lors des éliminatoires de la prochaine Coupe du monde de 2014 du Brésil.

La balle est du côté de la Fédération algérienne de football.





Source : Dernières Nouvelles d'Algérie au 02/04/2011

Aucun commentaire: