mercredi 18 janvier 2012

En 2012 lancement de la 3G, l’arbre qui cache la forêt ?

Depuis une décennie au moins, tout le monde s’accorde à dire que les TIC sont un axe central de rattrapage pour les pays en développement. C’est ce qui est communément appelé la réduction de la fracture numérique Ainsi déjà le rapport 2006 de la CNUCED portant sur l’économie de l’information indiquait que " sur 181 pays en développement ou en transition, près de la moitié (44%) s’étaient dotés d’un plan national relatif aux TIC, et un cinquième étaient d’en élaborer un ". L’Algérie n’a évidemment pas échappé à cette évolution. Elle s’était dotée d’une stratégie en la matière intitulée " e-Algérie 2013 ".Pour plus de précaution le Premier ministre avait demandé l’avis statutaire du Conseil national économique et social(CNES) en janvier 2009, lequel a été publié quelques mois après sur le Journal officiel du 16 septembre 2009. Les quelques ajustements de trajectoire qui y ont été opérés ont, me semble-t-il, tenu compte des observations principales émises par le CNES. D’abord le champ daté de mise en oeuvre a été ouvert. On ne s’en tient plus au délai irréaliste de 2013 pour exécuter un programme aussi vaste et aussi dense avec des contraintes majeures diversifiées portées, en outre, par d’autres secteurs. Pour s’en rendre compte il n’y a qu’à visiter le site du secteur concerné qui présente désormais le programme sous l’intitulé de e-Algérie (ealgerie@mptic.dz). A ce propos et de façon factuelle, Moussa Benhamadi, ministre en charge du secteur, considère finalement que " la modernisation de l’accès à Internet est lourde mais sera achevée en 2014 ".

La deuxième observation formulée par le CNES a porté sur la nécessité d’inclure l’ensemble des acteurs et utilisateurs concernés dans la mise en œuvre du programme et de ne pas le faire supporter seulement par l’Etat qui " porte quasiment seul l’effort de développement induit par la mise en oeuvre des politiques publiques en rapport avec cette question " en proposant même d’aller plus loin par l’initiation d’une " nécessaire mutualisation des efforts et des moyens à mettre en œuvre ". Cela implique donc l’inclusion du plus grand nombre d’investisseurs dans le hardware et le software, jeunes et moins jeunes, locaux et étrangers. En ces temps de déficits budgétaires de tous les dangers la recommandation prend tout son sens d’autant que l’état de la branche internationale offre beaucoup d’opportunités.

A ce propos, le projet appelé Algerian Start up Initiative(ASI), initié avec l’appui de la communauté algérienne scientifique et technologique de la Silicon Valley va dans ce sens car il vise à faire émerger des start up conduites par des jeunes universitaires locaux. Malheureusement il faut reconnaître que certaines parties des pouvoirs publics qui l’avaient pourtant initié n’ont pas été au bout de leur promesse. Ce type de comportement est contreproductif car tout le monde sait que la jeunesse, au sens de la "creative class" et aussi par son intérêt pour les nouvelles technologies, est un des facteurs clés de succès du programme des TIC. D’autres contre performances se retrouvent chez Algérie Télécom dont le PDG souligne que " les résultats de l’année 2011 sont bien loin de nos ambitions initiales et des engagements pris lors de nos différents regroupements ". C’est pour cela, que le lancement du réseau national de téléphonie mobile de troisième génération (3G), considéré par le supplément annuel conjoint " Le Monde en 2012 " des journaux The Economist et Courrier International, comme l’événement majeur en Algérie pour 2012 n’est en vérité que l’arbre qui cache la foret. D’autres arguments confirment malheureusement cette assertion. Je les prends des données fournies par le site du secteur dont il faut noter positivement au passage la transparence (source CREAD, 2008).

D’abord en matière d’équipements informatiques dans les secteur des de l’éducation, la formation et l’enseignement supérieur. Pour le cycle primaire il n’y a aucune donnée, j’aurai donc tendance à considérer que le taux de pénétration de l’informatique est tellement négligeable qu’il n’est pas mesuré. Quant au cycle moyen il est de 0,58% c’est à dire qu’au mieux six élèves sur 1000 ont accès. S’agissant du cycle secondaire il est de 2 ,54% soit 25 élèves qui ont accès sur 1000 Pour le supérieur le taux et de 4,72% soit 47 étudiants sur 1000 qui ont accès aux équipements informatiques. Enfin le meilleur score,mais qui reste encore très bas, est réalisé par la formation professionnelle avec un taux de 4,8% soit 48 élèves ayant accès aux équipements informatiques sur 1000. Autre critère d’analyse mesurant le retard, celui de la densité téléphonique. Si l’utilisation du téléphone mobile s’est généralisée avec un taux de 97,90% celui de la téléphonie fixe, filiaire et WLL n’est que de 13,35%. Même tendance observée pour le binôme de comparaison poste TV par foyer (93,1%) et ordinateur par foyer (12,31%). La pénétration d’Internet dans les entreprises est encore nettement insuffisante (41,11%) ; même si 58,2% ont une adresse électronique. Moins d’un tiers d’entre elles dispose d’un site web (29,4%) et seules 15,2% ont un nom de domaine.

Face à ces déficits qui creuse la fracture numérique, le marché des TIC en Algérie est néanmoins en forte croissance : le chiffre d’affaires global en 2011 a été de 5,5 milliards de dollars alors qu’il a n’a été de 4,7 milliards d dollars en 2010 selon Zoheir Meziane conseiller dans le ministère concerné. Ce dernier estime la contribution des TIC à " 4% du PIB et l’objectif est de l’augmenter à 8% ". Sur ces bases et à titre de comparaison la contribution des TIC au PIB est du même niveau, pour le moment, que celle du secteur industriel dans son ensemble.

On voit donc bien qu’il s’agit là d’un nouveau moteur de la croissance dont il faudra monter rapidement le régime car c’est possible pour ce type d’activités. Le programme e-Algérie, décliné en 13 axes de A à M est à présent globalement mis en point dans une démarche interactive qu’il faut souligner. Il faut en accélérer à présent les rythmes d’exécution par toutes les parties prenantes, y compris par certains secteurs qui traînent encore la patte ne faisant pas preuve de suffisamment d’intersectorialité. L’ouverture à l’international et les investissements étrangers sont essentiels pour la croissance des TIC en Algérie car c’est une branche non seulement internationalisée du point de vue technologique mais transfrontalière dans ses diverses utilisations. Se cantonner à ce propos à des débats du type faussement souverainiste c’est discuter du sexe des anges pendant que Byzance est assiégée.

Je conclus sur un dernier point qui me parait essentiel c’est celui du suivi et de l’évaluation externe de la réalisation du programme. Car s’il y a un domaine où la transparence est consubstantielle à la nature de l’activité c’est bien les TIC. Cette évaluation peut être de deux natures : indépendante et/ou institutionnelle. Indépendante par la mise en place d’observatoires généralistes ou spécialisés locaux. Ces observatoires peuvent être initiés par les professionnels et autres acteurs de la branche en liaison avec des institutions universitaires et de recherches. Institutionnelle à l’instar par exemple du mécanisme d’examen collégial proposé par l’OCDE à ses membres ou bien de celui de la CNUCED. On peut imaginer pour ce qui nous concerne un mécanisme d’évaluation au niveau africain ou arabe.

Au moment où de nouveaux territoires numériques font l’objet de rudes combats entre les géants du monde virtuel, l’Algérie doit se faire, elle aussi, une petite place. Pour le moment rien n’est encore acquis. Mais savoir ce qu’il faut faire c’est déjà un premier pas.

Source : Quotidien Liberté au 18/01/2012

Aucun commentaire: