lundi 27 octobre 2008

Orascom joue à la victime et défend ses intérêts en Algérie

A la guerre comme à la guerre. Les patrons de la société égyptienne Orascom (Télécoms et industries) viennent de réaliser qu'il se trouvent coincés entre, d'une part, une opinion algérienne plutôt hostile qui a probablement poussé le président Bouteflika à prononcer le discours sur les spéculateurs devant les maires, et d'autre part, une crise financière et économique qui s'annonce ravageuse. Pour mieux défendre ses acquis, pour ne pas dire les mamelles des profits comme l'Algérie, Orascom s'est lancé dernièrement dans une action de communication envers la presse algérienne.

C'est ainsi que plusieurs journalistes algériens ont été conviés à une conférence de presse au Caire pour écouter la toute dernière version d'un scénario de communication où apparaissent les frères Sawiris comme victimes de leurs succès qu'on peut qualifier de controversé surtout lorsque l'on sait qu'Orascom, l'investisseur censé apporter des capitaux en Algérie, a su surtout profiter de façon abusive des financements des banques publiques algériennes, des facilités d'installation, et de nombreuses exonérations et gratifications fiscales.

Bien évidemment, il ne faut pas s'attendre au moindre regret ni à une quelconque reconnaissance. Nos journalistes algériens sont revenus très heureux du Caire avec dans les valises les belles phrases des Sawiris, dont voici un extrait : « Nous considérons qu'Orascom est une partie intégrante de l'Algérie. Je dois vous dire que nous sommes très satisfaits de notre présence en Algérie. Malgré les mentalités ambiantes dans les pays arabes où les populations souffrent encore du complexe du colonisé, et Orascom a été victime de cette mentalité dans son propre pays qu'est l'Égypte. Notre réussite en Algérie a suscité des inquiétudes et des jalousies non seulement auprès des concurrents locaux mais aussi internationaux, dès lors qu'Orascom a opté elle aussi, les dernières années, pour l'investissement à l'étranger. Ce qui n'est pas fréquent dans les pays arabes où ce sont les Occidentaux qui viennent investir. Ils n'ont pas de solutions magiques. Orascom est parti à l'étranger pour conquérir d'autres marchés parce que le marché égyptien est devenu petit pour le groupe. Alors, nous sommes partis en Grèce et en Algérie. Aujourd'hui, nous avons quelque 20 millions d'abonnés avec ces deux pays. Les filiales du groupe Orascom emploient quelque 90 000 personnes en Égypte, où il est considéré comme le premier investisseur."

Pour que Monsieur Sawiris sèche ses larmes avec les milliards de dollars de profits, il aurait pu demander aussi les excuses du peuple Algérien pour l'avoir enrichi, et pour l'avoir laissé berner tout un pays, après le coup des cimenteries financées par des banques publiques, et revendues à Lafarge avec un large profit . Et pour ceux qui croient qu'Orascom est timide, il va même jusqu'à narguer ses contradicteurs en déclarant : « Mais, aujourd'hui, je dois le dire haut et fort, l'Algérie a fait entrer Orascom dans le cercle des grands puisque la réussite de ce groupe a été boostée par le succès de Djezzy en Algérie. On ne peut pas parler d'Orascom Tunisie ou au Pakistan. La réussite d'Orascom n'a jamais été égalée ailleurs. Elle l'a été en Algérie», affirme le patron d'OTH.

Monsieur Sawiris nous a au moins permis de redécouvrir une autre Algérie, dont il est le seul à tirer par miracle toutes les satisfactions. Ainsi il a reconnu que les engagements signés ont été respectés par les autorités algériennes. «C'est l'un des rares pays où les choses se sont déroulées sans entraves », a t-il déclaré. Quant aux puces anonymes et les accusations dont il a fait objet, Monsieur Sawiris joue la carte de l'homme de paix qui en avait marre que ses clients terroristes aient fait tant de victimes au sein du peuple algérien. «J'ai donné des instructions fermes au DG de Djezzy Tamer El-Mahdi pour accélérer l'opération, même si cela a coûté beaucoup d'argent. Je ne peux accepter que des abonnés nuisent à l'Algérie.»

Et pour montrer qu'il prend sérieusement les dirigeants Algériens pour des incultes, il donne alors un autre son de cloche à sa vente des cimenteries à Lafarge en déclarant : « Il a été dit que mon frère a vendu la cimenterie à Lafarge. C'est faux, mon frère n'a jamais vendu la cimenterie à Lafarge mais il a transformé toutes les parts qu'il possède dans toutes les cimenteries au Pakistan, en Irak, au Nigeria, une vingtaine de cimenterie dans le monde, pour entrer en actionnaire à 20% dans un premier temps, une part qui sera réévaluée à la hausse dans trois ans. Mon frère n'a d'ailleurs pas touché de chèque ». Manifestement les Sawiris passe du drama à la comédie et au rire, rien qu'en répondant aux journalistes.

Quant à l'ancien ministre Algérien des Télécom qui a détruit le secteur, bien évidemment, il ne peut qu'être remercié par les Sawiris, qui n'hésitent pas à carrément lui rendre hommage : « Monsieur Amar Tou nous a aidé avec ses conseils, surtout pendant la campagne pour la présidentielle de 2004 où Djezzy a été au centre d'attaques entre partisans du candidat Benflis et le président candidat Bouteflika. Il m'avait dit, ton seul avocat c'est ton travail, ne réponds pas aux critiques. Seul ton travail parlera. Et j'ai suivi ce conseil qui m'a été d'une extrême importance dans la conduite du développement de l'entreprise » cette déclaration pourrait être aussi décodée comme un appel phare au président Bouteflika qui aurait refusé de le recevoir dernièrement (selon une info de TSA), c'est un peu comme la chanson « souviens toi ... ».

Et pour honorer la technologie égyptienne (plutôt virtuelle) et remercier l'Algérie de ses nombreuses facilités, Orascom envisage donc de créer un institut technologique, comme l'a affirmé son patron : «Nous allons créer l'institut Djezzy des technologies et Orascom entamera bientôt une campagne pour vendre l'image de marque de l'Algérie, un pays prometteur pour l'investissement et une destination pour le tourisme.»

Quant au dossier très sensible, et combien ambitieux de l'usine d'Ammoniac d'Arzew ou Orascom avec seulement 15% d'apport obtient le pouvoir de gestion de la société d'exploitation de l'usine, ainsi que de la société offshore de commercialisation de l'ammoniac (49% Sonatrach et 51% Orascom), et avec les compliments des banques du peuple algérien qui financent le projet à hauteur de 70%. M. Sawiris n'a rien trouvé à dire que de se féliciter et déclarer : «Nous allons poursuivre nos investissements en Algérie et avec l'entrée en fonction de l'usine des engrais d'Arzew en partenariat avec Sonatrach, l'Algérie deviendra le premier pays producteur de cette matière dans le monde, ce qui lui servira également pour le développement de l'agriculture.»

Que dire, et que penser de cette interview chers amis et lecteurs ? J'ai le sentiment qu'Orascom n'avait pas eu affaire à des gens qui ont défendu l'Algérie, mais plutôt à des inconscients qui sont en train de brader et d'offrir des activités stratégiques à des gens qui ne sont propriétaires d'aucune technologie, et qui avancent selon le seul instinct celui de tirer le maximum de profit, et en caressants avec des compliments moqueurs des dirigeants qui ne sont manifestement pas à la bonne place qu'ils occupent.

A titre de conclusion, je vous laisse la déclaration de Mohand Amokrane Cherifi (Expert aux Nations unies) qu'il a accordé à un journal algérien sur le rôle de l'Etat qui devrait préserver son pouvoir de décision économique, voici donc sa réponse : « Invité ces dernières années à donner mon point de vue lors de l'examen du texte sur les privatisations, de la loi sur les hydrocarbures et de la stratégie industrielle, j'avais souligné les dangers qui menaçaient l'économie nationale, voire la souveraineté du pays : danger de libéraliser rapidement le commerce extérieur, danger de faire entrer les intérêts étrangers dans les secteurs stratégiques, notamment pétroliers et danger de réduire la place du secteur public dans l'économie. Face à la crise financière internationale, ces dangers sont réels. Gouverner c'est prévoir. Il est temps de faire une évaluation sérieuse des différents secteurs et de définir sur cette base une politique économique globale avec une stratégie industrielle qui exploite les avantages comparatifs nationaux et une stratégie agricole qui vise l'autosuffisance alimentaire, et ce, dans une perspective de développement indépendant qui nous préserve des aléas de la mondialisation et de ses quatre crises : alimentaire, énergétique, climatique et financière. Le développement indépendant ne signifie pas autarcie. Cela veut simplement dire que l'Etat doit préserver ses ressources naturelles, ses secteurs stratégiques et son pouvoir de décision économique. »

Source : Tout sur l'Algérie du 26/10/2008

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