INTERVIEW - Un entretien avec l'un des hommes d'affaires les plus puissants du Moyen-Orient.
Avec Orascom , Naguib Sawiris a bâti en moins de dix ans un géant des télécoms, principalement dans les pays émergents. Mais le milliardaire égyptien a aussi pris pied en Europe en rachetant le numéro trois italien, Wind, et le numéro trois grec, Wind Hellas. Au total, le groupe compte 100 millions d'abonnés.
Il entend continuer à jouer un rôle dans la consolidation du secteur et désire plus que jamais s'implanter dans l'Hexagone. Malgré le conflit sur Mobinil-ECMS, qui l'oppose depuis deux ans à France Télécom et qui vient de connaître un nouveau rebondissement.
LE FIGARO. Il y a dix-huit mois, vous vouliez racheter Bouygues Telecom, prendre une participation dans Vivendi et même dans France Télécom. Voulez-vous toujours faire des acquisitions en France ?
Naguib SAWIRIS. - Oui, je souhaite m'implanter en France. Mon groupe est déjà présent en Grèce et en Italie, où Wind vient d'être classé parmi les entreprises italiennes donnant le plus de satisfaction à ses clients par le journal Il Sole 24 Ore. Moi, j'adore la France. J'y passe la plupart de mon temps et toutes mes vacances depuis vingt-cinq ans. Et la France est un pays qui compte plus de 8 millions de Nord-Africains, je pense que cela fait sens industriellement de s'implanter en France et qu'il y a de nombreuses synergies à dégager. En outre, cela irait dans le sens de l'Union pour la Méditerranée prônée par le président Sarkozy.
Cela passe-t-il par des rachats ?
Nous sommes ouverts à toutes les combinaisons : acquisitions, fusions, alliances, partenariats. Mais il est sûr que les acteurs de taille moyenne ne peuvent résister seuls face à la puissance de géants comme Vodafone ou Telefonica, présents dans le monde entier. Grâce à leur taille, ces géants peuvent offrir à leurs clients des tarifs de « roaming » (les appels d'un pays à l'autre) ultracompétitifs et des terminaux à des prix imbattables grâce à leur force d'achat auprès des constructeurs. Avec ces deux atouts, ils attireront à eux inéluctablement tous les clients. Les opérateurs régionaux comme KPN, Swisscom, Bouygues Telecom sont condamnés à perdre s'ils ne se regroupent pas.
Voulez-vous de nouveau racheter Bouygues Telecom ?
Le prix des acquisitions aujourd'hui est exorbitant au regard de la situation des marchés et du potentiel de création de valeur des entreprises. D'autant que, vu les conditions de crédit, il est plus difficile de financer de telles opérations. Cela dit, Orascom a les moyens de ses ambitions : nous avons récupéré plus de 2 milliards de la vente de notre participation dans Hutchinson Telecom et 1,2 milliard de la vente de notre filiale irakienne, ce qui nous a permis de réduire notre dette. Wind vient également de lancer avec succès un emprunt obligataire de 2,7 milliards d'euros pour restructurer la dette du groupe. C'est la plus grosse transaction réalisée en Europe depuis octobre 2006, preuve que les investisseurs nous font confiance.
À défaut d'acquisitions, êtes-vous intéressé par la quatrième licence mobile en France ?
Nous sommes ouverts à tout. Nous sommes prêts à nous allier à l'un des candidats à cette licence. Il y a un créneau pour un quatrième opérateur en France, où le taux de pénétration est moins élevé que dans les autres pays européens.
Préparez-vous une alliance avec Free, dont on vous dit proche ?
J'ai beaucoup d'admiration pour Free et son fondateur Xavier Niel qui, comme moi, est un véritable entrepreneur. Mais je ne connais pas ses intentions.
Votre partenariat avec France Télécomen Égypte au sein de Mobinil se passe mal. Pourquoi ?
Vous savez, j'ai des liens très forts avec la France et je ne ferai jamais rien de contraire aux intérêts de ce pays. Je suis très admiratif de France Télécom, dont j'ai beaucoup appris, mais, dans ce cas précis, il ne joue pas le jeu et refuse d'appliquer le principe d'égalité des actionnaires.
Que pensez-vous du nouveau rejet, par les autorités de marchés égyptiennes, de l'offre de France Télécom sur ECMS, votre filiale commune en Égypte ?
C'est la troisième offre que France Télécom fait sur les minoritaires d'ECMS et la troisième fois que celle-ci est rejetée, toujours pour les mêmes raisons : cette offre ne traite pas de la même manière l'ensemble des actionnaires. Je ne pense pas que l'on pouvait s'attendre à un changement de position du CMA alors que l'offre de France Télécom n'a pas été modifiée.
Pourtant, France Télécom a eu en sa faveur une décision du tribunal arbitral. Pourquoi refusez-vous de l'appliquer ?
Peut-on dire que cette décision soit en sa faveur quand le tribunal lui impose un prix d'achat si élevé ? Si c'était mon argent, je ne serai pas fier. France Télécom doit appliquer ce prix à l'ensemble des actions visées. Nous lui avons indiqué depuis le début l'obligation légale de faire une offre pour l'ensemble des actionnaires au même prix. Il conteste ce point parce que cela lui coûte très cher au vu du prix imposé par le tribunal arbitral, mais la loi fait foi.
La situation est bloquée. Comment allez-vous en sortir ?
J'ai fait plusieurs propositions amicales au président Lombard pour trouver une solution amiable, et ce depuis longtemps : lorsque France Télécom a finalement reconnu son erreur sur le budget prévisionnel de Mobinil c'était le point de départ de notre désaccord , nous avons proposé d'annuler la procédure en cours, mais France Télécom a refusé. En attendant, la société Mobinil commence à être pénalisée sur le terrain par cette mésentente d'actionnaires.
La crise ne rend-elle pas difficile votre situation dans les pays émergents à risque, qui représentent le plus gros de vos implantations ?
Pas du tout. Les télécoms, y compris dans les marchés émergents, sont résilients à la crise. C'est l'une des industries les moins touchées. La croissance reste très forte dans les pays émergents. Dans tous ces pays où il n'y a pas de services financiers, je compte beaucoup sur le paiement par téléphone mobile qui est en plein boom et va nous apporter des revenus supplémentaires.
Rude bataille avec France Télécom pour Mobinil, le n° 1 égyptien du mobileMobinil est le numéro un du mobile en Égypte. Avec 22 millions d'abonnés et près de la moitié du marché, ses deux actionnaires peuvent être fiers de leur société. Sauf que depuis deux ans, les deux partenaires, Orange (France Télécom), majoritaire avec 71,25 % du capital, et Orascom qui en possède 28,75 %, se livrent bataille pour racheter la part de l'autre et se retrouver seul maître à bord. L'affaire a été portée par Orascom devant la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale. L'opérateur égyptien a été condamné à vendre à France Télécom ses titres. Mais Mobinil n'est qu'un holding. La vraie société opérationnelle, baptisée ECMS, est détenue à 51 % par Mobinil. Les minoritaires sont Orascom (20 %) et le capital restant (29 %) est flottant. Or la Cour a sommé France Télécom de faire une OPA sur les minoritaires d'ECMS pour pouvoir s'emparer comme convenu du holding. Le français a lancé trois OPA en vain. L'autorité des marchés égyptiens (CMA) a en effet estimé que le prix proposé par France Télécom aux minoritaires d'ECMS devrait être le même que celui fixé en mars pour le rachat de Mobinil. Elle fait valoir le principe d'un traitement équitable de tous les actionnaires. |
Source : Le Figaro 20/07/2009
3 commentaires:
Et Vous avez récupéré 2 milliards de dollar de djezzy et la vente des cimenteries. C’est à cause de vous que le gouvernement Algérien a changé de stratégie d’investissement en Algérie.
En tous cas, il va être démonté par les Algériens comme l' a fait José Bové avec Mac Donald :
http://www.lefinancier-dz.com/ACTUALITE/2654.html
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