jeudi 19 janvier 2012

«Les réseaux 3G pour palier le manque d’infrastructures filaires en Afrique»

Comment voyez-vous le développement de la broadband mobile en Afrique ?
Frédéric Pujol : La situation de la 3G est aujourd’hui favorable à la démocratisation des accès nomades à Internet dans les pays en développement comme en Afrique. Durant ces dernières années, les infrastructures 3G ont vu leur prix baisser sensiblement. Les terminaux sont disponibles à des prix très bas comme des hotspots Wifi qui font office de routeurs permettant de connecter au réseau 3G dans un foyer ou dans une petite entreprise.

En Afrique, il y autant de scénarii que de pays. Ce sont les gouvernements qui déterminent les coûts des licences en fonction de plusieurs paramètres et surtout de la disponibilité du spectre et des fréquences. La multiplication des tablettes, des smartphones et surtout des clés 3G permet de capter les débits de transmissions disponibles pour palier l’absence des réseaux fixes. L’avantage de ce type de réseau réside aussi dans le gain de temps que permet son déploiement, surtout si les bandes de fréquences assez basses sont disponibles.

Il y a des pays qui pensent déjà à l’option 4G ?
FP : C’est vrai des pays comme le Kenya et l’Algérie avaient mis cette option à l’étude. Il faut savoir que techniquement, on peut faire migrer directement un réseau de type GSM (de 2G) à la 4G. Mais il faut comprendre qu’il ne peut pas y avoir autant d’opérateurs que de réseaux 4G dans un pays. L’approche économique la mieux adaptée consisterait à mettre en place une infrastructure mutualisée à partir de laquelle chaque opérateur serait client. Une sorte d’offre de réseau Wholesale. Cela nécessite une réflexion approfondie en amont sur le modèle économique et sur les plans juridique, réglementaire et technique. Les services LTE sont opérationnels depuis plus d’un an dans quelques pays d’Asie et d’Europe principalement. En revanche, nous n’avons pas connaissance, pour l’heure, d’un cas de figure d’un opérateur africain qui commercialise des services 4G.

Considérez-vous que cette technologie est mature aujourd’hui ?
FP : La technologie LTE est arrivée aujourd’hui à maturité, surtout aux Etats-Unis où l’opérateur Verizon vient d’achever son plan national de déploiement sur tout le territoire américain. De ce fait, l’opérateur américain contrôle tout l’écosystème des terminaux. Aujourd’hui, la quasi-totalité des terminaux LTE disponibles sur le marché américain est destinée aux clients de Verizon. Même si les tarifs restent encore très élevés, le marché devrait décoller dans le courant de l’année 2012. Avec la technologie LTE, on peut accéder théoriquement à des débits de l’ordre de 80Mbits/s sur la voix descendante avec un temps de latence très réduit ce qui est intéressant pour des applications en temps réel.

En France, beaucoup d’opérateurs expérimentent actuellement la 4G sans pour autant disposer de licence. Qu’en pensez-vous ?
FP : Aujourd’hui, les équipementiers réseaux sont prêts à déployer rapidement. Mais les opérateurs se posent encore la question de l’utilisation de la bande des 2,6 GHZ. Ce sont des fréquences très hautes, lesquelles seront plutôt utiles dès lors que l’on dispose de beaucoup de capacités dans les villes. A la place, les opérateurs préfèrent plutôt utiliser la bande des 1800 GHZ qui est la 2ème bande GSM. Actuellement, cette bande connait une forte migration des flux 2G vers la 3G. Cette migration progressive permet de libérer de la disponibilité sur la bande de fréquences des 1800. L’avantage est que plusieurs opérateurs américains, européens et asiatiques se sont déjà lancés sur cette bande. Résultat : il va y avoir plus de terminaux disponibles sur la bande des 1800 que sur la bande des 2,6 GHZ.

La disponibilité des fréquences, ressources rares, conditionne l’émergence des nouvelles technologies. En Afrique comme partout ailleurs, il faut gérer la contrainte liée à disponibilité des sites pour les stations de base. Il peut y avoir des spécificités nationales dans un certain nombre de cas, notamment pour les très grandes villes où les autorisations peuvent aller jusqu’à 12 mois. C’est un facteur bloquant pour le déploiement d’un réseau mobile.

Qu’en est-il des réseaux Wimax mobile déjà déployés qui offrent aussi des débits nomades assez élevé ?
FP : Les réseaux Wimax mobile fonctionnent très bien aussi. Mais l’écosystème des terminaux ne suit pas la dynamique. Il n y a pas eu une adoption suffisamment importante au plan mondial. Il y a très peu de terminaux disponibles. Le peu de terminaux aujourd’hui disponibles sur le marché se limite à faire du nomadisme. En revanche, il y a très peu de smartphones et autres terminaux mobiles.

Frédéric Pujol, responsable de la practice technologies radio et spectre à l’IDATE (Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe)

Source : Ecofin telecom au 19/01/2012

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