jeudi 1 décembre 2011

Sébastien Hénin. Gérant de portefeuille chez The National Investor «Il serait utopique pour Vimpelcom de ne pas rendre public l’accord sur Djezzy»

Lundi dernier, le ministre des Finances, Karim Djoudi, a déclaré que l’évaluation de la valeur de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy bute sur la conclusion d’un accord de confidentialité entre les autorités algériennes et Vimpelcom, nouveau propriétaire d’OTH. Cette énième déclaration de Karim Djoudi vient jeter une nouvelle couche d’opacité sur le dossier Djezzy. Sébastien Hénin, gérant de portefeuille chez The National Investor, répond à El Watan, en vue de démystifier ce nouvel épisode de l’affaire Djezzy.

- Le ministre algérien des Finances a déclaré, lundi, que l’évaluation de la valeur de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy, filiale d’Orascom Telecom Holding (OTH), bute sur la conclusion d’un accord de confidentialité entre les autorités algériennes et Vimpelcom, nouveau propriétaire d’OTH. Pensez-vous que cela signifie que Vimpelcom, groupe coté en Bourse, sera tenu de garder la transaction secrète ?

Je pense qu’il sera très difficile pour Vimpelcom de ne pas rendre public un tel accord, ou à tout le moins, les points les plus importants, comme le montant de la transaction et le pourcentage du capital associé à cette opération. Les titres Orascom Telecom Holding et Vimpelcom étant cotés sur de nombreuses places boursières, dont Londres et New York, il serait utopique de penser que la société puisse échapper à son devoir d’information vis-à-vis des actionnaires. De plus, il est dans l’intérêt du management de la société de communiquer sur la résolution de cette affaire qui a pénalisé le cours de Bourse de Vimpelcom. Toutefois, certains aspects périphériques à l’opération, liés par exemple à la gouvernance de l’entreprise, pourraient ne pas êtres rendus publics.


- Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a indiqué que le cabinet d’affaires français Sherman Sterling LLP, chargé de l’évaluation de Djezzy, n’a pas achevé son travail, car, de l’avis du ministre, il faut qu’on ouvre les data-rooms. Or, il faut un accord de confidentialité qui est tributaire d’une entente entre les deux parties, algérienne et Vimpelcom. Quel est votre avis ?


Elle est toujours d’actualité cette opération d’évaluation ? Je pensais que c’était réglé !


- Cet accord de confidentialité exigé par la partie algérienne ne signifie-t-il pas qu’il y a des aspects que l’on tente de dissimuler ? Quels sont-ils à votre avis ?


Il est difficile de répondre à cette question, mais il est probable que l’aspect politique joue un rôle important dans ce choix. Le montant de l’opération, à la fois élevé et justifié compte tenu de la qualité de l’actif, pourrait interpeller l’opinion publique. En effet, cette dernière pourrait questionner l’allocation d’une telle somme d’argent à un investissement qui ne produira pas de nouveaux emplois et ne contribuera pas ou faiblement à l’amélioration des conditions de vie des Algériens. Heureusement, les prix du pétrole s’inscrivent aujourd’hui à des niveaux très satisfaisants pour les finances du pays, et cette opération ne remettra absolument pas en cause les bons fondamentaux de l’économie algérienne.


- Comment ce différend est-il abordé au niveau des places boursières, n’a-t-il pas été d’un impact négatif sur la valeur d’Orascom Telecom Holding ?


Le titre Orascom Telecom Holding a été effectivement lourdement pénalisé en Bourse au cours des derniers mois. L’absence de visibilité quant à la résolution du différend sur le dossier Djezzy a conduit les investisseurs à se détourner de l’action qui a perdu plus de la moitié de sa valeur en Bourse depuis le début de l’affaire. Il est important de rappeler que Djezzy constitue l’actif le plus important du portefeuille de la société. Si nous retenons une valorisation comprise entre 5 et 7 milliards de dollars pour Djezzy, cela représenterait entre 65% et 73% de la valorisation d’Orascom Telecom Holding. Il est vrai que le titre Orascom Telecom Holding a été aussi défavorisé par la chute de la Bourse égyptienne. La révolution égyptienne ainsi qu’un environnement financier international difficile ont fait plonger la Bourse cairote de près de 40% depuis le début de l’année, la plus mauvaise performance des Bourses arabes.


- Comment, en tant qu’analyste boursier et observateur sur les marchés, voyez-vous l’issue de ce différend ?


Je pense que la raison devrait l’emporter, la passion doit retomber. Il est dans l’intérêt de l’ensemble des parties de trouver une solution à ce problème.
Une résolution équitable permettra d’envoyer un signal très positif à la communauté économique et financière internationale. Cela pourrait se traduire dans le futur par une meilleure perception du risque algérien et, par conséquent, la possibilité pour le pays de recevoir davantage d’investissements directs étrangers (IDE).

Source : Journal El Watan du 01/12/2011

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