lundi 6 février 2012

L'électronique japonaise au bord du crash

Vedettes de leur secteur dans les années 1990, les groupes nippons perdent pied.

L'avalanche de mauvais résultats à laquelle est confrontée l'industrie japonaise de l'électronique grand public est-elle un simple accident conjoncturel ou relève-t-elle d'un mal plus profond? La semaine dernière, Sony, Panasonic et Sharp ont annoncé que leur année 2012 (qui se terminera au 31 mars) se soldera par des pertes records. Plus de 8 milliards d'euros de déficit pour Panasonic, 2,9 milliards pour Sharp, 2,2 milliards chez Sony… sans même parler d'Olympus, au cœur d'un scandale financier sans précédent. La chute est rude pour ces anciens leaders mondiaux, frappés tout au long de l'année 2011 par des catastrophes à répétition.

En mars dernier, le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon ont détruit certaines de leurs installations industrielles. À peine leur production était-elle revenue à la normale que les inondations en Thaïlande venaient les priver d'une partie de leurs approvisionnements. La situation a été compliquée par l'envolée du yen face aux autres grandes devises. Ce qui rend leurs produits moins compétitifs et diminue mécaniquement l'impact des profits réalisés à l'étranger sur leurs comptes. Le tout dans un environnement économique défavorable.

Ces coups de boutoir ont affecté des géants déjà fragilisés. «Les groupes d'électronique japonais ont eu tendance à se spécialiser dans le grand public. Or, les ventes de téléviseurs représentent environ la moitié de l'activité de ce secteur. C'est un domaine dans lequel ils n'ont pas su résister à la concurrence de leurs rivaux coréens et chinois», souligne Pierre Gattaz, président de la Fédération des industries électroniques, électriques et de communication (FIEEC). «Leurs concurrents asiatiques ont mieux organisé leur chaîne logistique industrielle à la production en masse», ajoute Didier Krainc, directeur général d'IDC France. Sony a ainsi cédé sa place de leader mondial dans les téléviseurs à Samsung et est au coude-à-coude avec LG. «Sony a essayé de conserver ses parts de marché, face à une politique de prix très agressive de ses concurrents coréens. Dans le même temps, ces derniers ont pris l'initiative de l'innovation, notamment en améliorant considérablement le design de leurs produits. Ce que Sony n'a pas su faire», constate un fin connaisseur du dossier. Même constatation chez Toshiba. Un août dernier, le groupe a présenté au salon de Berlin une télévision 3D sans lunettes, qui a reçu un accueil très mitigé. «Le plus important pour nous n'est pas de présenter un produit parfaitement abouti, mais d'être les premiers à mettre sur le marché une innovation majeure. Cela fait cinq ans que nous ne sommes plus leaders en termes de ruptures technologiques», justifiait alors un porte-parole de la marque.

Le virage des smartphones et tablettes

Au coup porté par les Coréens dans les téléviseurs s'ajoute l'offensive d'Apple. «Tant que l'innovation portait sur les produits, les groupes japonais étaient très performants, analyse Didier Krainc. Aujourd'hui, l'innovation est liée aux usages et à l'évolution des modèles économiques. Un virage qu'ils n'ont pas su prendre.» Depuis deux ans, Sony cherche à développer un écosystème capable de rivaliser avec celui d'Apple, en associant la vente de matériel à celle de contenus. Sans y être parvenu.

Un des facteurs clés du succès dans l'électronique grand public est de disposer d'une part de marché conséquente dans les smartphones. Non seulement le marché du mobile est dominé par les smartphones, mais cette mutation dépasse le simple cadre de la téléphonie. L'année dernière, il s'est vendu davantage de smartphones (487 millions) que de PC (416 millions) dans le monde, selon le cabinet Canalys. Et ce dernier intègre dans ce décompte les ventes de tablettes, en hausse de 274% en un an. Or, les groupes japonais ont tardé à mettre en place une riposte adéquate à l'arrivée de l'iPhone, puis de l'iPad. Autrement dit, les géants japonais jouent un rôle marginal sur les deux marchés les plus porteurs du moment: les smartphones et les tablettes. Pire, «les appareils photo et les consoles de jeux vidéo, qui sont dominés par les marques japonaises, souffrent eux aussi de la concurrence des smartphones», rappelle Pierre Gattaz.

Le rachat des 50% d'Ericsson par Sony dans leur coentreprise Sony Ericsson est à ce titre très révélateur d'une volonté de reprendre la main sur le marché fondamental qu'est devenue la téléphonie mobile.

Source : LE FIGARO.fr au 06/02/2012

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