lundi 13 juin 2011

«Ils» vont aussi échouer à faire de Djezzy un autre Mobilis

L’heure est au dialogue à tous les étages. Une brèche pour faire un état des lieux. La décennie économique de Abdelaziz Bouteflika pourrait bien se résumer ainsi. Une grande privatisation au début. Une grande nationalisation à la fin. Toutes les deux manquées bien sûr. Entre les deux des dizaines de milliards de dollars dépensés en rattrapage des infrastructures, avec leur cohorte de scandales aux pots-de-vin. La chronique de la semaine le confirme. Le rachat de Djezzy par l’Etat algérien coince. La gouvernance Bouteflika–Ouyahia n’est pas plus douée pour les nationalisations que pour la cession des actifs publics. La privatisation du CPA a tenu en haleine la place financière d’Alger durant un mandat présidentiel et demi. Jusqu’à être rattrapée par la crise des subprimes en septembre 2007. Plus aucun offreur.

Le CPA est toujours la banque publique que l’on sait. Qui peut rejeter un financement en trésorerie de PME innovante pour un extrait de naissance périmé. A l’autre bout de la décennie faible, le mode a «switché» du «tout privatisation» vers le retour au presque «tout public». Au programme, faire de Djezzy un autre Mobilis. En utilisant un droit de préemption décidé a postériori pour cause de fâcherie présidentielle vis-à-vis de l’ami Sawiris qui fait de bonnes affaires sans prévenir la fratrie. La décision du président Bouteflika de reprendre la main sur OTA est bien sûr l’archétype de l’avatar autoritaire ruineux pour un pays. La preuve ? Les autorités algériennes ne sont pas du tout pressées de savoir combien va coûter le rachat de 51% de l’opération algérienne du nouveau groupe Vimpelcom-OTH.

Le cabinet d’avocat Shearman et Sterling, qu’elles ont engagé pour évaluer la valeur de Djezzy, n’a pas rendu sa copie à la date contractuellement prévue de fin mai 2011. La raison agitée par les officiels algériens est que Djezzy retarderait l’accès aux données qui permettent au cabinet de boucler sa mission. Or, voilà que Shearman et Sterling démente cette raison en affirmant que l’exigence de confidentialité par Djezzy pour la non divulgation de ses données est «un processus normal».

La vérité paraît plus explosive. Le ministre des Finances n’a pas envie d’entendre le montant du chèque que le Trésor public doit signer pour prendre le contrôle de Djezzy. Il serait plus proche des prétentions de Naguib Sawiris, que de ce qu’attendent le président et son Premier ministre. Et comment annoncer à ses chefs une mauvaise nouvelle qui se profile ? En faisant tout pour qu’elle parvienne le plus tard possible. Le président de la République, qui donne un coup de virage à sa politique économique tous les trois-quatre ans, n’est pas si loin de son point d’inflexion sur le calendrier. L’affaire Djezzy (2009-2011) est bien sûr plus grave que l’impasse CPA (2002-2007).

Dans le second cas, le pays a perdu, en travaillant au rythme soufi de Abdelhamid Temmar, une entrée de devises, le lancement de la modernisation de son secteur public bancaire, totalement hors d’époque et l’extension de la concurrence d’acteurs prestigieux sur la place. Dans le deuxième cas, l’échec de la nationalisation de Djezzy épargnera aux contribuables algériens une dépense d’entre 3 et 5 milliards de dollars, selon les conclusions que doit rendre - le plus tard possible - le cabinet Shearman et Sterling. En cas de divergences sur le prix de cession de Djezzy, tous les spécialistes sérieux affirment que l’arbitrage international sera encore plus mortel pour… le contribuable algérien.

Le président Bouteflika a eu la très mauvaise idée de vouloir nationaliser Djezzy surfant sur un sentiment anti-égyptien tout à fait circonstanciel fin 2009, début 2010. Il n’a jamais jugé nécessaire de s’expliquer aux Algériens sur cette décision qui pourtant impute de plusieurs milliards de dollars leur balance des paiements et leur solde de dépenses publiques. 18 mois plus tard, personne ne veut prononcer le montant de ce que va coûter Djezzy. Parce que ce montant n’est pas prononçable. Pas dans une Algérie où chaque jour des affrontements de rue tentent de modifier la répartition du revenu national au profit de ceux qui ont été le plus exclus. La nationalisation de Djezzy va échouer. Et c’est une bonne nouvelle.

Source : Journal El Watan Économie au 13/06/2011

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