mardi 26 octobre 2010

Ils sont jusqu'à présent quasi inexistants : L’affaire Djezzy illustre l’importance des syndicats dans les entreprises privées


Les opérateurs économiques activant en Algérie le savent bien. Au-delà des règles du marché et de la concurrence, l'Etat algérien garde un rôle prépondérant en matière de fonctionnement de l'économie. Il s'agit bien sûr de son pouvoir réglementaire - on l'a vu avec les deux dernières lois de finances complémentaires 2009 et 2010- mais aussi de sa capacité d'intervention dans le déroulement de l'activité des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées.

Face à cette situation, plus pesante en Algérie que dans beaucoup d'autres pays, les entreprises privées peuvent être la cible, pour des raisons évidentes ou parfois plus obscures, des autorités. Plusieurs entreprises privées qui étaient florissantes dans leur activité, comme Tonic Emballage, Khalifa et plus récemment Djezzy, ont eu maille à partir avec l'Etat. Chaque fois, leurs directions se sont trouvées en situation difficile et bien seules pour se défendre. Le point commun dans bien des cas c'est l'impuissance des salariés qui voient se dérouler au dessus de leur tête une guerre dont ils ne peuvent qu'être les témoins impuissants.

Depuis quelques années, la relation entre l’Etat et les entreprises semble fortement influencée par un critère social : la présence ou non de syndicats. D’un côté, des entreprises publiques qui affichent de très mauvaises performances économiques et financières – Algérie Télécom, Sonelgaz, Air Algérie, SNVI…- mais continuent à bénéficier de l’appui de l’Etat dans tous les domaines, y compris financier. L'objectif est d'éviter les dépôts de bilans, synonymes de troubles sociaux et de manifestations de travailleurs. De l’autre, des entreprises privées, parfois performantes, qui sont soumises à de fortes pressions fiscales et réglementaires.

A ce jour, il est difficile d’expliquer pourquoi Khalifa Bank et Khalifa Airways ont été mises en faillite avec leurs milliers de travailleurs jetés à la rue. A aucun moment, le gouvernement n’avait cherché à trouver un repreneur pour ces deux entreprises. Le même constat s’applique à Tonic Emballage. Il suffirait d’autoriser les banques à convertir leurs créances en participation et trouver un partenaire industriel pour relancer l’entreprise. Car la question qui se pose est la suivante : pourquoi les travailleurs de ces entreprises devraient-ils payer pour les malversations de leurs dirigeants ? D’autant que ces malversations ont souvent été favorisées par le pouvoir lui-même.

Dans des affaires similaires dans d'autres pays, les syndicats seraient rapidement montés au créneau, ou au moins se seraient exprimés, pour manifester leurs craintes et défendre les intérêts des salariés, voire même de l'entreprise toute entière. Mais en Algérie, dans les entreprises privées les salariés ont aujourd'hui très peu de marge de manœuvre. Les syndicats y sont inexistants, les salariés ayant la volonté de créer une cellule syndicale sont en effet encore trop souvent découragés ou intimidés par leur direction qui craint les éventuels conflits. On se souvient, notamment dans certaines grandes multinationales activant dans le sud du pays, des exemples de salariés licenciés après avoir voulu monter un syndicat.

Et le gouvernement le sait bien. Il n'a pas à craindre une mobilisation concertée des salariés. Du coup, s'il cède ne serait-ce que quelques miettes aux employés des entreprises publiques qui protestent dans la rue, comme ceux de la SNVI ou les professionnels des secteurs de la santé ou de l'enseignement, il ne craint pas de prendre des décisions qui vont à l'opposé des intérêts des travailleurs du secteur privé.

Le contrecoup de cette situation c'est que lorsqu'une entreprise privée est mise en difficulté par des décisions gouvernementales, comme c'est le cas dans l'affaire Djezzy par exemple, la direction ne peut s'appuyer sur ses salariés pour défendre ses intérêts. Il est ainsi révélateur de constater que dans les tensions actuelles qui existent autour de la vente de Djezzy, on n'ait jamais entendu les 4.500 salariés du groupe s'exprimer publiquement sur leurs inquiétudes ou au contraire leur satisfaction à l'idée d'une nationalisation de l'entreprise.

A l'inverse, dans les entreprises publiques, chaque décision gouvernementale est étudiée, disséquée et commentée par les syndicats. Et ils ne manquent pas de faire connaître leur position et de s'opposer fortement et parfois violemment au gouvernement s'ils jugent qu'elle met en péril l'entreprise ou leurs conditions de travail. Les patrons du privé vont-ils enfin comprendre l’intérêt pour eux d’autoriser des syndicats au sein de leurs entreprises ?

Source : Tout Sur l'Algérie au 26/10/2010

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